Un agent qui n'a pu profiter de ses congés payés pour cause de maladie a désormais le droit de les reporter
Par Franck Lemarc
C’est une chose assez rare pour être signalée : la Cour de cassation est revenue, le 10 septembre, sur une de ses propres décisions. En 1996 en effet, elle avait formellement jugé que « le salarié qui tombe malade au cours de ses congés payés ne peut exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n'a pu bénéficier du fait de son arrêt de travail, l’employeur s’étant acquitté de ses obligations à son égard ».
Sauf qu’entretemps, la Cour de justice de l’Union européenne en a jugé autrement. En application d’une directive européenne de novembre 2003, elle a énoncé que « la finalité du droit au congé annuel payé, qui est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d'une période de détente et de loisirs, diffère de celle du droit au congé de maladie, qui est accordé au travailleur afin qu'il puisse se rétablir d'une maladie ». Dans la mesure où la maladie l’a empêché de « se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisir », le salarié doit avoir le droit de récupérer ses congés payés ultérieurement. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a donc exigé que les différentes juridictions des États membres reviennent sur leurs décisions passées à cet égard.
Le report désormais obligatoire
C’est ce qu’a fait la Cour de cassation, en France, le 10 septembre, dans un conflit opposant une salariée à son employeur. Appliquant strictement les demandes de la CJUE, la Cour déclare qu’il « convient désormais de juger que le salarié en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d'arrêt de travail pour maladie ». À la condition expresse, toutefois, que l’arrêt maladie ait été dûment notifié par le salarié à l’employeur.
Cette jurisprudence de la Cour de cassation n’a guère été appréciée du côté des syndicats patronaux, en particulier au Medef dont le président, Patrick Martin, a estimé qu’il s’agit d’un « signal très préoccupant pour notre compétitivité et la lutte contre les arrêts de travail abusifs ». Patrick Martin a appelé « le futur gouvernement » à « agir rapidement » sur ce sujet. Mais quoi qu’il en pense, le « futur gouvernement » ne peut pas prendre de décision qui aille à l’encontre du droit européen.
Une mesure déjà en vigueur dans la fonction publique
Cette décision de la Cour de cassation concerne le Code du travail, c’est-à-dire le droit privé. Mais qu’en est-il dans la fonction publique en général, et dans les collectivités en particulier ?
En réalité, le gouvernement avait déjà pris les devants sur ce sujet, puisque, par un décret du 21 juin 2025 – passé un peu inaperçu –, il s’était déjà mis en conformité avec le droit européen. Ce décret avait pour objectif, tout comme la décision de la Cour de cassation, de « transposer la directive 2003/88/CE » et d’adapter le droit de la fonction publique dans ce sens : il instaure donc le droit au report du congé annuel non pris en raison de congés liés à la santé.
Pour être tout à fait précis, ce droit au report s’appliquait déjà largement dans la fonction publique bien avant la parution de ce décret, comme l’explique l’avocate en droit public Lorène Carrère sur Linkedin : en effet, dès 2017, les juges administratifs ont constaté que l’État français n’avait pas transposé la directive européenne de 2003 et que, dans ces circonstances, celle-ci était « directement applicable ». « Les jurisprudences sur le report des congés en cas de maladie sont donc légion depuis plusieurs années », rappelle donc l’avocate, et « globalement, les employeurs publics appliquent » déjà cette règle.
Pour plus de clarté, le gouvernement a fini par décider, enfin, de publier un texte réglementaire pour remettre les choses au carré, et transposer les textes européens dans le droit public français.
Le décret du 21 juin 2025 dispose donc que si un agent ne peut exercer son congé payé « pour raison de santé, accident de service ou de travail, maladie professionnelle ou d’un congé lié aux responsabilités parentales ou familiales » (maternité, paternité, congé proche aidant, etc.), il peut désormais bénéficier d’un report de ces congés « sur une période de 15 mois ». Cette période de 15 mois durant laquelle le report peut avoir lieu peut être prolongée « sur décision exceptionnelle du chef de service ».
Concernant les congés maladie, le report est limité à 4 semaines. Par hypothèse, si un agent a été malade pendant les cinq semaines de ses congés payés, il ne pourra bénéficier d’un report que de quatre semaines maximum. Mais cette règle ne s’applique pas, en revanche, pour les congés familiaux.
Par ailleurs, le décret précise que si un agent n’a pas pu reporter ses congés selon ce dispositif, il aura le droit, « en fin de la relation de travail » – c’est-à-dire lorsqu’il quitte la fonction publique – à une « indemnité compensatrice ». Un arrêté paru le même jour fixe le montant de celle-ci : chaque jour de congé non-pris pour raison de congé maladie ou congé familial donne droit à une somme égale à la rémunération annuelle brute multipliée par 12, le tout divisé par 250. Pour une rémunération annuelle brute de 2 000 euros, par exemple, cette indemnité journalière sera égale à 96 euros.
L’arrêté précise que la rémunération annuelle brute doit inclure « le traitement indiciaire, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les primes et indemnités instituées par une disposition législative ou réglementaire », à l’exception de certaines indemnités et primes listées de façon exhaustive dans l’arrêté.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Collectivités locales : Sébastien Lecornu affiche de bonnes intentions... bien tardives
Sport : la circulaire pour mutualiser les équipements sportifs scolaires a été publiée
L'Andev esquisse un premier portrait-robot de l'école primaire publique en 2025








