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Édition du vendredi 5 avril 2024
Environnement

« Polluants éternels » : les députés veulent interdire certains produits et votent pour le principe du pollueur-payeur

Le texte prévoit l'interdiction à partir de 2026 de la fabrication, l'importation et la vente de certains produits contenant des PFAS. Les industriels rejetant dans l'environnement ces substances néfastes pour la santé devront s'acquitter d'une redevance pour la dépollution.

Par A.W

Les députés ont adopté, à l’unanimité, hier, en première lecture, une proposition de loi écologiste visant à restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS (per- et polyfluoroalkylées), plus couramment appelés « polluants éternels », du fait de leur dangerosité sur la santé. 

Présents dans la fabrication des poêles en Teflon, des vêtements en GoreTex ou encore des cosmétiques et des emballages pour leurs propriétés anti-adhésives et imperméables, ces produits chimiques doivent leur surnom à leur très grande stabilité et à leur cycle de vie très long puisqu’ils persistent dans l’environnement – air, sol et eau – de façon presque illimitée.

« Une première avancée majeure » 

L'article principal de ce texte présenté dans le cadre de la « niche »  parlementaire des écologistes prévoit ainsi d'interdire à partir du 1er janvier 2026 la fabrication, l'importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d'habillement contenant des substances PFAS, à l'exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile. L'ensemble des textiles seront concernés par l'interdiction à compter du 1er janvier 2030. 

Ce texte est « une première avancée majeure »  sur « un problème sanitaire d'une gravité et d'une portée absolument inédites », a voulu retenir le député à l’origine cette proposition de loi, Nicolas Thierry (Gironde, écologiste), regrettant toutefois que « le lobby grossier d'un industriel ait pu avoir un écho auprès de députés ».

En effet, l'application de l'interdiction aux ustensiles de cuisine, initialement prévue dans le texte, a été supprimée par une partie des députés RN, LR et de la majorité qui ont retenu les arguments des fabricants concernant les risques pour l'emploi, ceux-ci s'étant fortement mobilisés cette semaine. 

Le ministre de l'Industrie, Roland Lescure, a, par ailleurs, défendu l'idée qu’il fallait agir au niveau européen pour interdire certains PFAS, en s'inscrivant dans le cadre du règlement européen sur les produits chimiques Reach.

Contribution aux agences de l’eau

L'application du principe pollueur-payeur à « l’effort de dépollution »  a également été adoptée par les députés, malgré l'opposition du gouvernement.

Le texte ajoute ainsi les PFAS à « la liste des substances assujetties à la redevance pour pollution de l’eau », indiquait le rapporteur dans l’exposé des motifs, précisant que cette contribution directe des entreprises rejetant ces substances serait « fléchée vers les agences de l’eau ». 

« Les collectivités, qui devront faire face à l’enjeu massif de la dépollution de l’eau contaminée par les PFAS, pourront ainsi s’appuyer sur les ressources des agences de l’eau », expliquait-il. 

« Le seuil de perception de la redevance est fixé à 100 grammes et son taux atteindrait 100 euros pour 100 grammes », a indiqué Nicolas Thierry dans l’hémicycle, en soulignant « qu’une dizaine de sites seulement rejetaient plus d’un kilogramme de PFAS par an », et ce « ne sont pas des très petites, petites et moyennes entreprises », mais des industriels.

L’assemblée a également validé l'obligation de contrôler la présence de PFAS dans l'eau potable. Les agences régionales de santé devront ainsi rendre publics « le programme d’analyses des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine ainsi que les résultats de ce programme sous la forme d’un bilan annuel régional ».

17 000 sites contaminés en Europe

Il y aurait environ 17 000 sites contaminés en Europe - dont 2 100 à des niveaux dangereux pour la santé - par les polluants dits « éternels », avait révélé une enquête journalistique publiée il y a un an par 17 médias, dont Le Monde et le Guardian qui avaient localisé vingt usines de production de PFAS, dont cinq en France, et 230 usines identifiées comme utilisatrices de PFAS.

Les scientifiques ont alerté depuis plusieurs années de l’effet néfaste sur la santé des ces produits, dont plusieurs sont classés cancérogènes. Ils seraient également responsables de problèmes cardiovasculaires, de baisse de fertilité ou de cholestérol et joueraient un rôle très important dans l’émergence de l’obésité.

Ce texte, qui pourrait désormais être repris par les sénateurs écologistes dans le cadre de la journée qui leur est réservée le 30 mai, était le premier des huit présentés par les députés dans le cadre de leur « niche »  parlementaire.

Dans ce cadre, on peut également noter qu’ils ont fait adopter une autre proposition de loi en faveur de prix planchers pour les agriculteurs afin de leur garantir « un revenu digne », malgré l'opposition de la majorité et du gouvernement. Le texte prévoit ainsi un prix minimal d'achat fixé par « une conférence publique »  dans les filières qui le souhaitent, ou sur décision du gouvernement en cas de désaccord. Ce qui permettrait de rémunérer les agriculteurs à hauteur de deux fois le Smic, le prix minimum pouvant être revu tous les quatre mois.

Consulter le texte adopté.

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