Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 13 mars 2018
Énergies renouvelables

Énergies renouvelables : pour la première fois, le gouvernement propose de renégocier les tarifs de rachat après coup

C’est aujourd’hui que commence au Sénat, en séance, la discussion sur le projet de loi Pour un État au service d’une société de confiance. Le texte a préalablement été amendé et adopté le 22 février par une commission spéciale du Sénat. En vue du débat à venir, le gouvernement a déposé une vingtaine d’amendements, dont l’un a provoqué la vive inquiétude des professionnels des énergies renouvelables.
Cet amendement ajouterait une disposition nouvelle à l’article 34 du projet de loi, qui traite de la simplification des projets d’énergies renouvelables (EnR) et notamment de l’éolien en mer. L’amendement propose de permettre au ministre chargé de l’énergie de changer les règles en cours de contrat en matière de tarif de rachat de l’électricité.
On sait que l’État est en mesure de lancer les appels d’offres liées aux énergies renouvelables. À l’issue de ces appels d’offres, le lauréat va produire de l’électricité, que EDF va s’engager à racheter à un prix fixé contractuellement – c’est ce que l’on appelle l’obligation d’achat.
C’est sur ce sujet que porte l’amendement du gouvernement : il est expliqué, dans l’exposé des motifs, que « lorsque le progrès technique permet d’envisager des baisses de coût substantielles, l’État pourrait souhaiter renégocier les conditions de l’offre retenue à l’issue de la procédure de mise en concurrence afin de l’améliorer ». En d’autres termes, diminuer après coup le tarif de rachat de l’électricité. Cette diminution – point important – se ferait « avec l’accord du lauréat ». Pas question donc de le faire contre la volonté de ce dernier. En revanche, la mesure serait bien en partie rétroactive, puisque, précise le gouvernement, « cette possibilité de renégocier les conditions de l’offre s’applique également aux appels d’offres déjà attribués pour lesquels le contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération n’a pas encore été signé ». Ceci s’applique, entre autres, aux futurs projets d’éolien en mer : deux procédures de mise en concurrence ont été lancées dans ce domaine, en 2011 et 2013, sans que les contrats d’obligation d’achat aient été pour l’instant signés (et aucune éolienne off-shore n’est encore construite). Mais, note le gouvernement, « le tarif accordé à ces installations est très élevé et ne correspond plus aux prix actuels de l’éolien en mer, entraînant des rémunérations excessives pour les candidats retenus ». L’État cherche donc à « réduire le coût du soutien public à ces projets ».
On s’en doute, le dépôt de cet amendement n’a pas du tout été du goût du Syndicat des énergies renouvelables (Ser), qui a aussitôt dégainé un communiqué de presse exigeant que l’État ne « se dédise pas ». Il estime que l’adoption de cet amendement serait « un signal désastreux et sans précédent »  pour la filière, remettant en cause le « climat de confiance »  entre l’État et les exploitants d’installations EnR. Cette disposition, si elle était adoptée, « remettrait en cause »  selon le Ser « tous les investissements et les emplois qui y sont associés ». Et le président du Ser, Jean-Louis Bal, ajoute avec amertume que « c’est précisément dans le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance que l’État propose d’introduire une disposition qui anéantirait toute confiance des investisseurs et des industriels ».
Répétons-le : l’amendement précise noir sur blanc que la renégociation ne peut se faire que « avec l’accord du candidat retenu à l’issue de la procédure de mise en concurrence ». L’indignation du Ser peut donc paraître un peu excessive. Néanmoins, il est vrai que cette nouvelle disposition, si elle était adoptée, pourrait créer un climat d’imprévisibilité sur la rentabilité future des projets, peu conforme avec la logique même de l’obligation d’achat.
Côté collectivités, il faudra être attentif à l’avenir de ces dispositions, dans la mesure où le Ser, dans son communiqué, se fait clairement menaçant lorsqu’il brandit la « remise en cause »  des investissements et des emplois afférents. Sans parler des collectivités qui investissent elles-mêmes dans de tels projets, au travers de syndicats mixtes ou de société publiques locales, qui pourraient voir la rentabilité de leurs investissements diminuer après coup. 
Début des débats cet après-midi au Sénat. Ils vont durer jusqu’au 20 mars.
F.L.
Accéder à l’amendement du gouvernement

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2