Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 6 juin 2023
Logement

Un plan logement très en-deçà des attentes des élus

La Première ministre a conclu hier les travaux du Conseil national de la refondation (CNR) Logement, en annonçant une série de mesures retenues par le gouvernement. Elles déçoivent profondément tous les acteurs du secteur, en particulier les élus. 

Par Franck Lemarc

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© Min. du Logement

Professionnels, associations, élus : tous les acteurs du secteur du logement ont exprimé, dès lundi, leur déception face aux mesures annoncées par Matignon sur le logement. Alors que depuis plusieurs semaines, les alertes se multiplient, beaucoup estiment que « la montagne a accouché d’une souris », selon les termes de Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers. Pour Thierry Repentin, maire de Chambéry et vice-président de l’AMF, le gouvernement est « inconscient dans tous les sens du terme »  et ne « perçoit pas ce qui se passe sur le terrain ». Pour Isabelle Le Callennec, maire de Vitré et co-présidente du groupe de travail de l'AMF sur le logement,  le gouvernement « tente de limiter les dégâts avec des mesures qui ne suffiront pas ».

Préoccupation « numéro un » 

Quelques jours auparavant encore, après l’énième report des conclusions du CNR Logement par le gouvernement, plusieurs associations d’élus – dont l’AMF, France Urbaine, l’APVF et Intercommunalités de France – s’indignaient de ce que « la crise s’aggrave et le gouvernement regarde ailleurs »  (lire Maire info du 26 mai). Action logement, le 17 mai, annonçait « une bombe sociale », rappelant qu’il y avait 1,7 million de demandeurs de logement social en 2017, et 2,4 millions aujourd’hui (lire Maire info du 17 mai). Pour Thierry Repentin, qui a répondu ce matin aux questions de Maire info, « le logement est la préoccupation numéro un de nos administrés, la première cause de rendez-vous pris avec le maire ». Et ce, dans un contexte où les décisions prises par l’État, notamment la diminution du RLS, ont « embolisé le secteur ». En témoignent les chiffres donnés par le maire de Chambéry : « Dans mon office HLM, en 2022, nous permettions à 150 familles par mois d’accéder au logement social. Aujourd’hui, c’est 60 ».

Espoirs et regrets

Bref, tout le monde attendait un « électrochoc ». D’autant que tous les acteurs du secteur sont allés au CNR « avec enthousiasme », note le maire de Chambéry : « Face à une crise conjoncturelle et structurelle, tous les acteurs, de la Fondation Abbé-Pierre à Nexity en passant par les associations d’élus ont établi un diagnostic partagé, et appelé à une véritable refondation de la politique du logement ». Les six mois de concertation et « 75 réunions et auditions »  du CNR Logement ont abouti à plus de « 700 propositions », affinées ensuite à 200. Dans le dossier de presse diffusé hier par le gouvernement, il en reste… 19.

Pas de soutien aux maires bâtisseurs

Ce qui frappera certainement le plus les maires à la lecture de ce document, c’est l’absence de soutien aux maires bâtisseurs. C’était pourtant la première revendication des associations d’élus, dans un contexte difficile où la suppression de la taxe d’habitation a privé les communes d’un retour financier sur investissement lorsqu’elles construisent des logements. Comme l’expliquait Romain Colas, vice-président de l’APVF, le 24 mai, « accueillir aujourd’hui du logement sur le territoire de sa commune, et singulièrement du logement social, ça veut dire assumer une charge nouvelle nette puisqu’il n’y a plus les recettes qui vont en face de la production de logements ». Personne ne se faisait d’illusion sur un éventuel retour de la taxe d’habitation, mais les élus espéraient un dispositif d’aide « pérenne », par exemple sur la réhabilitation des friches, ou encore une nouvelle redistribution des droits de mutation plus avantageuse pour les communes et les EPCI. Ce dernier point étant un problème de fond, comme l’explique Thierry Repentin : « Il y a une incongruité à ce que la ressource DMTO aille essentiellement aux départements, alors que la dynamique, en la matière, vient des communes et des intercommunalités : ce sont elles qui tirent les tuyaux, aménagement, mettent en place les services à la population… ». 

Aucune de ces problématiques ne figure dans le plan annoncé hier. Certes, le gouvernement confirme ce qu’on savait déjà, à savoir l’intégration du Fonds friche dans le Fonds vert, afin d’accélérer « la reconquête des friches urbaines ». Mais en matière de fiscalité, la seule mesure annoncée concerne les locations de type AirBnB – ce qui est, certes, une bonne nouvelle : la fiscalité des locations va être « remise à plat pour favoriser les locations de longue durée ». Mais quand, comment ? On ne le saura pas. « Et ce n’est certainement pas cela qui va résoudre la crise du logement », se désole Thierry Repentin.

Fin du Pinel et zonage sans concertation

La principale mesure annoncée hier est la prolongation du prêt à taux zéro (PTZ) qui devait, en principe, s’arrêter cette année. Il sera prolongé jusqu’en 2027, mais sera « recentré », et disponible uniquement « pour l’achat d’un logement neuf au sein d’une opération de logement en collectif, en zone tendue, ou pour l’acquisition d’un logement ancien, en zone détendue, sous conditions de réalisation de travaux de rénovation ». 

En revanche, le « Pinel »  va disparaître. Ce dispositif de réduction d’impôts pour les particuliers qui font un investissement locatif est jugé trop coûteux par le gouvernement, pour un résultat insuffisant. Il y sera donc mis fin à la fin de l’année. « Un primo-accédant d’une maison individuelle en zone rurale ne sera pas aidé ? discrimination ! », s'alarme Isabelle Le Callennec. En compensation, le logement locatif intermédiaire (LLI) sera ouvert à « davantage de communes ». Cible : « Les communes qui se réindustrialisent et les centres anciens », explique le gouvernement, sans plus de précisions. 

Parmi les autres mesures concernant directement les communes, il faut retenir une évolution rapide (d‘ici l’été) du zonage : 200 communes « dont le zonage ne correspond plus à la réalité des besoins des ménages »  vont être reclassées.

Autant de mesures qui semblent devoir être décidées nationalement, par en haut, à rebours des demandes des associations d’élus qui sont certes favorables à une révision du zonage, mais « dans le cadre d’un dialogue entre les préfets et les maires », martèle le maire de Chambéry, parce que « ce sont les maires qui connaissent la réalité des territoires ». Et Thierry Repentin regrette que, de plus, aucune mention ne soit faite dans le plan de la révision d’un autre zonage, au moins aussi important que celui des zones en tension : celui des APL. 

Paroxysme

C’est donc une totale déception du côté de l’AMF, voire une certaine colère face à « l’inconscience »  du gouvernement et à son choix de ne traiter la question qu’en termes financiers. « Ce devrait être au ministère du Logement d’arbitrer, pas à Bercy », souligne Thierry Repentin, qui s’agace de la litanie cent fois répétée selon laquelle le logement « coûterait 38 milliards par an à l’État ». « C’est oublier que logement, c’est aussi 88 milliards d’euros de recettes. Cela laisse 50 milliards qu’il aurait fallu mobiliser pour refonder la politique du logement ». Rien n’a été prévu par le gouvernement, notamment, pour encadre la hausse du foncier, dont les prix explosent, en particulier à cause du ZAN qui exige la réduction de consommation de foncier et donc, mécaniquement, fait augmenter son prix. 

Le manque d’ambition de ce plan fait craindre à tous les acteurs qui se sont exprimés une aggravation de la crise du logement dans les années à venir, que les « mesurettes »  annoncées hier n’endigueront pas. « J’ai l’intime conviction que la crise est encore loin de son paroxysme », déplore Thierry Repentin. « Plus que jamais, déclarait quant à elle hier la maire de Vitré,  il faut revenir à ce qui marche : simplifier, décentraliser et déconcentrer la mise en œuvre des politiques du logement. [Il faut] un État stratège, (...) un État qui fasse confiance aux élus locaux, tout à fait capables de se doter d’outils de diagnostic et de planification, en fonction des besoins de leurs territoires qui ne sont pas forcément ceux du voisin. » 

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