Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 25 juin 2021
Vie publique

Lobbying : la HATVP rend son rapport annuel

La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a publié hier le bilan des déclarations d'activité des représentants d'intérêts - communément appelés lobbyistes. Seules les actions de lobbying vis-à-vis du Parlement et du gouvernement sont, pour l'instant, comptabilisées. Mais dans un an, celles qui s'adressent aux collectivités territoriales le seront aussi. 

Par Franck Lemarc

C’est la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique qui a instauré la création d’un répertoire national des représentants d’intérêts, définis comme « des personnes morales dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire ». Rappelons que la première version de ce projet de loi prévoyait d’inclure les associations d’élus dans le champ des lobbyistes, ce qui avait provoqué l’indignation de l’AMF – l’association avait dû batailler pour faire valoir qu’elle n’agissait pas pour le bénéfice d’intérêts catégoriels ou privés mais pour « l’intérêt général ». À l’issue de cette polémique, il avait été acté – et cela figure dans la loi – que « les élus dans l’exercice de leur mandat et (…) les associations représentatives des élus dans l'exercice des missions prévues dans leurs statuts »  ne sont pas des représentants d’intérêt. 

1849 représentants d’intérêts

Le texte prévoit que tous les lobbyistes recensés dans le fichier national (ils sont aujourd’hui 2 333) ont l’obligation de communiquer à la HATVP, chaque année, « les actions menées et les dépenses liées à ces actions ». Au bilan, il apparaît que cette obligation est inégalement respectée. Sur les 1 849 représentants d’intérêts qui devaient déposer leur déclaration au 31 mars 2021, 1 570 s’en sont acquittés, et 279 ne l’ont pas fait. La HATVP note cependant que seuls 50 % des déclarants l’ont fait dans les délais légaux et sans relance. 

L’action des représentants d’intérêts a naturellement été « moins soutenue »  en 2020 qu’en 2019, coronavirus oblige : 10 780 actions ont été recensées, contre presque 13 000 l’année précédente. 

Parmi les déclarants, un peu plus d’un quart (28 %) sont des sociétés privées, un autre quart étant constitué d’organisations professionnelles. Les associations et ONG représentent 11,5 % des déclarations et les syndicats 11,5 % (attention, il ne s’agit ici que des syndicats professionnels, puisque les syndicats de salariés et de fonctionnaires ne sont pas considérés comme des représentants d’intérêts). 

Dans une année marquée par la crise sanitaire, la HATVP remarque que « certains secteurs ayant été mis à l’arrêt plusieurs mois, les acteurs se sont mobilisés pour défendre leurs intérêts ». Cela a été particulièrement vrai dans les secteurs du transport, de la santé, de l’énergie et des aides aux entreprises. 

Les lobbyistes ciblent principalement le Parlement – dans l’objectif, essentiellement, de faire adopter des amendements : 62,5 % des activités des représentants d’intérêts sont à destination du Parlement, contre 58 % à destination du gouvernement. C’est naturellement Bercy qui concentre une grande partie de l’attention des lobbyistes (23 % de leurs activités), suivi par le ministère de la Transition écologique. Les actions vis-à-vis du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales ne représentent que 3 % du total. 

On apprend aussi dans le rapport de la HATVP combien les différents types d’organisation dépensent, en moyenne, pour des actions de lobbying : il s’agit de sommes relativement peu élevées par rapport à ce qui se faisait dans le passé. Les sociétés privées et les cabinets de conseil dépensent en moyenne entre 100 000 et 200 000 euros par an pour des actions de lobbying, les associations, ONG et organisations professionnelles entre 75 000 et 100 000 euros. 

Actions envers les collectivités

Depuis plusieurs années, il est question d’ajouter dans la liste des actions menées par les lobbyistes celles qu’ils mènent à destination des collectivités locales. Cela devait être le cas le 1er juillet 2018, puis la mesure a été repoussée au 1er juillet 2021. Puis, via la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, au 1er janvier 2022.

C’est notamment la HATVP elle-même qui se montre peu pressée de voir cette extension entrer en vigueur, vu ses moyens limités : en effet, selon le Sénat, l’extension aurait pour effet de faire augmenter le nombre de représentants d’intérêts concernés de 79 %. « La crédibilité du répertoire repose tant sur sa complétude que sur l’exactitude des informations qui y sont déclarées, écrivaient en 2018 les sénateurs. Eu égard aux faibles moyens octroyés à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pour assurer le bon fonctionnement de ce dispositif, cette extension conduirait à amoindrir fortement les capacités de l’institution à assurer un contrôle effectif des personnes inscrites et des informations déclarées. » 

La HATVP elle-même écrivait en 2018 qu’il lui paraissait nécessaire de « recentrer le registre des représentants d’intérêts sur son objectif premier : (…) créer de la transparence sur l’élaboration de la loi et du règlement », c’est-à-dire sur le Parlement et le gouvernement. 

Quoi qu’il en soit, l’extension aux actions vers les collectivités locales sera effective dans un an. D’ici là, la HATVP annonce qu’elle produira, en septembre, une « étude spécifique à ce sujet ». 

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