Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 12 avril 2024
Santé publique

Une proposition de loi votée au Sénat pour accélérer la lutte contre les déserts pharmaceutiques

Les sénateurs ont adopté hier en première lecture la proposition de loi visant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales. Contre l'avis du gouvernement, un amendement additionnel a été adopté autorisant l'installation d'officine dans un ensemble de communes contiguës qui totalisent ensemble une population dépassant 2 500 habitants.

Par Lucile Bonnin

« Depuis 2007 notre pays a perdu plus de 4 000 officines de pharmacie et l’année dernière le caducée de 276 officines a cessé de s’illuminer. »  Voilà ce qu’a souligné hier, au Sénat, Maryse Carrère, co-auteure, avec sa collègue Guylène Pantel, de la proposition de loi tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales. 

Le texte présenté hier en séance publique, après avoir été adopté par la Commission des affaires sociales du Sénat, vise avant tout à contraindre le gouvernement à prendre les mesures législatives sur lesquelles il s’était engagé en 2018. En effet, une ordonnance de 3 janvier 2018 « a prévu l’octroi d’aides et l’application de conditions d’ouverture assouplies dans les territoires au sein desquels l’accès aux médicaments n’est pas assuré de manière satisfaisante, dits "fragiles" », (lire Maire info du 8 janvier 2018).

Rappelons qu’à ce jour, la loi dispose qu’il est interdit d’installer une pharmacie dans une commune de moins de 2 500 habitants.

« Plus de cinq ans après, nous attendons toujours la publication du décret »  devant définir les critères de ces territoires dits fragiles, a déploré la sénatrice. Dans ces territoires, l’ordonnance de 2018 prévoit que l’ouverture d’une officine dans une commune de moins de 2 500 habitants est possible lorsque celle-ci est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine, sous deux conditions démographiques : l’une de ces communes recense au moins 2 000 habitants et toutes ensemble rassemblent au moins 2 500 habitants.

Situation urgente 

« Cette ordonnance n'est toujours pas entrée en vigueur faute de décret, d'où la démarche entreprise par les sénateurs du groupe RDSE via cette proposition de loi, avec l'objectif de maintenir un maillage pharmaceutique de qualité sur notre territoire », explique Maryse Carrère (lire Maire info du 16 juillet 2021).

La situation s’aggrave dans les communes rurales. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, a indiqué hier au Sénat que la France est désormais placée « sous la barre des 20 000 officines ». Le pays compte également « près d’une dizaine de pharmacies qui sont en vente à un euro mais qui ne trouvent pas de repreneurs, particulièrement en zones rurales ». 

De surcroît, le pharmacien est devenu un acteur indispensable et « s'est vu confier de plus en plus de responsabilités et de missions, notamment dans le cadre des renouvellements d'ordonnances en cas d'affection chronique, de la vaccination, du dépistage et de la délivrance d'antibiotiques pour les cystites simples et les angines », rappelle Maryse Carrère. 

Elle a également dénoncé hier un phénomène de plus en plus courant dans les zones rurales : « Des petites officines sont rachetées par des pharmacies de plus grande taille pour les fermer quelques mois plus tard ». « De tels comportements créent des inégalités d’accès aux soins et les communes rurales sont les premières touchées », a-t-elle déploré. 

C’est pourquoi le texte voté en Commission des affaires sociales vise à contraindre le gouvernement de publier le décret attendu « au plus tard le 1er octobre 2024 »  pour assouplir enfin les conditions d’ouverture des officines dans les petites communes. 

Le ministre de la Santé a indiqué qu’il allait proposer un projet de décret à la concertation « dans les prochains jours ». 

Critères doublement assouplis 

Alors que le gouvernement était contre, tout comme la Commission des affaires sociales, les sénateurs ont voté pour un amendement additionnel déposé par Cédric Vial, et soutenu par l'AMF, changeant la donne de cette proposition de loi. 

« Compte tenu du fait que la France compte un peu plus de 29 000 communes de moins de 2 000 habitants, je ne suis pas certaine que l'assouplissement prévu par l'ordonnance de 2018 réponde aux défis posés, a indiqué la sénatrice Maryse Carrère. Pour prendre l'exemple de mon département [les Hautes-Pyrénées], seules 10 communes comptent plus de 2 000 habitants, les autres communes recensant entre 20 à 600 habitants. » 

Ainsi, l’amendement additionnel déposé par le sénateur Cédric Vial rétablit la proposition initiale de la sénatrice avant passage en commission. Avec l’ordonnance de 2018, « seul le critère de la population municipale est pris en compte ». L’amendement adopté « assouplit légèrement la capacité d’installation des officines par voie de transfert ou regroupement », selon Cédric Vial. « Le critère de 2 500 habitants est perçu comme injuste car c’est le bassin de vie qui compte ». Ainsi, le texte vise à autoriser une telle ouverture dans les communes de moins de 2 500 habitants, lorsqu'elles sont situées dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine qui totalisent ensemble une population dépassant ce seuil.

Si le gouvernement était favorable à la proposition de loi telle qu’adoptée en Commission, c’est loin d’être le cas désormais. Il considère que le texte ainsi adopté ne correspond « plus à une politique de ciblage »  et « efface la notion de territoires fragiles ».

Le texte va maintenant être examiné à l’Assemblée nationale. 

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