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Édition du lundi 13 février 2023
Finances locales

Un rapport conseille de « limiter l'usage de la TVA » dans le financement des collectivités

« Une réflexion devrait être engagée pour limiter l'affectation de TVA en dehors du budget de l'État », estime un rapport publié par le Conseil des prélèvements obligatoires qui s'inquiète du fait que l'État ne perçoive plus que la moitié des recettes de cette taxe, contre 93 % en 2015. Dans le contexte actuel, la baisse de la TVA pour soutenir les ménages serait, par ailleurs, peu efficace, selon lui.

Par A.W.

Les affectations de TVA aux collectivités et aux organismes de protection sociale sont-elles encore soutenables pour le budget de l’État? C’est la question que pose le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) dans un rapport, publié la semaine passé, alors que cette taxe leur a été affectée de façon croissante ces dernières années dans le but de compenser la suppression d'une partie de leurs recettes. 

Dans ce contexte, l'État, qui ne perçoit plus que 51 % des recettes de TVA en 2021 alors qu’elles culminaient encore à 93 % en 2015, se trouve ainsi « doté de ressources fiscales moindres pour financer un niveau équivalent de dépenses publiques », pointe l’organisme rattaché à la Cour des comptes, et présidé également par Pierre Moscovici. Malgré un « rendement dynamique », la recette nette de TVA perçue in fine par l’État est ainsi passée de 142 à 96 milliards d’euros en l’espace de six ans.

Bientôt 25 % de la TVA attribués aux collectivités

En cause donc, la hausse conjointe et successive de l’affectation de TVA à d’autres administrations publiques, principalement la protection sociale (30 % de la TVA nette en 2021, contre 6 % en 2018) et les collectivités territoriales (20 % de la TVA nette en 2021, et même 25 % « au plus tôt »  en 2023). 

La première permet ainsi de compenser des exonérations de cotisations sociales, principalement le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), tandis que la seconde vient compenser essentiellement la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la suppression de la taxe d’habitation. Cette affectation constitue désormais la première ressource es collectivités avec plus de 53 milliards d’euros annoncés en loi de finances initiale pour 2023. 

Et si l’affectation de TVA à la protection sociale permet d’éviter une hausse des dépenses des administrations publiques, celle-ci présente toute une série d’inconvénients, estiment les auteurs d’un « rapport particulier »  qui accompagne celui du CPO et consacré à « la place de la TVA dans les finances publiques ». Ils proposent ainsi d’engager une réflexion sur le remplacement de l’affectation de TVA aux organismes de Sécurité sociale « par une dotation budgétaire ».

De manière générale, « ces affectations présentent les inconvénients rappelés par le CPO dans son rapport de 2015 : amoindrissement du contrôle parlementaire, moins bonne lisibilité des moyens publics alloués aux politiques publiques, affaiblissement du pouvoir de tutelle et complexification du pilotage des politiques publiques », rappellent-ils. 

Autonomie fiscale réduite

Dans le cas des collectivités, si l’affectation de TVA à celles-ci permet de « préserver le ratio d’autonomie financière »  et est jugée « plus protectrice »  qu’une dotation budgétaire (« dont les règles sont généralement fortement encadrées par les lois de finances » ), elle conduirait « en réalité à limiter leur autonomie fiscale », selon les auteurs du rapport particulier, qui reconnaissent là « un bouleversement de leur mode de financement ».

En effet, elle ne leur « permet pas d’ajuster les paramètres et donc le produit de ces impôts aux besoins, comme pour la fiscalité locale », puisqu’il n’est « pas possible de moduler territorialement les taux de TVA ». Par ailleurs, « la répartition territoriale de la TVA et des impôts qu’elle remplace n’est pas la même ».

Les auteurs du rapport recommandent donc « d’engager une réflexion sur la réforme du financement des collectivités territoriales, afin de limiter l’usage de la TVA ». Ils proposent d’ailleurs une réflexion générale pour limiter l’affectation de TVA en dehors du budget de l’État.

« Maîtrise des dépenses » 

Pour la CPO, « la TVA constitue désormais un véhicule budgétaire "ordinaire" des relations financières entre l’État d’une part, et les organismes de protection sociale et les collectivités territoriales d’autre part ». 

Ne pouvant être « appréciées qu’au regard de l’équilibre des finances sociales et des finances locales dans leur ensemble », ces affectations posent donc « la question de la soutenabilité des finances publiques dans leur ensemble ». 

« Qu’il s’agisse des collectivités territoriales ou des organismes de protection sociale, dès lors que des affectations de TVA compensent des recettes préalables supprimées ou réduites, elles fragilisent, toutes choses égales par ailleurs, l’objectif de soutenabilité des finances publiques, l’État se trouvant doté de ressources fiscales moindres pour financer un niveau équivalent de dépenses publiques. De ce fait, la poursuite de ces affectations n’est soutenable qu’à condition de s’accompagner d’un effort de maîtrise des dépenses publiques partagé entre l’ensemble des administrations publiques ou d’une hausse des recettes fiscales », soutient le CPO, alors que le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, vient d’annoncer vouloir passer au « peigne fin »  les dépenses publiques, et notamment celles des collectivités.

Pouvoir d'achat des ménages et TVA

A noter, par ailleurs, que le Conseil des prélèvements obligatoires juge inefficace de baisser la TVA afin de soutenir le pouvoir d'achat des ménages. Une mesure qui est parfois proposée pour faire face à l'envolée de l'inflation et des factures d'énergie. 

Sur les produits alimentaires, une telle baisse serait « moins efficace pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages modestes que des transferts monétaires », l’évaluation des effets d'une diminution de cette taxe sur les prix restant difficile et le ciblage sur les plus vulnérables impossible.

Face au choc énergétique et à l’inflation qui en découle, une baisse de TVA sur les énergies apparaît également « moins efficace que d’autres instruments budgétaires ou fiscaux ("bouclier tarifaire", chèque énergie) ». 

Le CPO préconise ainsi un recentrage de la TVA sur son objectif premier de rendement pour les finances publiques, alors que se sont multipliées les affectations fléchées et les dérogations. 

Télécharger le rapport du CPO.

Télécharger le rapport particulier sur « la place de la TVA dans les finances publiques ».

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