Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 20 juillet 2018
Urbanisme

Lutte contre les recours abusifs : le rapport Maugüé gravé dans le marbre réglementaire

Alors que certaines des propositions « pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace »  du rapport Maugüé sont déjà effectives (lire Maire Info du 28 juin et du 12 janvier 2018), un décret publié au Journal officiel du 18 juillet va plus loin, en réformant notablement la procédure contentieuse pour lutter contre les recours abusifs. Avant l’aboutissement des discussions sur la loi Élan, qui traite également de ce sujet brûlant, ce texte inscrit dans le Code de justice administrative et le Code de l’urbanisme de nouvelles mesures directement inspirées du travail conduit par la conseillère d’État Christine Maugüé, applicables aux recours engagés à compter du 1er octobre prochain.
Première nouveauté de taille, l’encadrement de la recevabilité des requêtes en matière d’urbanisme (nouvel art. R. 600-4) : à compter du 1er octobre, le requérant devra, à peine d’irrecevabilité, justifier de son intérêt à agir en fournissant, selon sa qualité, un certain nombre de pièces (statuts et récépissé attestant de leur déclaration en préfecture pour les associations ; titre de propriété, promesse de vente, bail, contrat préliminaire de vente, contrat de bail, ou « tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien par le requérant »  pour les particuliers).
Reprenant encore une proposition du rapport Maugüé, le nouvel R. 600-5 fait revenir dans le Code de l’urbanisme le mécanisme de la « cristallisation des moyens », en fixant à deux mois le délai au-delà duquel tout moyen nouveau devient irrecevable, et ce, à compter de la communication aux parties « du premier mémoire en défense ». Le texte laisse cependant la possibilité aux magistrats de fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens, « lorsque le jugement de l’affaire le justifie ». À noter que ces nouvelles dispositions ne sont pas applicables « aux décisions contestées par le pétitionnaire ».

Obligations des services instructeurs
Pour mieux sécuriser le point de départ du délai de recours contentieux, le décret renforce également les obligations des services instructeurs, qui seront tenus de mentionner dans leur décision d’autorisation ou de non-opposition à déclaration préalable la date d’affichage en mairie de l’avis de dépôt de la demande du pétitionnaire (art. R. 424-5 modifié du Code de l’urbanisme). Une mention qui devra également figurer sur le certificat de permis tacite ou de non-opposition à déclaration préalable (art. R. 424-13 modifié).
Toujours dans l’objectif d’accélérer le traitement du contentieux, le décret raccourcit aussi certains délais procéduraux. Il modifie en ce sens l’article R. 600-3 du Code de l’urbanisme pour réduire le délai de recours après achèvement de la construction, passant d’un an à six mois. Le juge administratif est également mis à contribution, le nouvel article R. 600-6 créé par le texte fixant un délai maximum de dix mois pour statuer sur les recours dirigés contre les permis de construire des logements collectifs, et contre les permis d’aménager un lotissement. Une mesure qui restera sans doute lettre morte, le texte ne prévoyant aucune sanction à cette obligation… ni de moyens supplémentaires pour désengorger les juridictions.
D’autres apports spécifiques au droit procédural de l’urbanisme sont à relever : la codification de la pratique de l’attestation de non-recours (nouvel art. R.600-7), de même que la prolongation, jusqu’au 21 décembre 2022, de la suppression de l’appel dans le cadre de recours contre des autorisations d’urbanisme délivrées en zone tendue. Autre chamboulement conséquent, concernant cette fois l’ensemble du contentieux administratif : le maintien de la requête au fond après le rejet d’un référé-suspension pour défaut de moyen sérieux – sauf pourvoi contre l’ordonnance de rejet de la demande de suspension – devra être expressément confirmé (art. R. 612-5-2 du Code de justice administrative). Les praticiens vont être servis, les collectivités aussi.
Caroline Saint-André

Télécharger le décret.
Télécharger le rapport Maugüé.

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