Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 23 septembre 2020
Élus locaux

L'injure raciste et les menaces, le quotidien des maires issus de l'immigration

Des enveloppes renfermant des excréments, des coups de fil contre « la sale noire »  ou « le bougnoule » : des maires issus de l’immigration sont régulièrement victimes d’injures racistes et de menaces. Ces comportements délictueux visent la fonction d’élu mais s’attaquent aussi « au symbole de cette nouvelle diversité ».
« Fous le camp bougnoule si tu ne veux pas brûler comme une merguez ». Mohamed Boudjellaba, maire de Givors (Rhône), a rendu publique fin août une lettre anonyme de quatre pages d’insultes et de menaces. L’auteur de ce courrier, interpellé puis condamné devant le tribunal de Lyon le 4 septembre, n’est pas un cas isolé.
« J’ai eu au total quatre lettres de menaces et insultes, dont une plus violente avec des excréments et menaces de mort », indique l’édile DVG-EELV nouvellement élu dans cette ville de 20 000 habitants près de Lyon. 
Une enveloppe contenant des matières fécales a également été adressée à Azzedine Taïbi, maire de Stains (Seine-Saint-Denis). 
Et les missives haineuses, venues de toute la France, sont « quasi quotidiennes »  depuis le début de l’été et l’inauguration par l’édile d’une fresque « contre le racisme et les violences policières ». 
La peinture représente le visage de George Floyd, mort lors de son interpellation aux Etats-Unis et celui d’Adama Traoré, jeune homme noir mort en juillet 2016 après son interpellation par des gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise).
« Des personnes s’attaquent à ce que je représente, au symbole de cette nouvelle diversité, à mes origines, à mon parcours social. Je suis fier d’être le fils de parents immigrés algériens », déclare le maire PCF réélu dès le premier tour des municipales en mars.
Après « la lettre de trop », « l’inquiétude a commencé à prendre le pas », déclare Azzedine Taïbi, à la tête d’une commune de près de 40 000 habitants et qui craint que certains passent aux actes après les menaces. Désormais, il porte systématiquement plainte.

 « Punching ball » 
À Yèbles, commune rurale de 963 habitants en Seine-et-Marne, la maire Marième Tamata-Varin (SE) n’est pas dans « une démarche de répression mais d’éducation ». En tant que femme, noire et musulmane, elle a reçu de nombreux coups de fil, mails et lettres injurieuses. « C’est purement du racisme, on n’en veut pas au maire, on en veut à la personne », raconte l’élue de 39 ans. 
« Il y a eu des rumeurs, je voulais mettre une mosquée à la place de l’église ou que la cantine serait que du halal... », poursuit-elle.  Elle met ces agissements « sur le compte de l’ignorance. D’instinct, l’être humain a peur de l’inconnu ».
Sa réponse, à « la connerie humaine », a été de lancer le week-end de la Francophonie et d’accueillir dans son village, une cinquantaine de communautés francophones. « On essaye d’amener les gens à être curieux »  et leur « faire accepter que nous ne sommes pas toutes blondes aux yeux bleus, qu’on n’est pas tous Français de souche et qu’on peut être de couleur et d’origine différentes et aimer la France de la même façon », soutient l’édile qui a été réélue avec 74 % des suffrages aux dernières municipales. 
Les actes racistes s’inscrivent plus globalement dans l’augmentation des violences contre les élus, explique le président de l’Association des maires de l’Ile-de-France (Amif) Stéphane Beaudet. Le maire est « à la fois l’élu préféré des Français et en même temps le punching-ball parce qu’il est présent physiquement », analyse le maire d’Évry-Courcouronnes (Essonne).
L’association va lancer une enquête auprès des élus franciliens pour déterminer les différents types d’agressions auxquels ils sont confrontés et faire « remonter à l’État la difficulté et le quotidien réel des maires ». 
Début septembre, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a adressé aux procureurs une circulaire les invitant à durcir les poursuites à l’encontre des agresseurs d’élus locaux. (Wafaa Essalhi – AFP)

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