Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 2 juin 2022
Vie publique

Transparence de la vie publique : encore quelques efforts à faire 

Lors de la présentation de son rapport d'activité sur l'année 2021, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a notamment attiré l'attention sur l'absence de dépôts de déclarations de certains élus locaux. Elle fait dix nouvelles propositions pour renforcer la confiance des citoyens dans leurs élus. 

Par Bénédicte Rallu

« Dans l’ensemble, on peut dire que les responsables publics respectent largement leurs obligations déclaratives », s’est félicité Didier Migaud, le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), lors de la conférence de presse de présentation du rapport d’activité 2021 de cette organisation, ce mercredi 1er juin. Mais « nous observons un taux de dépôt assez inégal, et parfois insatisfaisant ». 

En 2021, la HATVP a reçu 15 574 déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts. C’est un peu moins qu’en 2020, année des élections municipales et intercommunales. L’année dernière, l’activité a été tout de même « dense »  pour la HATVP en raison principalement des élections départementales et régionales. C’était aussi la première année où les membres du Conseil économique, social et environnemental devaient envoyer une déclaration à la Haute Autorité. En tout ce sont aujourd’hui « plus de 17000 responsables publics, élus, agents, collaborateurs, dirigeants qui sont concernés », a rappelé le président de la HATVP. La Haute autorité propose d’élargir ce panel en y incluant notamment les maires d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille (proposition n°1 sur les dix formulées dans le rapport d’activité). 

Vice-présidents d’intercommunalité et adjoints aux maires invités à déclarer

Mais en 2021, les « services de la Haute autorité ont dû adresser 1 261 relances et 250 injonctions aux déclarants n’ayant pas déposé leurs déclarations dans les délais. Après relance, les taux de dépôt s’améliorent nettement, a expliqué Didier Migaud. 47 % des maires ont spontanément rempli leur déclaration, 99 % après la relance ». Mais beaucoup de « vice-présidents d’intercommunalité et adjoints au maire »  n’ont pas déclaré. Le président de la HATVP admet une possible « méconnaissance, mais une fois relancés, on ne peut plus dire qu’ils ne sont pas au courant ».

Remboursement des frais de campagne conditionnés 

Il avance d’autres raisons possibles : l’obligation de déclaration à la HATVP des élus locaux ne concerne que les élus de communes et intercommunalités de plus de 20 000 habitants. « Dans les intercommunalités, ce sont souvent des élus de petites communes, qui ne sont pas concernés mais qui entrent dans les champs des contrôles lorsqu’ils sont élus vice-présidents de l’intercommunalité, qui peut très vite être de plus de 20 000 habitants. Qui plus est, après les élections municipales de 2014, la HATVP n’a pas pu contrôler toutes les déclarations. Il n’existe pas non plus de sanction pour non-dépôt de la déclaration. Cela a peut-être incité certains élus à ne pas déclarer. En 2020, nous avons mis un dispositif pour contrôler tous les élus concernés dans un délai de deux ans. Un autre moyen va aussi inciter les élus à mieux déclarer : le remboursement des frais de campagne n'est dorénavant possible que si les obligations de déclaration sont respectées ». 

Besoin de clarifier la loi 3DS 

Afin d’éviter ces situations, la HATVP a promis « de faire de la pédagogie. La crise sanitaire nous en a un peu empêché, mais nous allons reprendre nos déplacements dans les départements, assure Didier Migaud, pour sensibiliser les préfets, les élus, via les associations d’élus. » 

La HATVP devrait aussi faire de la pédagogie sur la prise illégale d’intérêts. La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a enlevé de l’article 432-12 du Code pénal la notion d’intérêt quelconque. La loi 3DS « a clarifié certaines situations qui entretenaient des malentendus. Il est logique qu’un élu rende des comptes lorsqu’il représente sa collectivité dans un organisme et qu’il soit présent lors de la présentation du rapport d’activité », estime Didier Migaud. En clair, il n’existe pas de conflit d’intérêts lorsqu’un élu, de par la loi, représente sa collectivité et siège à l’intercommunalité, au CCAS ou encore à la caisse des écoles. 

En revanche, dans certains cas énumérés par la loi, a clairement exprimé le président de la HATVP, « il doit se déporter, donc sortir de la salle, lors du vote d’une délibération ». Didier Migaud estime toutefois que « des précisions pourraient être apportées à la loi 3DS qui n’est pas très précise sur les cas où la collectivité doit désigner un représentant. Il faut que le cadre soit sécurisé pour que les élus qui ne doivent pas être sanctionnés ne le soient pas et que ceux qui le doivent le soient ». C’est la proposition n°6 de la HATVP qui va donc continuer à travailler en ce sens.

Le déport reste de mise dans le cas des associations

Sur le cas des associations en revanche, les élus locaux vont, semble-t-il devoir se résigner. « Il n’est pas nécessaire de modifier quoi que ce soit », assure Didier Migaud. Car la loi est claire et ne cible que les « organismes ou associations pour lesquels elle impose de désigner un représentant de la collectivité ». Autrement dit : une association créée par une collectivité dans n’importe quel but (événement, réunion sportive, etc.) ne rentre pas dans ce champ !  Les élus qui siègent dans ces associations doivent se déporter dans tous les cas où ladite association est un sujet à l’ordre du jour des réunions. 

Mobilité public-privé

Outre les déclarations de patrimoine et d’intérêts, la HATVP contrôle également les mobilités public-privé des élus et agents publics. Sur cet aspect, la Haute autorité propose d’étendre le champ de contrôle des mobilités « aux vice-présidents de région, de département et d’établissement public de coopération intercommunale, ainsi qu’aux adjoints au maire des communes de plus de 100 000 habitants »  (proposition n°4). La HATVP souhaite inclure dans cette liste des agents quittant de grands organismes comme l’Ugap, Solideo, la Caisse des dépôts, les offices publics de l’habitat, lorsqu’ils partent dans le secteur privé (proposition n°5).    

Répertoire local des représentants d’intérêts

La grande nouveauté de l’année 2022 porte sur le répertoire des représentants d’intérêts ou lobbies. Au 31 décembre 2021, 2 391 entités y étaient inscrites et 10 780 actions de lobbying ont été menées l’année dernière. La HATVP fera un bilan plus précis sur ce sujet « dans quelques semaines ». 

À compter du 1er juillet prochain, ce répertoire va s’étendre aux collectivités territoriales de plus de 100 000 habitants (le seuil a été augmenté par la loi 3DS). 42 communes et 130 EPCI à fiscalité propre sont désormais concernés, selon le rapport d’activité de la HATVP.. Mais l’un des gros soucis actuels de la HATVP est que le « dispositif légal reste complexe et présente de nombreuses lacunes qui nuisent gravement à la transparence de l’impact normatif du lobbying », déplore Didier Migaud. 

Créé par la loi Sapin 2 et géré par la HATVP, le répertoire numérique s’appliquera aux représentants des collectivités territoriales à compter du 1er juillet 2022. 
Concrètement, à partir du 1er juillet, les représentants d’intérêts devront retracer leurs activités de lobbying auprès des collectivités locales comptant de plus de 100 000 habitants (élus et fonctionnaires), dans le registre géré par la HATVP. 

Aussi la HATVP propose d’améliorer ce registre (elle l’avait déjà fait en octobre 2021). Une réforme est d’autant plus urgente qu’avec l’élargissement du répertoire aux lobbies travaillant avec les collectivités locales, la HATVP risque de se retrouver « avec une masse d’informations ne présentant que peu d’intérêts pour les citoyens. Il faut clarifier le champ de la décision publique. Le décret actuel va à l’encontre de la volonté du législateur en ciblant un champ d’action publique très large. Or pour bien comprendre comment les lois, les règlements et les grandes décisions publiques sont pris, il faut de la transparence et donc rendre le dispositif opérant ». Un gros chantier en perspective. 

Didier Migaud souhaite qu’un texte global sur la transparence et la lutte contre la corruption puisse être discuté prochainement et « à froid », c’est-à-dire en dehors de tout scandale qui a jusqu’à maintenant précédé toutes les avancées législatives en la matière.  

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