Maire-info
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Édition du vendredi 26 janvier 2024
Immigration

Loi immigration : le Conseil constitutionnel censure plus d'un tiers du texte

Le Conseil constitutionnel a censuré, dans une décision rendue hier après-midi, une large partie de la loi immigration qui a été définitivement adoptée par le Parlement le 19 décembre dernier. Au total, 35 articles ont été censurés partiellement ou entièrement sur les 86 que comptait la loi votée il y a un mois.

Par Lucile Bonnin

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Après un parcours législatif tumultueux, le Conseil constitutionnel a enfin livré hier son verdict concernant la loi immigration.

Pour mémoire, l’adoption de ce texte ne s’est pas faite sans mal. D’abord examiné par le Sénat, le texte avait presque été entièrement remanié avec des mesures plus dures que le projet de loi d'origine. Le texte a ensuite été récrit par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Après l’adoption d’une motion de rejet votée par toutes les oppositions (Nupes, LR et RN), le projet de loi n’a pas été examiné en séance publique mais a finalement été adopté par le Parlement après la convocation d’une commission mixte paritaire (CMP) (lire Maire info du 20 décembre).

Pour rappel, Emmanuel Macron lui-même avait saisi le Conseil constitutionnel, au même titre que la présidente de l’Assemblée nationale et que les députés et les sénateurs de la gauche. Le gouvernement s’attendait à ce qu’une partie des articles soit retoquée, l’ex Première ministre estimant que certaines mesures du texte ne « semblent pas conformes à la Constitution » .

Hier, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur cette controversée loi immigration, censurant au total 35 articles dont la grande majorité pour des motifs de procédure, donc de forme. Parmi les 35 articles, « il censure en outre au fond, partiellement ou totalement, 3 (...) articles » , peut-on lire dans le communiqué du Conseil constitutionnel. 

« Cette décision de 276 paragraphes et cinquante-deux pages est la deuxième plus longue de l’histoire de la juridiction, après celle concernant la loi de programmation de la justice, en 2019 » , souligne Le Monde

Quotas migratoires et relevés d’empreinte 

Parmi les mesures censurées sur le fond, c’est-à-dire considérées comme étant inconstitutionnelles, trois articles ont été retoqués.

L’une de ces mesures porte sur l'instauration de quotas migratoires par le Parlement qui devait « déterminer, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France ». Les Sages ont censuré cette disposition de l’article 1er expliquant qu’il « ne résulte (…) d'aucune (…) exigence constitutionnelle que le législateur peut imposer au Parlement l'organisation d'un débat en séance publique ou la fixation par ce dernier de certains objectifs chiffrés en matière d'immigration » . Cette proposition venait initialement de la droite sénatoriale et n’avait rencontré aucune opposition de la part du gouvernement qui la considérait cependant comme inconstitutionnelle. Sur ce point, les neuf Juges ont tranché. 

Autre mesure censurée sur le fond : l’autorisation pour des officiers de police judiciaire de « recourir à la contrainte pour procéder aux opérations de prise d'empreintes ou de photographie d'un étranger, en cas de refus caractérisé de ce dernier de se soumettre à ces opérations »  dans le but de faciliter l’identification des étrangers en situation irrégulière. L’article a été jugé inconstitutionnel et le Conseil constitutionnel a rappelé que « la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ».

Prestations sociales, caution étudiante, regroupement familial

L’élagage a été le plus impressionnant sur les 32 autres articles retoqués pour des motifs de procédure. En effet, ces derniers sont considérés comme « cavaliers législatifs »  et donc certaines mesures ont été supprimées du texte. Selon les Sages, nombreuses sont les dispositions qui n’avaient pas de lien avec le projet de loi initial déposé par le gouvernement. Or l’article 45 de la Constitution garantit « l’existence d’un tel lien ». 

C’est le cas par exemple de la question du durcissement de l'accès aux prestations sociales pour les étrangers. Le projet de loi prévoyait de faire passer le délai de résidence actuellement nécessaire à cinq ans au lieu de 6 mois actuellement pour pouvoir toucher un certain nombre d’aides sociales (APL, allocations familiales, etc.). Un assouplissement avait été ajouté : les étrangers pourront prétendre à ces aides s’ils peuvent justifier « d’au moins 30 mois »  d’activité professionnelle. Le Conseil constitutionnel a totalement censuré l’article. 

La mesure prévoyant le resserrement des critères du regroupement familial a connu le même sort. Rappelons que le texte initial prévoyait que, « dans le cadre d’une demande de regroupement familial, le maire de la commune de résidence de l’étranger ou le maire de la commune où il envisage de s’établir procède à la vérification de ses conditions de logement et de ressources dans un certain délai et qu’en l’absence d’avis rendu dans ce délai, cet avis est réputé défavorable » . La mesure a finalement été balayée par le Conseil constitutionnel. 

Par ailleurs, du côté des étudiants et du milieu universitaire c’est le soulagement. L'instauration d'une caution financière qui ne sera rendue à l’étudiant que lorsqu’il quittera le pays est une mesure qui ne va finalement pas apparaître dans la loi. 

Parmi la trentaine d’articles retoqués, les maires pourront retenir également que la fin du droit du sol automatique prévue par le projet de loi n’entrera pas en vigueur. Ainsi, l'article qui obligeait les jeunes nés de parents étrangers à manifester leur volonté d'obtenir la nationalité française entre 16 ans et 18 ans a été censuré. Enfin, la tentative de limiter l’hébergement d’urgence a également échoué puisque les Sages ont censuré une mesure qui excluait « l’étranger ne bénéficiant pas d’un droit au séjour en France et faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français »  à accéder à un hébergement d’urgence. 

Application imminente 

Cette décision annonce donc la fin d’un feuilleton politique mouvementé (lire Maire info du 20 décembre). Hier soir, invité au 20 heures de TF1, Gérald Darmanin indiquait que « le Conseil constitutionnel a validé l’intégralité des articles proposés par le gouvernement » . Si le ministre de l’Intérieur considère la décision du Conseil constitutionnel comme une victoire politique, il se réjouit surtout de l'application de cette loi qui sera promulguée « dans les heures qui viennent » : « Jamais la République n'aura eu une loi aussi dure contre les délinquants. Jamais le gouvernement n'aura eu autant de moyens pour l'intégration » , a-t-il déclaré. 

Si le Conseil constitutionnel a censuré de nombreux articles, le locataire de la place Beauvau estime qu’avec le texte final, le gouvernement a « l'intégralité des moyens qu'il [lui] faut »  évoquant des moyens « très forts sur l'intégration, notamment la régularisation des travailleurs qui font vivre notre économie »  et « très durs contre les étrangers délinquants ».

Les Sages ont par exemple validé l'article sur les régularisations de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension à titre « exceptionnel »  et pour un an. Ces régularisations seront à la main des préfets. Le Conseil constitutionnel a également validé la nouvelle condition de « respect des principes de la République »  pour obtenir un titre de séjour ou encore la suppression des protections contre l’expulsion de certains étrangers (dont l’expulsion automatique des étrangers condamnés pour agression d’élu). « En 2023, 4 686 étrangers délinquants ont été renvoyés du territoire national, un chiffre record, en augmentation de 30 %. Avec la loi immigration, nous ferons encore mieux » , a indiqué le ministre de l’Intérieur sur son compte X.
 

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