Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 22 décembre 2023
Eau et assainissement

Utilisation d'eaux usées traitées pour l'arrosage des espaces verts : une simplification très relative

L'arrêté « relatif aux conditions de production et d'utilisation des eaux usées traitées pour l'arrosage d'espaces verts » est enfin paru hier. Très attendu dans de nombreuses communes, il fixe très précisément les prescriptions à respecter dans ce domaine. 

Par Franck Lemarc

Le 23 août dernier, le gouvernement publiait un décret sur la réutilisation des eaux usées traitées et des eaux de pluie (lire Maire info du 7 septembre), dont l’objet était de commencer à simplifier les procédures d’autorisation en la matière. Objectif : aller, conformément au souhait exprimé par Emmanuel Macron, vers 10 % de réutilisation des eaux usées, contre à peine 1 % aujourd’hui. Après deux années marquées par des épisodes de sécheresse sévères et durables, il apparaît en effet de plus en plus incompréhensible que de l’eau potable soit gâchée pour nettoyer les trottoirs ou arroser les espaces verts. Mais la réglementation sanitaire est tellement stricte dans ce domaine qu’elle décourage nombre de communes de se lancer dans la « réut »  (ou reuse, en anglais). 

Rappelons que les règles diffèrent pour la réutilisation des eaux usées traitées, qui nécessite une autorisation administrative, et celle des eaux de pluie, possible sans procédure d’autorisation.

Au moment de la parution du décret d’août, le gouvernement avait annoncé que d’autres textes suivraient, à savoir une série d’arrêtés fixant des prescriptions pour plusieurs usages : arrosage de espaces verts, usages domestiques et industrie agroalimentaire. C’est donc ce premier arrêté – celui qui intéresse le plus directement les maires – qui est paru hier. 

Usages

Cet arrêté, très technique, ne concerne pas les eaux de pluie mais uniquement les eaux usées après traitement, qui peuvent être utilisées pour arroser les espaces verts, ceux-ci étant entendus comme « les aires d'autoroutes, cimetières, golfs, hippodromes, parcs, jardins publics, petits espaces végétalisés de la compétence des collectivités tels que jardinières, espaces fleuris, ronds-points et autres terre-pleins, squares, stades… ». Il s’agit de définir, d’une part, les normes sanitaires minimales à respecter pour pouvoir réutiliser ces eaux, et, d’autre part, de définir des conditions d’utilisation garantissant que ces eaux n’entrent en contact ni avec des personnes, ni avec des plantations susceptibles d’être ingérées. 

L’arrêté définit donc de nombreuses prescriptions permettant « d’éviter tout contact accidentel avec les eaux usées traitées ». Les canalisations doivent être repérées par un pictogramme « eau non potable »  à tous les points d’entrée et de sortie, le réseau doit être totalement différencié de celui de l’eau potable, sans aucune possibilité de raccordement. En l’absence de réseau, les eaux seront acheminées sur les sites d’utilisation par tonne à eau ou camion-citerne, avec interdiction de conserver de l’eau dans ces citernes pendant plus de 72 heures. 

Programme de surveillance

L’arrêté précise également que l’utilisation des eaux usées traitées pour l’arrosage est interdit « sur des terrains saturés en eau », pour éviter le ruissellement, à l’intérieur d’un périmètre de protection rapprochée de captage d’eau destiné à la consommation humaine, et à proximité des sites de pisciculture, conchyliculture, pêche à pied, baignade, etc. 

Dans son dossier de demande d’autorisation, l’utilisateur devra décrire avec précision les types d’usages, les lieux, le matériel utilisé, les personnes intervenant dans la mise en œuvre, les volumes utilisés, etc. 

Il est aussi indispensable de mettre en œuvre « un programme de surveillance », comprenant une analyse dite « de routine »  du respect des exigences de qualité fixées par l’arrêté, et une inspection périodique plus poussée de la conformité des installations. Un « carnet sanitaire »  numérique devra être tenu, et transmis au préfet au moins une fois par an.

Barrières

L’arrêté définit précisément les dispositifs dits « barrières », permettant d’utiliser des eaux de moindre qualité. L’arrêté définit quatre niveaux de qualité de l’eau (A, B, C et D), selon les critères habituels en matière de traitement de l’eau : quantité de matières en suspension, demande biologique en oxygène, turbidité, présence d’un certain nombre de bactéries, etc. L’arrêté précise ensuite les usages possibles en fonction de la qualité des eaux usées, avec trois possibilités : ou l’usage est possible, ou il est interdit, ou il est possible « en mettant en place un système de barrière ». Par exemple, l’usage d’une eau de qualité « B »  est possible sans barrière dans un espace vert sans accès public, mais nécessite une barrière si l’espace vert est accessible au public. 

Des exemples de barrières (non exhaustifs) sont présentés dans l’arrêté. Par exemple, « la fermeture aux usagers pendant l’arrosage et les deux heures qui suivent », ou encore « un arrosage par aspersion en respectant des distances supérieures à 70 m par rapport aux zones résidentielles ou aux lieux accessibles au public ». 

L’arrêté fournit également les distances minimales à respecter avec des activités sensibles (conchyliculture, plan d’eau de loisir, abreuvement du bétail, etc.) en fonction de la qualité des eaux usées traitées (de 20 à 300 m selon les cas). Ainsi que les éléments d’information du public : il sera obligatoire d’avertir le public fréquentant les espaces verts que des eaux usées traitées sont utilisées pour l’arrosage, et déconseillant sur les lieux arrosés « le contact main-bouche ou le frottage des yeux ». 

Cette communication, relativement anxiogène, risque de ne pas faciliter le développement de cette technique – pas plus, du reste, que la grande lourdeur de la procédure administrative. La simplification n’est pas encore vraiment au rendez-vous. 

Accéder à l’arrêté.

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