Maire-info
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Édition du vendredi 30 septembre 2022
Énergies renouvelables

Énergies renouvelables : les préfets appelés à accélérer à tout prix

Le gouvernement vient de rendre publique une instruction aux préfets signée le 16 septembre, qui traite à la fois des perspectives de délestage, l'hiver prochain, et de l'implantation des installations d'énergies renouvelables. Avant même le débat sur le projet de loi concernant les énergies renouvelables, il est demandé aux préfets de presser le pas et d'imposer leurs vues aux collectivités locales.

Par Franck Lemarc

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L’instruction, signée des ministres de l’Intérieur, de la Transition écologique, de l’Industrie et de la Transition énergétique, commence par évoquer les risques de coupure, cet hiver, sur les réseaux de gaz et d’électricité. Pour anticiper ces risques, le gouvernement veille à organiser, en amont, les éventuels délestages, qui sont apparemment considérés comme hautement probable si l’hiver est rigoureux. 

Délestages

La loi (article L143-1 du Code de l’énergie) autorise le gouvernement, en cas de « pénurie énergétique », à « soumettre à contrôle et répartition, en tout ou en partie, les ressources en énergie et en produits énergétiques de toute nature », par décret. L’instruction l’annonce : ce décret sera pris prochainement, et prévoira pour l’hiver prochain « de limiter la consommation de gaz à chaque point de comptage », qui sera réduite selon un coefficient qui sera publié par arrêté. Cette limitation ne concernera pas les consommations domestiques, les centrales de production d’électricité ni les « établissements d’intérêt général »  (Ehpad, hôpitaux, etc.). Ce seront donc essentiellement les entreprises mais aussi peut-être des équipements publics qui seront concernés.

Les auteurs de l’instruction insistent sur l’importance vitale d’organiser ce délestage afin d’éviter des conséquences beaucoup plus graves : le délestage permet en effet, en cas de pénurie, « de maintenir une pression minimale dans le réseau ». Faute de cette pression suffisante, des installations risquent de se mettre automatiquement en sécurité, ce qui conduirait à un effondrement du réseau. Dans ce cas, le rétablissement de l’alimentation pourrait prendre « plusieurs semaines, en particulier dans les centres-villes des agglomérations ». 

Les préfets sont donc chargés d’établir des listes de consommateurs de gaz « auxquels il convient d’accorder une protection supplémentaire en cas de délestage »  ; listes qui devront être établies d’ici au 15 octobre. Certains consommateurs pourront se voir privés de gaz pendant une période « comprise entre un jour et une semaine ».

Pour ce qui concerne l’électricité, les préfets doivent également établir des listes d’usagers « prioritaires ». L’instruction précise que ces listes seront établies « à partir des catégories mentionnées dans l’arrêté du 5 juillet 1990 ».  Cet arrêté mentionne les hôpitaux, cliniques et laboratoires, les installations d’éclairage et de signalisation de la voie publique et les installations industrielles « qui ne sauraient souffrir, sans subir de dommages, d'interruption dans leur fonctionnement, particulièrement celles d'entre elles qui intéressent la défense nationale ». Il ne vise donc pas expressément les installations d’eau et d’assainissement, pourtant assujetties à l’énergie et dont la mise à l’arrêt présenterait un problème majeur.

La FNCCR, a demandé par courrier au gouvernement de veiller à ce qu’elles soient bien inclues dans les listes définies localement par les préfets (lire Maire info du 20 septembre). 

« Créer l’adhésion » 

La seconde partie de l’instruction concerne « l’accélération du développement des projets d’énergies renouvelables »  (EnR). Elle a de quoi inquiéter les élus locaux et est surprenante à plus d’un titre : en effet, on en oublierait presque qu’un projet de loi sur le sujet vient d’être déposé par le gouvernement et qu’il n’a pas encore été débattu au Parlement. Les instructions très claires données aux préfets semblent anticiper la loi, les ministres sautant allégrement sur le débat parlementaire. 

Les ministres insistent sur le fait que les délais d’instruction des projets d’EnR en France sont « deux fois plus longs »  que dans le reste de l’Europe, et que ces délais « ne sont pas compatibles avec les objectifs »  de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. « La France ne peut plus être le seul pays de l’Union européenne à ne pas atteindre son objectif national contraignant de développement des énergies renouvelables », martèlent-ils. En conséquence, il est exigé des préfets qu’ils fassent en sorte « qu’aucune instruction n’excède 24 mois ». Il leur est demandé de « créer une adhésion locale autour des projets, notamment des collectivités locales ». Mais l’instruction ne dit pas comment, et cette phrase pose question. « L’adhésion locale »  ne se décrète pas. 

L’analyse des « enjeux environnementaux »  devra « être menée avec diligence », demandent les ministres, ce qui fait déjà craindre aux défenseurs de l’environnement que celle-ci soit bâclée. 

Si un projet a fait l’objet d’un contentieux et que la justice a accordé l’autorisation, les préfets doivent le mettre en œuvre « sans délai ». « Nous vous signalons qu’à l’avenir, plus aucun pourvoi en cassation ne sera formé automatiquement contre des autorisations régulièrement délivrées ». 

Contrôle de légalité

Il est également demandé aux préfets de « réunir régulièrement »  les partenaires locaux afin de « les sensibiliser (…) sur l’importance de mener à bien les projets de production énergétique, voire de dépasser leurs objectifs en la matière ». 

Les ministres demandent par ailleurs que soit rapidement diffusée aux collectivités la liste des « 843 friches industrielles et urbaines identifiées par l’Ademe susceptibles d’accueillir des installations photovoltaïques ». Mais ils souhaitent aller plus loin, eu égard à « l’ambition de (leurs) objectifs ». Alors que jusqu’à présent l’accent était mis, pour l’installation de photovoltaïque au sol, sur les terrains dégradés, les ministres expliquent qu’il est « nécessaire de développer les projets photovoltaïques au sol y compris sur des terrains qui ne sont pas dégradés ». Ce qui risque de multiplier les conflits d’usage et va, évidemment, à l’encontre des objectifs de zéro artificialisation nette.  

Enfin, il est clairement demandé aux préfets de serrer la vis vis-à-vis des maires qui ont prononcé, dans leur PLU, « des interdictions générales et absolues d’implantation de projets renouvelables, notamment de parcs éoliens ». Ces documents d’urbanisme devront faire l’objet « d’un contrôle de légalité attentif ». Ce qui signifie, pour parler clairement, que les préfets sont appelés à chercher à tout prix la faille qui pourrait permettre de casser ces documents. 

Si l’on comprend que le gouvernement veuille faire preuve de volontarisme sur ces sujets, on sent clairement dans ce document – comme dans le projet de loi sur le sujet qui sera examiné au Sénat début octobre – une volonté assumée de l’État de passer en force, sans faire grand cas de l’avis des élus locaux ni de la population. 

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