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Édition du vendredi 29 mars 2024
Sécurité routière

Après l'Assemblée, le Sénat vote la création d'un « homicide routier »

Le nouveau délit d'« homicide routier » doit se substituer à celui d'homicide involontaire lorsque le conducteur est notamment sous l'emprise de l'alcool. L'instauration de peines planchers introduite en commission a finalement été retirée.

Par A.W.

Les sénateurs ont adopté, mercredi soir, en première lecture, la création d’une nouvelle infraction d'« homicide routier »  pour les accidents de la route, visant à remplacer la qualification d’homicide involontaire, lorsque le conducteur responsable a commis « une faute importante, telle qu’un grand excès de vitesse, la consommation d’alcool ou de stupéfiants ou encore un délit de fuite ».

Adoptée à l’unanimité en début d’année par l’Assemblée, cette proposition de loi transpartisane a, toutefois, été en partie remaniée par les sénateurs qui ont étendu le champ de cette nouvelle infraction.

Langage de la justice « inadaptée » 

Dans de telles circonstances (excès de vitesse, consommation d’alcool…), la qualification « involontaire »  est jugée « inadaptée »  et est « très mal vécue »  par les victimes et familles de victimes, qui réclament « de longue date la création de cette [nouvelle] qualification », expliquaient les députés à l’origine de ce texte, qui vise donc à répondre à cette demande.

« Nous savons que la Justice, parfois, par son langage, ajoute aux malheurs des victimes et de leur famille, [c’est pourquoi] il est de notre devoir que notre droit n'aggrave pas, par ses mots, la souffrance des victimes », a défendu, en séance, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, estimant que « la qualification pénale d’homicides ou de blessures involontaires n’est pas appropriée lorsque le conducteur s’est mis délibérément dans un état ou une situation faisant encourir un risque avéré aux usagers de la route ».

Il a, par ailleurs, assuré que cette proposition de loi « n’est pas que symbolique »  ni « qu’une œuvre sémantique »  visant à nommer « avec justesse »  des « comportements inacceptables », elle « accroit aussi la répression ». « Les mots emportent des conséquences sur le déroulement des enquêtes, sur les audiences, sur la prise en charge des victimes », a-t-il rappelé. 

En effet, en se différenciant des homicides et des blessures involontaires, ce nouveau régime d’infraction « ne devrait pas laisser les magistrats indifférents dans leur appréciation de la faute pénale commise, ce qui pourrait entraîner un durcissement du prononcé des peines », ont fait valoir les députés à l’origine du texte, qui prévoit notamment des « peines complémentaires », telles que la confiscation du véhicule, l’annulation du permis de conduire, le suivi d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière…

Circonstances aggravantes

Les sénateurs ont, cependant, décidé d’intégrer à cette nouvelle dénomination « toutes les atteintes aux personnes commises par un conducteur », même dans le cas de fatigue au volant, par exemple. Sans revenir, néanmoins, sur la différenciation des peines encourues.

Ils ont ainsi élargi les notions d’homicide routier et de blessures routières pour y « inclure tous les cas où des morts ou blessures sont survenues par le fait d’une personne ». Dans un amendement adopté en commission, le rapporteur Francis Szpiner (LR) a ainsi estimé que « créer une distinction entre homicide routier et homicide involontaire du fait d’un accident de la route paraît en effet difficile à justifier ».

« On ne peut pas dire qu'il y a les victimes de première classe et les victimes de deuxième classe », a ainsi soutenu le député de Paris. « Tous les deuils se valent mais tous les actes répréhensibles ne se valent pas », lui a rétorqué la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie.

Les députés avaient également inscrit dans la loi de nouvelles circonstances aggravantes, telles que « le port du téléphone portable tenu en main ou l’usage d’écouteurs », ainsi que « la non-assistance à personne en danger au même titre que le délit de fuite ».

L'homicide routier serait ainsi passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsqu’il est commis par « maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité », et qualifié d’« homocide routier involontaire »  par Francis Szpiner. S'agissant de ce qui correspond à « l'ancien homocide involontaire aggravé », la peine s'établirait à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsqu'il y a « violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi »  ainsi que dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende lorsqu'il existe au moins deux circonstances aggravantes. 

Débat sur les peines planchers

« Pas favorable à la nouvelle architecture [du texte] issue de la commission », le ministre de la Justice a ironisé sur « la créativité et l’inventivité »  de son rapporteur et la complexité des ajouts sénatoriaux, apportant à ce texte initialement plutôt consensuel une coloration plus politique.

Les débats se sont ainsi exacerbés sur la question des peines planchers, initialement introduites en commission par Francis Szpiner qui a proposé d’établir une peine minimale de deux ans de prison pour certains cas d'homicide routier. Totalement opposé à cette mesure, le ministre de la Justice a rappelé que ces peines « n’ont pas montré leur efficacité et pas entraîné une baisse de la délinquance ».

En séance, les sénateurs n’ont finalement pas retenu cette mesure de Nicolas Sarkozy abandonnée depuis 2014. « Cette réintroduction […] mériterait a minima un débat plus approfondi », ont ainsi jugé les sénateurs dans une série d’amendements identiques, estimant qu’« en l'état des choses, l'appréciation des juges, souveraine et individualisé, demeure la manière la plus convaincante, si ce n'est la seule manière de rendre la justice pénale dans un état de droit ».

Consulter le texte adopté.


 

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