Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 28 janvier 2022
État civil

Les députés de la majorité souhaitent simplifier la procédure de changement de nom de famille

Les députés ont adopté, en première lecture, une proposition de loi du groupe LaREM visant à faciliter le changement de nom, par simple demande à l'officier d'état civil. Explications.

Par Franck Lemarc

Cette proposition de loi, pleinement soutenue par le gouvernement, vise à simplifier une procédure aujourd’hui complexe et à répondre à un certain nombre de situations dramatiques. Il faut distinguer deux procédures concernées par le texte : la première porte sur le choix du nom d’usage ; la seconde porte sur le nom de famille, et sur la possibilité pour une personne majeure de prendre le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.

Nom d’usage

L’article 1er de la proposition de loi concerne le nom d’usage, c’est-à-dire, comme cela a été rappelé en commission des lois, « le nom qu’une personne a le droit d’utiliser dans sa vie sociale, dans ses rapports avec l’administration, dans ses relations professionnelles » , mais qui n’est pas inscrit à l’état civil et ne se transmet pas aux enfants. 

Il permet à un enfant majeur de porter à titre de nom d’usage « le nom du parent qui n’a pas transmis son nom » . En séance publique, les députés ont adopté une autre disposition : « Le parent qui n’a pas transmis son nom de famille peut l’adjoindre, à titre d’usage, au nom de l’enfant mineur. »  Cet amendement vise à répondre à la situation des mères célibataires élevant un enfant ayant reçu le seul nom du père. Cette disposition est assez encadrée, puisque la décision doit être préalablement notifiée à l’autre parent, qu’elle doit être subordonnée au consentement de l’enfant s’il a plus de 13 ans, et que l’autre parent peut s’y opposer devant un juge aux affaires familiales.

Simplification du changement de nom de famille

Le deuxième article de la proposition de loi concerne non pas le nom d’usage mais bien le nom de famille. Il permet, dans de strictes limites, à une personne de changer de nom de famille par une simple demande à l’officier d’état civil, et cela « une seule fois »  dans la vie.

La limite à retenir est que ce changement de nom ne peut être que l’ajout ou la substitution à son nom du nom du parent qui ne lui a pas donné le sien. 

Le cas visé est celui d’un enfant qui porte, par exemple, le nom de son père, violent, incestueux ou l’ayant abandonné, et qui souhaite prendre celui de sa mère. 

Un tel changement de nom est possible aujourd’hui, mais relève d’une procédure complexe, avec saisine du ministre de la Justice et publication d’un décret au Journal officiel. La procédure prend en moyenne deux années. « Une procédure longue et incertaine », donc, comme l’a expliqué le rapporteur du texte, Patrick Vignal, pour répondre à des situations pourtant « dramatiques et douloureuses » . Le texte vise donc à simplifier cette procédure – mais uniquement dans ce cadre. Les autres demandes de changement de nom pour motif légitime, par exemple pour franciser un patronyme ou changer un nom jugé « ridicule ou insultant »  resteraient soumises à la procédure rappelée ci-dessus, excepté celles relatives à la mise en concordance du nom porté en France avec le nom porté à l’étranger qui relèvent, depuis 2016, de la compétence de l’officier de l’état civil dépositaire de l’acte de naissance. 

Cette procédure simplifiée de changement de  nom pourrait se faire devant l’officier d’état civil de sa commune de résidence ou de sa commune de naissance, et non dans la seule commune de naissance comme le proposait le texte initial. Cette modification apportée en commission répond en partie à une inquiétude de l’AMF, qui avait exprimé sa crainte de voir « surchargés »  les services d’état civil des communes sièges de maternité. 

Inquiétudes de l’opposition

Lors des débats, plusieurs députés de l’opposition ont regretté que sur un sujet « aussi sensible que le nom de famille » , ces dispositions ne fassent l’objet que d’une proposition de loi et non d’un projet de loi, c’est-à-dire un texte proposé par le gouvernement. La différence majeure étant qu’un projet de loi doit obligatoirement passer devant le Conseil d’État, pour avis, avant d’être déposé. 

Les députés de l’opposition se sont inquiétés qu’une telle disposition, ainsi simplifiée, puisse être utilisée frauduleusement, par exemple « par un débiteur pour échapper à ses obligations » , ou pour échapper à des poursuites judiciaires. « Quelles seraient les conséquences sur l’organisation de l’État si les Français changeaient massivement de nom de famille, lequel constitue aussi un outil de police générale ? » , a demandé Emmanuelle Ménard. « Vous êtes dans un tel souci de simplification qu’un simple formulaire Cerfa, un simple document administratif, permettra de changer profondément un état civil qui ne doit pas être bousculé, a abondé Philippe Gosselin (LR). Comment faire passer de manière aussi inaperçue un changement d’identité ? » 

Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a tenu à rassurer les députés. « S’il suffisait de changer de nom pour passer sous les radars de la justice, vous imaginez bien que, pas un instant, je n’aurais envisagé que l’on défende ce texte » , a-t-il notamment déclaré. Et de préciser, pour les députés qui s’inquiétaient de la façon dont les mairies porteraient à connaissance de l’administration ces changements de nom : « Le changement de nom donne lieu à une transmission au répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP). L’officier de l’état civil transmet à l’Insee les informations nominatives afin de mettre à jour ce répertoire national, que les communes abondent lors de l’établissement des actes d’état civil ou de la mise à jour de mentions apposées en leur marge. Les organismes tels que les banques, les assurances, les administrations et FranceConnect, dans le cadre du répertoire électoral unique, sollicitent également ce répertoire national pour certifier les identités. » 

L'AMF pose la question du financement

Quant à l’AMF, elle a eu l’occasion de donner son avis sur ce texte cette semaine, en adressant ses observations au Sénat et au ministère de la Justice. Si elle ne nie pas que le dispositif proposé soit « une bonne mesure » , elle regrette que cette simplification se fasse « aux frais des communes » , puisque ce qui relevait jusqu’à présent du ministère de la Justice se ferait désormais dans les services d’état civil. « Après l’enregistrement des PACS, les changements de prénom, le changement de nom dans le cas précis de personnes portant en France un nom différent de celui porté à l’étranger, c’est une nouvelle charge imposée par l’État aux communes, sans concertation ou même information préalable et sans compensation financière » , regrette l’association. Qui demande que l’État cesse de camoufler derrière la notion « difficilement contestable »  de « simplification »  une tendance à « faire porter aux communes de nouvelles responsabilités et de nouvelles dépenses de personnel », le plus souvent pour « pallier le manque d’effectifs des ministères de l’Intérieur et de la Justice » 

Le texte a été adopté hier par les députés, qui souhaitent qu’il entre en vigueur dès le mois de juillet. Le gouvernement semble lui aussi vouloir faire en sorte que le texte soit définitivement adopté avant la fin du quinquennat, mais la date de son examen par le Sénat n’est pas encore connue. 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2