Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 20 septembre 2019
Ruralité

Une proposition de loi pour mieux protéger les « sons et odeurs des campagnes », menacés par les conflits de voisinage

« Chant du coq, tintement des cloches, braiement de l’âne, odeur du fumier ou des poulaillers, coassements de batraciens : autant de bruits et d’effluves qui font partie intégrante de la vie rurale. »  C’est ce que défend le député de la Lozère Pierre Morel-À-L'Huissier (UDI et Indépendants) dans une proposition de loi déposée la semaine dernière visant à « protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises ».

Une nouvelle catégorie de patrimoine
Selon lui, ce dernier serait menacé par les divers actions en justice (en raison d’un « trouble anormal du voisinage » ) qui ont défrayé la chronique, ces dernières années, et qui donné lieu à de nombreux conflits de voisinage. Parmi elles, les affaires des cloches de Bondons, de la mare aux grenouilles de Grignols, mais surtout celle visant le désormais célèbre coq Maurice de l'Île d'Oléron… qui a vu, cet été, la justice l’autoriser finalement à continuer à chanter, dès le petit matin, alors que ses voisins, particulièrement incommodés, s’y opposaient.
Cosignée par près de 70 députés, cette proposition de loi témoigne de l’enjeu pour les habitants et les élus locaux des campagnes qui, pour nombre d’entre eux, avaient soutenu les propriétaires du volatile attaqué. Ses conflits de voisinage ont d’autant plus heurté le monde rural que « les actions en justice sont souvent intentées par des vacanciers ou des « néoruraux », qui ne supportent pas ce genre de nuisances », observe le député de Lozère.
Constatant que les sons et odeurs des campagnes, « qui sont pour l’essentiel des bruits d’animaux », ne peuvent entrer dans la définition du patrimoine culturel immatériel (car il « suppose toujours une activité humaine » ), Pierre Morel-À-L'Huissier propose de créer, au sein du Code du patrimoine, une nouvelle catégorie, celle du « patrimoine sensoriel des campagnes ». 
Celle-ci prévoirait que « les émissions sonores et olfactives des espaces et milieux naturels terrestres et marins, des sites, aménagés ou non, ainsi que des êtres vivants », qui nécessitent une protection « en raison de leur intérêt », pourraient faire l’objet d’une « inscription »  au titre de ce patrimoine, pour laquelle serait consultée une commission départementale « établie sur le modèle de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture ».

Des nuisances qui ne seraient « plus susceptibles d’être attaquées en justice » 
Elle serait constituée « des personnes titulaires d’un mandat électif local ou national, des représentants de l’État, des représentants d’associations ou de fondations ayant pour objet de favoriser la connaissance, la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine sensoriel des campagnes, et des personnalités qualifiées ».
Reste que cette inscription au patrimoine peut être également « effectuée d’office par l’autorité administrative ou sur demande de la commission ou sur demande de toute personne qui justifie d’un intérêt à le faire ».
Enfin, la proposition de loi prévoit que les nuisances sonores et olfactives relevant de cette inscription « ne peuvent être considérées comme des troubles anormaux de voisinage »  et ainsi ne seraient plus susceptibles d’être attaquées en justice. Le député de Lozère précise, toutefois, que cette dernière disposition ne priverait pas les éventuels plaignants de toute possibilité de recours, puisqu’elle laisserait « libre la voie de la mise en cause d’une responsabilité pour faute, notamment au regard des exigences posées, en matière de nuisances sonores, par le Code de la santé publique et, en matière de nuisances olfactives, par le Code de l’environnement ».
A noter que, pour financer cette mesure, le texte propose de majorer une « taxe additionnelle »  visant la consommation de tabac.

A.W.


Consulter la proposition de loi.


 

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