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Édition du jeudi 3 décembre 2020
Disparition

Valéry Giscard d'Estaing, préfigurateur de la décentralisation

L'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing est décédé hier, à 94 ans, des suites du covid-19. Au-delà des réformes sociétales qui ont marqué son septennat, on se souvient moins que celui-ci a aussi marqué les débuts de la décentralisation. 
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Né le 2 février 1926 en Allemagne, Valéry Giscard d’Estaing, après s’être engagé, en 1944, dans la Première armée du général de Lattre de Tassigny – il était décoré de la Croix de guerre – a entamé après-guerre un parcours classique de haut fonctionnaire (Polytechnique, ENA, Inspection générale des finances). Il est entré en politique en 1955 auprès du président du Conseil de l’époque, Edgar Faure. Le Puy-de-Dôme, dont son arrière-grand-père et son grand-père avaient tous deux été députés, a toujours été sa terre d’élection, au sens propre du terme : dès 1955, il était élu député du département et conseiller général trois ans plus tard. Il a également été maire de la commune de Chamalières jusqu’à son élection à la présidence de la République, entre 1967 et 1974 – commune dont son fils Louis Giscard d’Estaing est maire aujourd’hui.
Député du Puy-de-Dôme pendant 19 années, président du Conseil régional d’Auvergne pendant 18 ans et député européen pendant trois ans, Valéry Giscard d’Estaing a également connu une carrière gouvernementale fulgurante : secrétaire d’État aux finances en 1959 (à 33 ans), ministre des Finances de Michel Debré entre 1962 et 1966 puis de Georges Pompidou entre 1969 et 1974, il fut élu président de la République le 27 mai 1974, à 48 ans. 
Battu en 1981 par François Mitterrand, Valéry Giscard d’Estaing reprit alors ses fonctions d’élu local, tout en étant membre de droit du Conseil constitutionnel pendant 39 ans. Il a également été élu à l’Académie française en 2004.

Réformes sociétales

Les réformes les plus célèbres – et, à l’époque, les plus hardies – de son septennat sont sociétales. C’est en effet sous sa présidence que la majorité légale a été abaissée de 21 ans à 18, mais surtout que des lois fondatrices sur le droit des femmes ont été adoptées, sous la houlette de sa ministre de la Santé, Simone Veil, et de la première secrétaire d’État à la Condition féminine, Françoise Giroud : le divorce par consentement mutuel fut adopté en juillet 1975, et l’avortement dépénalisé le 17 janvier 1975. Moins connue, la loi du 3 juin 1975 en faveur des handicapés fut la première du genre, fondatrice d’une longue lignée de lois permettant de faire – lentement – avancer l’inclusion des personnes handicapées dans la société. Se souvient-on que cette loi imposait déjà l’accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées ? 45 ans plus tard, le chemin est encore long. 
Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing a également été profondément marqué par la crise économique liée aux deux chocs pétroliers. C’est son Premier ministre Raymond Barre qui, en septembre 1976, a inventé « l’austérité »  et la politique de rigueur – inaugurant, là encore, une très longue série, jamais vraiment interrompue jusqu’à aujourd’hui. 
Les maires lui doivent aussi – et peuvent s’en rappeler à la veille de chaque élection présidentielle – le passage de 100 à 500 signatures pour le parrainage d’un candidat à la magistrature suprême.

L’engagement de la décentralisation

Mais il ne faut pas oublier que l’ancien président fut aussi, comme le rappelait hier le secrétaire général de l’AMF, Philippe Laurent, sur twitter, « un grand décentralisateur ». Certes, la décentralisation a réellement pris son envol avec les grandes lois Deferre de 1982, mais le mouvement avait été engagé pendant le septennat précédent. 
En novembre 1975, Valéry Giscard d’Estaing confiait au député-maire de La Baule, Olivier Guichard (qui sera par la suite son ministre de la Justice) la direction d’une mission chargée de réfléchir « au développement des responsabilités locales ». La commission remit son rapport le 22 octobre 1976. Sous le titre Vivre ensemble, ce rapport posait les bases de la décentralisation en proposant de « rendre l’initiative aux communes ». Il détaillait pour la première fois le principe d’une répartition des compétences entre l’État et les différents niveaux de collectivités, et proposait d’instaurer des « dotations d’équipement »  allouées aux communes, afin que les maires puissent « choisir leurs priorités sans avoir à en référer à personne ». Ce rapport a également été fondateur en matière d’intercommunalité, puisqu’il proposait de créer « 3 500 communautés de communes et 750 communautés urbaines ». 
Valéry Giscard d’Estaing, à la réception de ce rapport, déclara qu’il s’agissait d’une « révolution tranquille », et annonça, par une lettre envoyée à tous les maires en janvier 1977, le lancement d’un débat national sur ces sujets. Deux ans plus tard, les premières mesures concrètes voyaient le jour : c’est une loi de 1979 qui a institué la DGF (dotation globale de fonctionnement), un an avant la création du principe même de l’autonomie fiscale des collectivités locales en 1980. La loi du 10 janvier 1980, portant aménagement de la fiscalité directe locale, permettait aux communes de décider elles-mêmes les taux des quatre taxes directes locales (TH, TP, TFB et TFNB). La suite de l’histoire a été écrite par les lois Deferre, deux ans plus tard. 

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Si les obsèques de l’ancien chef de l’État se dérouleront « dans la plus stricte intimité », on ignore encore quelle forme prendra l’hommage national qui lui sera nécessairement rendu. Le président de la République, Emmanuel Macron, en dira certainement plus ce soir dans une allocution solennelle, à 20 heures.

Franck Lemarc

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