Maire-info
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Édition du vendredi 5 juin 2020
Coronavirus

Covid-19 : le Conseil scientifique songe à quatre scénarios pour les mois à venir

« Pour préparer l’État à affronter une éventuelle reprise de l’épidémie », le Conseil scientifique a révélé, hier, les quatre scénarios « probables »  qui pourraient attendre les Français à court et moyen terme : « épidémie sous contrôle », apparition de « clusters critiques », « reprise progressive et à bas bruit »  ou « perte de contrôle de l’épidémie ».
En fonction de l’une ou l’autre de ces configurations, dont « la survenue n’est pas nécessairement successive », les experts proposent d’élaborer « dès maintenant », avec les acteurs territoriaux et en association avec les citoyens, dont l’information est jugée « essentielle », un « plan de prévention et de protection renforcées (P2R Covid) »  adapté à chaque scénario et à chaque territoire. 
Avec pour « contrainte opérationnelle », celle « d’éviter le confinement généralisé », tel que les Français l’ont connu entre le 17 mars et le 11 mai, en cas de reprise de l’épidémie. « La première fois, il était indispensable, on n’avait pas le choix, mais le prix à payer est trop lourd, observe, dans Le Parisien, le professeur Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique. La population ne l’accepterait sûrement pas, les conséquences économiques seraient majeures et, même d’un point de vue sanitaire, cela n’est pas souhaitable ».

Scénario 1 : « une épidémie sous contrôle » 
Le premier scénario est considéré comme le « plus favorable » : « il repose sur l’hypothèse que la stratégie de contrôle (mesures barrières, testing et contact tracing) est appliquée et maintenue pendant un temps suffisamment long après le confinement »  (deux mois minimum). Aussi, les différents indicateurs, permettant de commenter l’évolution de l’épidémie (nombre de passages aux urgences, nombre de nouveaux patients hospitalisés en urgence ou en réanimation), seraient « stabilisés »  (taux de tests positifs inférieur à environ 2-3 %) : la « criticité »  des foyers épidémiques serait « faible »  et leur nombre « limité », le nombre de nouveaux cas serait, lui aussi, « faible et stabilisé »  ou « en train de diminuer ». 
La stratégie à appliquer consisterait alors à maintenir « pour une durée de six mois l’attention portée au respect des gestes barrière ». Le triptyque « tester, tracer, isoler »  serait, lui aussi, poursuivi (brigades sanitaires, application mobile StopCovid). En revanche, « les autres mesures encore en vigueur à la sortie du confinement, comme le télétravail, les restrictions de déplacement, pourront être levées progressivement avec une surveillance très rapprochée des différents indicateurs. Une réouverture des établissements scolaires plus complète mais toujours adaptée à la situation épidémique pourrait être organisée pour la rentrée de septembre 2020. » 
Pour le moment, ce scénario tiendrait la corde. Invité de France inter ce matin, le professeur Jean-François Delfraissy a estimé que l’épidémie de covid-19 est actuellement « contrôlée »  en France : « Le virus continue à circuler, en particulier dans certaines régions (…) mais il circule à une petite vitesse. Là où on avait à peu près plusieurs dizaines de milliers de cas, autour de 80 000 nouveaux cas par jour début mars avant le confinement, on estime qu’on est maintenant autour de 1 000 cas (par jour) à peu près (+ 767 nouveaux cas sur la journée d’hier) ». 75 clusters sont, en outre, actuellement présents sur l'ensemble du territoire.

Scénario 2 : « une reprise locale de l’épidémie » 
Dans le deuxième scénario, proposé par le Conseil scientifique, le virus ne circulerait non pas « à petite vitesse », comme cela semble être le cas aujourd’hui, mais de façon « active »  avec l’apparition de clusters « critiques ». Si la situation se produisait, le Conseil recommande, outre la poursuite des gestes barrière et de la stratégie « tester, tracer, isoler », de « repérer le plus précocement possible une situation de ce type afin d’éviter une reprise diffuse de l’épidémie sur le territoire national. » 
Il propose aussi de « mettre en œuvre une réponse précoce, rapide, massive et ciblée sur une zone géographique. »  Par exemple, un confinement localisé « doit être envisagé suffisamment tôt dans cette situation (…) Ce confinement localisé devra consister principalement à limiter la circulation des individus résidant dans le territoire identifié, de renforcer de façon importante les mesures barrière dans ce territoire tout en maintenant une activité à l’exclusion de celle des lieux de convivialité. » 

Scénario 3 : « une reprise progressive »  à l’échelle d’une région ou nationale
« Le scénario 3 est celui d’une reprise diffuse de l’épidémie sur un territoire suffisamment important comme une région ou au niveau national (R supérieur à 1) et sans bon suivi des chaînes de transmission. Des indicateurs se dégraderaient alors sans que les chaînes de contamination puissent être identifiées, ni a fortiori contrôlées », écrivent les experts. Qui proposent des mesures ciblées pour certaines populations ou zones géographiques afin de maintenir un niveau acceptable d’activité sociale et économique. 
C’est dans cette configuration que les mesures du plan P2R Covid, détaillées en annexe, pourraient être activées. Ce plan comprend un ensemble de mesures à déclencher selon la situation épidémiologique correspondant aux divers scénarios : renforcement des mesures barrière et de distanciation, la mise en œuvre renforcée de la stratégie « tester, tracer, isoler », un plan de protection des Ehpad, une protection renforcée par confinement volontaire des personnes les plus vulnérables en raison de leur âge ou de leur état de santé, un plan destiné aux personnes les plus précaires ainsi qu’un ensemble de mesures à mettre en œuvre dans les métropoles, qui sont particulièrement exposées, notamment en Île-de-France.

Scénario 4 : « la perte de contrôle » 
Le quatrième et dernier scénario, enfin, signifierait que « les efforts pour stopper la reprise de l’épidémie (scénario 3) ont échoué ». Le nombre de cas continuerait d’augmenter et on arriverait au « moment critique où, toutes les autres approches ayant échoué, les autorités doivent décider si elles souhaitent instaurer un deuxième confinement pour éviter le débordement des services de réanimation », imaginent les experts.
« Les autorités devront également précisément déterminer leur objectif. Par exemple, si l’objectif est uniquement de diminuer la mortalité liée à covid-19, un confinement permanent ou extrêmement précoce sera toujours préférable, mais cela ignore l’impact délétère du confinement sur la société française. Un objectif alternatif est d’assumer tout en la limitant une surmortalité hospitalière covid-19 associée à la mise sous tension des services de réanimation. Cet objectif peut être atteint au moins partiellement en augmentant les capacités hospitalières en attendant de restaurer un confinement si toutes les autres approches ont échoué ». Ce scénario « doit absolument être évité ».

Ludovic Galtier

Télécharger l’avis du Conseil scientifique.

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