Maire-info
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Édition du mercredi 13 mars 2024
Aménagement numérique du territoire

Déploiement de la fibre : l'accord entre l'État et Orange vient d'être signé

Hier a été signé l'accord entre l'État et l'opérateur Orange visant à relancer le déploiement de la fibre dans les zones où le déploiement a ralenti ou s'est stoppé net. Si l'objectif est de relancer le mouvement pour atteindre l'objectif du 100 % fibre en 2025, cet accord apparaît néanmoins comme une avancée en demi-teinte.

Par Lucile Bonnin

En novembre dernier, à l’occasion du TRIP d’automne de l’Avicca, Jean-Noël Barrot, qui était alors ministre du Numérique, faisait des annonces importantes concernant les déploiements de la fibre alors que ces derniers « ont ralenti voire se sont arrêtés tout net depuis un an et demi »  (lire Maire info du 9 novembre). 

Pour pallier ces ralentissements qui menacent l’atteinte de l’objectif du plan France très haut débit (100 % fibre optique d’ici 2025), le gouvernement a engagé en fin d’année 2023 des discussions avec Orange pour aboutir finalement à un accord entre l’État et l’opérateur historique. 

Après cette annonce tonitruante, plusieurs mois se sont passés sans qu’aucun accord n’ait réellement été officialisé. C’est seulement hier que la nouvelle secrétaire d’État chargée du Numérique, Marina Ferrari, en déplacement à Dunkerque, a signé l’accord entre le gouvernement et Orange. Cette signature intervient après le rendu de l’avis consultatif le 23 janvier dernier de l'Arcep. 

55 communautés de communes ciblées 

Comme l’avait expliqué Jean-Noël Barrot, Orange s’engage d’ici fin 2024 à rattraper le retard dans les 55 EPCI dans lesquels les taux de raccordement sont les plus en retrait et en particulier ceux dans lesquels les taux de raccordement sont inférieurs à 85 %. Cela concerne donc environ 140 000 locaux dans la zone AMII (Appels à manifestation d’intention d’investissement), dite d’initiative privée. L’accord prévoit également qu’à l’échéance 2025, qu’Orange rende raccordables au moins 1,12 million de locaux sur l'ensemble de la zone AMII.

Rappelons que ces engagements remplacent ceux pris par Orange en 2018 et qui visaient à rendre raccordables 100 % des locaux avant fin 2022 sur les communes de la zone AMII. Cet accord, factuellement, porte des objectifs revus à la baisse puisque désormais il n’est plus question de 100 % en zone AMII mais plutôt d’un taux de couverture de 98,5 %. 

Ces engagements, comme le rappelle régulièrement le gouvernement, restent juridiquement opposables et sanctionnables financièrement au titre de l’article L33-13 du Code des postes et des communications électroniques.

Raccordement à la demande 

Du côté de la zone très dense, qui souffre le plus du désintérêt des opérateurs selon l’Avicca, Orange s’engage à reprendre les déploiements et à atteindre un taux de 96 % fin 2025. Ce taux est de 92 % actuellement. Sur ce sujet, l’ex-ministre du Numérique indiquait que si Orange s’engage à prendre en charge la moitié du reste à faire, les autres opérateurs devront « participer à l’effort ». 

Une expérimentation a également été actée par la signature de cet accord. En effet, dans ces zones très denses, Orange va tester le raccordement à la demande « avant sa généralisation éventuelle ». Ce droit au raccordement se fera sur demande, sous 6 mois, pour chaque foyer non raccordé dans les zones moyennement denses, et ce jusqu’à la fermeture du réseau cuivre en 2030. Attention, tous les foyers ne seront pas raccordables sur demande. Ce raccordement à la demande exclut « les immeubles ayant fait l'objet d'un blocage et/ou d'un refus ne relevant pas de la responsabilité de l'OI Orange (notamment du fait de propriétaires, de collectivités, ou services de l'État) et les immeubles d'ores et déjà identifiés comme relevant de "difficultés exceptionnelles de construction" ». 

Ainsi, il faut souligner que la problématique des raccordements complexes n’a pas été résolue dans cet accord, notamment lorsque des surcoûts interviennent et qu’ils sont demandés directement aux clients. La secrétaire d’État a pourtant affirmé hier « qu’aucun territoire et aucun de nos concitoyens souhaitant accéder à la fibre ne sera laissé sans solution ».

L’accord comprend cependant d’autres engagements, non juridiquement opposables, qui portent – au-delà des efforts de déploiement dans les zones très denses – sur le maintien de tarifs sociaux et sur la commercialisation d’abonnements téléphoniques seuls sur les réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné.

Accord encourageant ou compromis décevant ? 

Ce nouvel accord entre Orange et l’État a suscité autant d'enthousiasme que des réticences. Beaucoup regrettent par exemple l’indulgence du gouvernement envers Orange. Selon le quotidien La Tribune, « SFR, Bouygues Telecom et Free considèrent que l’État fait une fleur à Orange, qui n’a pas respecté ses précédents engagements de couverture ». L’UFC-Que choisir est du même avis : « Le gouvernement a-t-il sanctionné l’opérateur ? Non. Il a simplement discuté avec Orange pour mettre en place un autre accord… qui acte un quasi-renoncement du gouvernement à ce que tous les consommateurs disposent de la fibre optique d’ici fin 2025 ».

Le gouvernement aurait en effet pu demander à l’Arcep d’ouvrir une procédure de sanction à l’encontre de l’opérateur Orange pour n’avoir pas respecté au 31 décembre 2022 les objectifs que l’opérateur s’était lui-même fixés.

Mais le gouvernement a fait le choix de cet accord, notamment parce que la sanction « n’aurait que très partiellement résolu les problèmes » , comme l’expliquait Jean-Noël Barrot. « Aujourd’hui, nous adressons à Orange le message suivant : "Vous n’avez pas honoré vos précédents engagements, cet accord vous imposera de les respecter" », a indiqué hier Marina Ferrari dans une interview accordée aux journaux du groupe Ebra.

L’Arcep a également souligné dans son avis du 23 janvier 2024 que « cette substitution introduit de nouvelles échéances plus lointaines et des objectifs de production moins ambitieux que ceux de cette deuxième échéance de l’engagement de 2018 » . L’Arcep ajoute qu’ « indépendamment du niveau de couverture moyen que la proposition d’engagements pourrait permettre d’atteindre, des disparités de couverture pourraient donc être observées parmi les communes concernées à fin 2025 ».

Il est pourtant beaucoup attendu de cet accord, notamment dans les territoires. Comme le rappelle l’association Villes de France dans un communiqué diffusé hier, « l’attente des territoires non couverts est légitime tant les enjeux sont majeurs pour l’attractivité économique et la qualité de vie mais aussi pour permettre une réelle égalité d’accès aux réseaux à nos habitants » . L’association espère que « grâce au dialogue et au travail partenarial entre les acteurs publics et privés, les habitants des villes moyennes et de leurs intercommunalités bénéficieront enfin d’un accès rapide et fiable à Internet d’ici 2026. Notre association restera bien sûr mobilisée auprès du gouvernement et de l’opérateur pour s’assurer du bon respect des engagements pris dans cet accord dans les délais annoncés ».

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