Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 4 novembre 2022
Décentralisation

Une administration territoriale de l'État décevante pour les collectivités, selon le Sénat

Un rapport de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat publié cette semaine dénonce une « frénésie de réformes » qui n'améliore pas du tout l'offre de l'État dans les territoires. Les sénateurs plaident pour un nouveau partenariat territorial et invite l'État à collaborer davantage avec les élus.

Par Lucile Bonnin

Baisse des moyens de l’État dans les territoires, dégradation de l’offre de services publics, manque de dialogue entre les différentes instances… L’état des lieux des services déconcentrés dans les territoires n’est pas très positif. Par exemple, près d’un maire sur deux de commune de moins de 1 000 habitants estime que l’offre de services publics sur son territoire est défaillante.

Pourtant de nombreuses réformes se sont succédé depuis une quinzaine d’années comme la révision générale des politiques publiques (RGPP), la modernisation de l’action publique (MAP) ou encore le programme Action publique 2022. 

Mais ces efforts semblent vains. Un rapport de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat intitulé À la recherche de l'État dans les territoires explique que l’État semble prendre la mauvaise direction car « les collectivités territoriales, comme les services préfectoraux et déconcentrés, ont le sentiment de subir les changements plutôt que d’y être associés. » 

« La méthode n’a pas été bonne » 

Les sénateurs Agnès Canayer et Éric Kerrouche estiment que « l’offre d’État répond mal, voire pas du tout, aux besoins des collectivités territoriales » . Mais pourquoi ? Le rapport met en avant le fait que ce « désarmement de l’État dans les territoires »  est en grande partie dû à la « méthode »  qui « n’a pas été la bonne ». 

En cause : le lien entre l’État et ses services déconcentrés, d'une part, et les collectivités territoriales, de l'autre. La « méthode »  adoptée par l’État oublie (intentionnellement ou pas) « d’associer les acteurs de l’État territorial que sont les élus locaux et les agents des services déconcentrés, au premier rang desquels les préfectures et les sous-préfectures. » 

Les rapporteurs s’appuient sur une consultation qu’ils ont menée auprès des élus locaux. Ils reprochent à l’État un manque de concertation et une action souvent déconnectée de toute réalité territoriale. 

Sur le fond, plus de quatre élus locaux sur cinq estiment ne pas avoir été suffisamment associés aux différentes réformes des services déconcentrés de l’État. Sur la forme, les élus regrettent notamment que l’action publique ne soit pas guidée par « la subsidiarité et la différenciation territoriale »  et fustigent aussi les agences de l’État qui « sont trop nombreuses ».

David Lisnard, président de l’AMF avait ainsi estimé – lors de son audition au Sénat en janvier dernier – que « l’appel à projets ou à manifestation d’intérêt représente une forme de recentralisation et de retour à la tutelle des communes »  et souligné que « les initiatives doivent partir des communes et des intercommunalités ».

« Ancrer le préfet au coeur de l’État territorial » 

Le rapport d’information recommande la mise en place d’un « nouveau partenariat territorial » . Ce dernier « s’articule prioritairement au niveau départemental, autour d’un préfet effectivement chef de file de l’ensemble des services et opérateurs de l’État, secondé par une équipe de sous-préfets opérationnels, et constituant un binôme cohérent avec le maire dans une relation d’écoute et de confiance. » 

Le rapport rappelle par la même occasion le rôle essentiel des sous-préfectures pour les élus. Selon les réponses qui résultent de la consultation, les rapporteurs « considèrent qu’il serait contraire aux attentes des élus locaux d’acter la suppression "sèche", parfois évoquée, de sous-préfectures. »  Ils défendent au contraire le renforcement des sous-préfectures avec une augmentation des effectifs et des moyens. 

Les auteurs plaident aussi pour une évolution de la carte des arrondissements pour « s’adapter aux territoires tels qu’ils existent, à leurs dynamiques économiques, sociales et culturelles, à la réalité des bassins de vie et d’emploi, à la carte des mobilités et des flux. » 

Pour un véritable partenariat 

« L’État ne doit plus les décevoir » , peut-on lire dans le rapport à propos des élus locaux. En effet, instaurer une relation de confiance avec les élus est indispensable pour que « cette vision renouvelée de l’État dans les territoires »  puisse aboutir. 

Les rapporteurs recommandent la tenue systématique d’une « concertation nationale avec les associations d’élus en amont du lancement d’une politique ministérielle se chevauchant avec des compétences décentralisées. »  Autre proposition : « Instaurer plus de transparence dans l’attribution des subventions de l’État (dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l'investissement local (DSIL)) pour les projets des collectivités territoriales et abaisser à 20 000 euros le montant des projets soumis à l’avis de la commission. »  

Les maires, les présidents d’intercommunalité et les présidents des conseils départementaux devraient aussi pouvoir évaluer régulièrement les préfets « afin de prendre pleinement en compte le "retour terrain" des élus sur les savoir-faire et les savoir-être du préfet en poste. » 

Enfin, les services de préfectures devraient « passer d’une logique de contrôle de légalité à celle de conseil aux collectivités territoriales. »  Les questions de conformité de la loi ne doivent pas occulter le rôle de conseil que l’État doit avoir auprès des collectivités, surtout des petites « dépourvues d’expertise ». 

Télécharger le rapport. 
 

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