Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 23 octobre 2020
Coronavirus

18 027 communes sous couvre-feu

Le gouvernement a annoncé, hier soir, des mesures de plus grande ampleur que ce qui était attendu : alors que l’on s’attendait à ce que quelques départements et métropoles soient placés sous couvre-feu, c’est 38 départements supplémentaires qui l’ont été. Dans l’attente, peut-être, de mesures « beaucoup plus dures »  dans les semaines à venir. 

La France va passer, aujourd’hui, le cap du million de contaminations au covid-19 : hier soir, Santé publique France annonçait le chiffre de 999 043 cas confirmés, en augmentation considérable de plus de 41 000 en 24 heures. Autrement dit, pour reprendre, en l’actualisant, un mode de calcul utilisé hier par le ministre de la Santé, ce sont quelque 1 700 personnes qui sont contaminées par heure dans le pays. Ce chiffre de contaminations est le plus élevé d’Europe.
Tous les indicateurs augmentent de façon exponentielle – et les courbes présentées hier, en conférence de presse, par le Premier ministre, sont effrayantes. Il y a bien tout lieu de penser, comme l’a dit Jean Castex hier, que « le mois de novembre sera éprouvant ». 

54 départements sous couvre-feu
Le gouvernement a donc choisi de frapper fort. Première mesure : il étend directement le couvre-feu à 38 nouveaux départements. Deuxième annonce :  dans les huit départements où les seules métropoles étaient sous couvre-feu, celui-ci est étendu à tout le département. Ce sont donc environ 46 millions de Français, habitant 18 027 communes, selon les calculs de Maire info (17 979 en métropole et 48 en Polynésie), qui vont être soumis, à partir de samedi zéro heure, au couvre-feu de 21 h à 6 h. 

Sans rentrer à nouveau dans les détails précis de ces mesures (lire à ce sujet Maire info du 19 et du 20 octobre), rappelons que le couvre-feu ne signifie pas seulement l’interdiction de se déplacer, sauf exceptions, de 21 heures à 6 heures, mais aussi : la fermeture totale des bars qui ne font pas de restauration, des salles de jeu, des salles d’exposition (mais pas des musées). Les fêtes foraines, foires-expositions, salons, sont interdits, et la jauge est automatiquement abaissée à 1 000 personnes pour les événements (sauf décision plus restrictive du préfet).
En matière d’équipements sportifs, le couvre-feu signifie la fermeture des équipements couverts, salles de sport, gymnases et piscines couvertes, sauf pour les publics prioritaires (lire notre article du 19 octobre). 
Le gouvernement a annoncé hier que ce couvre-feu durerait six semaines. Plus précisément, d’un point de vue juridique, le gouvernement ne peut prononcer ces mesures que pour un mois. Mais dès ce week-end, un projet de loi de prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 16 février va être adopté au Parlement, laissant la possibilité de prolonger le couvre-feu autant que le gouvernement le jugera nécessaire, jusqu’à cette date.

Vers un durcissement ?
Contrairement aux rumeurs, le gouvernement n’a, en revanche, pas choisi pour l’instant de durcir le couvre-feu, par exemple en le faisant démarrer plus tôt. Le Premier ministre s’en est expliqué hier : il faut un certain temps pour « évaluer »  l’efficacité des mesures de couvre-feu. Ce n’est donc que « la semaine prochaine »  que l’exécutif prendra éventuellement de nouvelles décisions, « en fonction des résultats obtenus et de l’évolution de l’épidémie ». 
Pour rappel, en Guyane où le couvre-feu a été instauré au printemps, il a ainsi été durci au fil des mois : fixé initialement à 23 heures le 11 mai, il a ensuite été avancé à 21 heures le 10 juin, à 19 heures le 18 juin, puis à 17 heures le 25 juin.
Vu l’évolution de plus en plus rapide de l’épidémie, il semble que le gouvernement prépare déjà les esprits à un tel durcissement, peut-être progressif, dès la semaine prochaine.

Un effort spécifique pour la culture
Ce couvre-feu étendu va avoir des conséquences immédiates et sévères pour le monde de la culture, en particulier le spectacle vivant et le cinéma : la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a rappelé hier que les séances de 20 h et de 22 h, qui ne pourront plus se tenir dans les départements sous couvre-feu, représentent « la moitié du chiffre d’affaires des salles ». 
Faute d’avoir réussi à faire fléchir le Premier ministre sur une dérogation au couvre-feu pour les spectacles et séances de cinéma, Roselyne Bachelot a au moins obtenu des crédits : « 115 millions d'euros vont être injectés pour soutenir le spectacle vivant et la culture. » 
D’une part, il est confirmé que toutes les aides prévues par le gouvernement vis-à-vis des secteurs impactés par l’épidémie sont étendues au secteur de la culture : fonds de solidarité, exonération de cotisations sociales, activité partielle, prêts garantis par l’État. 
D’autre part, pour le spectacle vivant (théâtres, concerts, etc.), 85 millions d’euros sont débloqués pour faire face à la baisse de fréquentation des salles de spectacle. Une partie sera destinée aux auteurs, le reste aux exploitants de salles de spectacle : « Notre objectif, a expliqué la ministre, [c’est] de sauvegarder les programmations et les salles, en permettant de jouer même à jauge extrêmement réduite. » 
Pour le cinéma, le ministère veut avant tout « que les salles ne ferment pas (…) et que les sorties de films soient maintenues sur l’ensemble du territoire ». On sait que pour ce qui concerne les grands blockbusters hollywoodiens, par exemple, le choix a été fait par les producteurs de retarder les sorties prévues à la rentrée jusqu’au printemps prochain, au moins, ce qui aggrave encore la situation, déjà tendue, pour les distributeurs. 
Le « barème automatique »  de soutien aux producteurs sera doublé pendant le couvre-feu et, pour aider les distributeurs, « un complément de prix sur chaque billet en zone de couvre-feu »  va être créé, « pris en charge par l’État et reversé aux distributeurs pour alléger les risques qu’ils vont prendre ». 
Le soutien du gouvernement est donc essentiellement tourné vers les sociétés de production et de distribution. Mais les exploitants de salles de cinéma ne sont pas complètement oubliés : « Le fonds de compensation des pertes des exploitants sera réabondé », a précisé la ministre, sans préciser les montants. 
Le gouvernement, a conclu Roselyne Bachelot, « se tient au côté des Français pour que la culture ne s’arrête pas ». 

Franck Lemarc

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