Maire-info
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Édition du vendredi 5 décembre 2025
Urbanisme

Urbanisme et salubrité publique : un risque de pénurie d'eau peut justifier un refus de permis, confirme le Conseil d'État

Par un arrêt du 1er décembre, la Haute juridiction retient qu'un maire peut refuser une demande de permis de construire si le projet est susceptible de porter atteinte à la ressource en eau de la commune. Une clarification bienvenue.

Par Caroline Reinhart

La sécheresse peut-elle entraîner un refus de permis ? Par un arrêt qui devrait mettre fin aux tergiversations des juges du fond, les Sages du Palais-Royal viennent de répondre par l’affirmative, au titre de l’atteinte à la salubrité publique. 

L’affaire remonte à 2023, dans le Var : après un été caniculaire et une sécheresse hivernale exceptionnelle, les maires des 9 communes du Pays de Fayence (31 000 habitants) décident d’instaurer un « plan pour la maîtrise de l’urbanisme et la réduction des consommations d’eau », prévoyant une « pause de l’urbanisme »  pour une période de 5 ans (lire Maire info du 27 février 2023). 

Construction nouvelle et consommation d’eau

Dans ce contexte, le maire de la commune de Fayence refuse, par un arrêté du 3 février 2023, un permis de construire portant sur la réalisation d’un immeuble de cinq logements. Un an plus tard, par un jugement du 23 février 2024, le tribunal administratif de Toulon rejette la demande du promoteur visant à faire annuler l’arrêté du maire, estimant que ce dernier a pu « légalement fonder son refus sur un motif tiré d'une atteinte à la salubrité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ». 

Par son arrêt du 1er décembre, la Haute juridiction confirme le jugement du TA fondé sur cet article R.111-2, qui prévoit qu’un projet « peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ».

Pour le Conseil d’État, « en jugeant que l'atteinte qu'une construction nouvelle est, par la consommation d'eau qu'elle implique, susceptible de porter à la ressource en eau potable d'une commune, relève de la salubrité publique au sens des dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme (…}, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ». Autrement dit, un risque de pénurie d’eau relève bien de la salubrité publique, et peut donc justifier un refus de permis.

Approvisionnement par camion-citerne

Pour prendre sa décision, le maire de Fayence s’est fondé sur une étude réalisée en juillet 2021, attestant « du niveau préoccupant d'insuffisance de ces ressources en eau (…) en raison de l'assèchement de deux forages et du faible niveau d'un troisième », et concluant « à l'impossibilité à brève échéance de couvrir l'évolution des besoins en eau potable ». A cela s’est ajoutée la sècheresse de l'été 2022, ayant « entraîné des limitations de la consommation d'eau courante par foyer dans l'ensemble de la commune et la mise en place de rotations d'approvisionnement par camion-citerne ». 

En s’appuyant sur ces données pour rendre sa décision, le tribunal administratif s’est fondé sur « une appréciation souveraine des faits de l'espèce qui, exempte de dénaturation, n'est pas susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation », estime le Conseil d’État. Et si la raréfaction des ressources devenait un paramètre incontournable de l’aménagement des territoires ?

Arrêt du Conseil d’État du 1er décembre 2025, n° 493556

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