Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 6 septembre 2019
Déchets

Déchets du bâtiment : vers des points d'accueil spécifiques, « aux frais de la filière »

Lors de la réunion qui a eu lieu hier au ministère de la Transition écologique et solidaire autour de la secrétaire d'État Brune Poirson, consacrée à la gestion des déchets du bâtiment, un certain nombre de mesures réclamées depuis des années par l'AMF ont été actées, à la satisfaction des élus présents. À quelques semaines de la discussion du projet de loi Économie circulaire, si la question de la consigne reste très clivante, la position du gouvernement sur celle des déchets du bâtiment semble beaucoup plus satisfaisante pour les collectivités locales. 
Ce sont les 14 fédérations professionnelles de la chaîne du bâtiment qui étaient présentes hier à l'Hôtel de Roquelaure, ainsi que les représentants de l'AMF et de l'AdCF et ceux d'Amorce. « La tragédie de Signes, cet été, a clairement donné un coup d'accélérateur aux réflexions du gouvernement sur ce sujet », commente ce matin pour Maire info Nicolas Soret, président de la communauté de communes du Jovinien (Yonne) et de la commission déchets de l'AMF. Rappelons que cet été, c'est en allant signaler leur infraction à des contrevenants qui étaient en train d'abandonner des déchets de chantier sur un chemin communal que Jean-Mathieu Michel, le maire de Signes, a été renversé et mortellement blessé. 

Vers une filière spécifique
Le secteur du bâtiment génère 42 millions de tonnes de déchets par an, rappelait hier le ministère de la Transition écologique et solidaire dans un communiqué, dont une partie est susceptible d'alimenter les décharges sauvages. Or comme le souligne l'AMF depuis longtemps, les points d'accueil pour les déchets du bâtiment sont extrêmement insuffisants – il y en a à peine 400 sur le territoire, contre 5 000 déchetteries communales ou intercommunales. Rappelons au passage que les déchets de chantier ne sont pas acceptés dans les déchetteries – du moins ceux des grands chantiers, puisque les maires tolèrent, en général, que les artisans utilisent leurs déchetteries. L'insuffisance du maillage en points d'accueil oblige donc les entreprises du bâtiment à couvrir de grandes distances pour les atteindre… ou parfois à ne pas le faire.La secrétaire d'État a donc annoncé hier qu'une nouvelle filière « pollueur-payeur »  allait être créée au 1er janvier 2022 – avec peut-être la création d'un nouvel éco-organisme – pour le secteur du bâtiment. Elle a assorti cette annonce, dans son communiqué, d'une formule qui, prise telle quelle, aurait de quoi faire dresser les cheveux sur la tête de bien des maires : le gouvernement souhaite « permettre la reprise gratuite des déchets des professionnels en déchetterie, à condition qu'ils soient triés par grands flux de matière ». Que signifie cette formule ? Elle pourrait donner l'impression que ce sont les déchetteries communales et intercommunales qui doivent se préparer à « reprendre gratuitement »  les déchets du bâtiment… Or, quand on sait que la totalité des flux déposés dans les déchetteries des communes et EPCI représentent environ 13 millions de tonnes par an, cela supposerait que celles-ci multiplient leurs capacités par quatre.
Heureusement, précise ce matin Nicolas Soret, « il n'en a pas été question dans cette réunion ». « Tout l'enjeu de cette affaire est précisément que tout cela ne retombe pas sur les finances des collectivités, poursuit-il. Pour nous, il s'agit donc bien de créer de nouveaux points d’accueil, spécifiques, et aux frais de la filière. »  Ces points d’accueils seront-ils publics – c’est-à-dire organisés par les collectivités aux frais de la filière – ou privés ? La question n’est semble-t-il pas encore tranchée.
 

Des demandes « historiques »  de l'AMF satisfaites
Au-delà de la question des déchetteries, d'autres mesures ont été annoncées par la ministre, dont certaines, se félicite Nicolas Soret, « correspondent à des demandes historiques de l'AMF ». En premier lieu, « la construction d'un système de traçabilité permettant de mieux connaître où sont produits les déchets, leurs parcours et leur destination finale », détaille le communiqué d'hier. Par ailleurs, un « observatoire national de la gestion des déchets »  va être créé, sous l'égide de l'Ademe, afin de « consolider l'ensemble des chiffres disponibles sur le territoire ». 
Enfin, un certain nombre de décisions vont être prises pour renforcer les pouvoirs de police du maire, en matière de contrôle et de sanction – sujet sur lequel, souligne Nicolas Soret, « l'AMF sera très attentive ».  La question de la possibilité d'installer des caméras de vidéo-surveillance pour prévenir les dépôts sauvage a été évoquée, la secrétaire d'État y semblant favorable. La question a été renvoyée au débat parlementaire.
Une forme de consensus a donc été trouvée entre l'État et les associations d'élus sur ce sujet important des déchets du bâtiment, à moins de deux semaines du début de l'examen au Sénat du projet de loi Économie circulaire (18 septembre en commission et 24 septembre en séance publique). Ce n'est pas le cas, en revanche, de la question de la consigne, sujet sur lequel gouvernement et associations d'élus ont des positions radicalement opposées (lire Maire info du 5 juillet 2019). 

Franck Lemarc

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