Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 21 février 2019
Logement

Logement : élus locaux et acteurs du secteur mettent en garde contre une potentielle « crise globale »

« Nous sommes collectivement très inquiets face à la crise du logement qui risque de s’aggraver ». Les mots sont du président de l’Union sociale pour l’habitat (USH), Jean-Louis Dumont, mais il exprime le sentiment général des acteurs du logement qui se sont unis pour demander « une politique du logement plus ambitieuse ». Au moment même où une étude de l'institut Kantar révèle que 47 % des Français estiment que la situation du logement en France « s'est dégradée », en quelques années, et que 61 % jugent que l'action des pouvoirs publics n'est pas satisfaisante.
Rassemblées hier lors d’une conférence de presse commune inédite, l’USH, la Fondation Abbé-Pierre, la Fédération française du bâtiment (FFB), l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), France urbaine et l’Assemblée des communautés de France (AdCF) ont exprimé leurs inquiétudes face à la politique du logement du gouvernement et tenté de ramener cette thématique au cœur du Grand débat national, alors qu’elle y est particulièrement « absente ».

Les constructions en recul de 7 %
En cause, une chute « sérieuse et brutale »  des chiffres de la construction avec des permis de construire et des mises en chantier en recul de 7 % en 2018 qui risque également de peser sur l’emploi. D’autant que « les perspectives sont peu encourageantes », a prévenu le président de la FFB, Jacques Chanut, puisque la baisse, en 2018, de 11 % des ventes en neuf dans l’individuel diffus et de 4% des mises en vente pour la promotion immobilière devrait « amplifier »  ce recul à « l’horizon de la fin 2019 et au-delà ».
Dans le viseur des acteurs de la politique du logement, les dispositions de la loi de finances pour 2018 qui ont « durement touché le secteur »  avec, notamment, la réduction du loyer de solidarité (RLS), la suppression de l’APL accession ou encore le « rabotage »  du Prêt à taux zéro (PTZ). Face à ce constat, le président de la Fédération des Offices publics de l’habitat, Marcel Rougemont, a regretté que « le gouvernement ait une lecture du logement strictement budgétaire ».

Perspectives moroses pour le monde HLM
A la suite des bouleversements qu’a connus le secteur HLM, Dominique Hoorens, directeur des études de l’USH, prévoit que si le dispositif de RLS est prolongé et le taux de TVA élevé maintenu, il y a un risque d’une « réduction forte pour le secteur de ces capacités d’investissement et de sa production ». Avec comme perspectives pour le monde HLM que « une baisse continue de l’autofinancement, la poursuite de la dégradation des indicateurs financiers, la baisse de la production de logements sociaux et des réhabilitations ».
Une étude de la Caisse des dépôts et consignations a d’ailleurs prévu, cet automne, que la production de logements sociaux pourrait chuter à 65 000 logements sociaux par an à l’horizon 2030, contre plus de 100 000 actuellement.

Inquiétude sur les garanties d’emprunt des collectivités
Conséquence collatérale de la RLS, les recettes des bailleurs sociaux baissent, « les poussant à siphonner leur auto-financement »  et entraîne « un risque pour les collectivités qui garantissent leurs emprunts », a expliqué François Baroin. « Si rien n'est fait, nous sommes à la veille d'une crise globale : sociale, économique et d'anticipation de l'équilibre de nos collectivités territoriales ».
« Tous les clignotants se sont mis au rouge depuis l’affaire de l’APL. Nous avons de sérieuses interrogations [car] depuis quelques mois, il y a de plus en plus de demandes d’allongements de règlements des garanties d’emprunt apportées par les collectivités vis-à-vis des bailleurs sociaux », a détaillé le président de l’AMF qui redoute, par « effet boule de neige », une possible « dégradation des notes »  des collectivités et des « difficultés à emprunter ». « Si on veut adresser un message à une population fragile qui a besoin de protection, il faut avoir le courage de remettre en cause la mesure APL », a rappelé François Baroin.
« Il ne faut pas aller vers une deuxième vague de prélèvements sur les organismes HLM », a enchéri Christophe Robert, le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, proposant au gouvernement de « beaucoup plus encourager les maires bâtisseurs, les acteurs de bonne volonté... » 
Jean-Louis Dumont a, de son côté, plaidé pour « un pacte construction pour un logement durable, abordable ». Tandis que Marcel Rougemont a demandé au gouvernement « d’avoir une vraie politique, pas de la cuisine de Bercy pour plumer les HLM : nous voulons qu’il nous fixe des objectifs, 150 000 logements sociaux par exemple… » 
Si chacun de ces acteurs du logement a encore ses propres revendications et ses propres propositions, pour l’heure, une « déclaration commune »  devrait être publiée dans une quinzaine de jours. « Aujourd’hui, c’est un point de départ à une réflexion collective pour faire autrement et une main tendue au gouvernement », a précisé Christophe Robert.
A.W.


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