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Édition du jeudi 1er juillet 2021
Transports

TER : la Défenseure des droits dénonce des situations ubuesques dans l'accès aux titres de transport

La Défenseure des droits, Claire Hédon, a publié hier une décision visant la SNCF et plus particulièrement son réseau TER. En cause : la multiplication des gares sans guichets, rendant impossible à des voyageurs non munis de smartphones de pouvoir prendre un billet. 

Par Franck Lemarc

Ce sont des situations kafkaïennes que décrit Claire Hédon dans son rapport. Alors que se multiplient les « PANG »  (acronyme signifiant « points d’arrêts non gérés »  soit, en français normal, « gare SNCF sans aucune présence humaine » ), les cas de voyageurs lourdement mis à l’amende après avoir été dans l’impossibilité de prendre un billet sont de plus en plus nombreux. 

Des exemples choquants

Plusieurs exemples édifiants sont cités par la Défenseure des droits. Monté dans le TER depuis une gare dépourvue non seulement de guichet mais même de distributeur automatique, un voyageur vient spontanément se présenter au contrôleur pour régulariser sa situation. Il se voit expliquer que depuis le 15 janvier 2019, il est interdit de monter dans un train sans un billet papier ou dématérialisé sur smartphone. La personne n’a pas de smartphone, la gare ne permet pas d’acheter de billet. Rien n’y fait, le voyageur est verbalisé. 

Un autre voyageur a cherché, dans la même situation, à acheter un billet en bureau de poste. Pas de chance : les bureaux de poste sont fermés le samedi après-midi et le dimanche, au moment où il voyage… et les billets qui y sont vendus « ont une validité limitée à 24 h, ce qui exclut la possibilité d’un achat anticipé pour plusieurs voyages ultérieurs ». Se présentant en toute bonne foi au contrôleur pour régulariser sa situation, le voyageur se trouve frappé d’une majoration de 20 euros. 

Autre exemple : un voyageur de 82 ans, là encore confronté à une gare sans guichet, va voir le contrôleur pour lui acheter directement son billet, d’un montant de 3,50 euros. Le contrôleur lui annonce qu’il doit payer une majoration de 50 euros, ce qu’il refuse… ce qui lui vaut une amende supplémentaire. Total : 100 euros. « L’intéressé a contesté cette amende, sans obtenir gain de cause », précise Claire Hédon. 

Atteintes au droit à la mobilité

La Défenseure des droits vise la SNCF sur deux axes principaux : d’abord, l’impossibilité matérielle pour des voyageurs de prendre un billet lorsqu’il n’y a ni guichets ni distributeurs, si ceux-ci n’ont pas de smartphone ou – le cas s’est présenté – lorsqu’ils en ont un mais qu’ils sont dans une zone… sans internet mobile. Sanctionner les voyageurs pour cette raison apparaît clairement comme une atteinte à leurs droits, qu’il s’agisse du cas où le voyageur n’a pas de smartphone (« avoir un smartphone n’est, à ma connaissance, nullement une obligation légale », notait hier Claire Hédon dans la presse), ou du cas, pire encore, où la couverture mobile est inexistante, ce qui n’est tout de même pas de la responsabilité des voyageurs. 

Deuxième grief : l’absence de transparence sur les tarifs des majorations qui, d’une région à l’autre, varient de 20 à 50 euros. 
La SNCF a confirmé à la Défenseure des droits que depuis le 15 janvier 2019, il était interdit de monter dans un train sans titre de transport, papier ou dématérialisé. Il n’est donc plus possible de se présenter spontanément au contrôleur pour acheter un billet, de bonne foi, sans majoration. Dans ces conditions, juge Claire Hédon, « les moyens mis par la SNCF à la disposition des usagers de ces PANG pour se procurer les billets n’étant pas équivalents à ceux offerts aux voyageurs bénéficiant d’une gare munie de guichets ou de distributeurs de titres », il y a bien atteinte à l’égalité des droits entre les voyageurs et au droit à la mobilité, garanti par la loi. 
Claire Hédon ne nie pas que la dématérialisation des services publics « peut constituer un progrès », mais répète qu’une partie non négligeable de la population n’a pas accès « à internet et aux équipements informatiques ». Elle estime donc que le mode d’achat dématérialisé « ne saurait constituer la seule et unique modalité d’accès aux billets de train ». 

La SNCF a fait savoir à la Défenseure des droits que des solutions alternatives (comme la vente de billets par téléphone) étaient « en cours de déploiement ». 

Variété des barèmes

Quant à la situation assez ubuesque des majorations différentes d’une région à l’autre, elle s’explique par la régionalisation du transport ferroviaire TER. La SNCF a fixé un certain nombre de règles, déjà fort compliquées, avec l’instauration de deux tarifs majorés, dits « tarif exceptionnel »  et « tarif de bord ». Le tarif de bord s’applique aux personnes sans billet, se présentant spontanément au contrôleur, montées dans une gare munie de guichets ; le tarif exceptionnel s’applique aux personnes montées à partir d’un PANG. Mais pour tout simplifier, ces règles SNCF ne s’appliquent que si les régions, autorités organisatrices du transport TER, n’ont pas choisi d’appliquer d’autres règles, à savoir l’instauration d’un autre tarif, dit « barème de distribution »  !

C’est une litote de dire, comme le fait Claire Hédon, que ces règles sont « dans la plupart des cas inconnues des usagers ». 
La Défenseure des droits constate « l’incompréhension des voyageurs, qui réglaient, avant l’entrée en vigueur de ces différents barèmes, le prix normal de leur billet auprès de l’agent présent dans le train, dès lors que leur bonne foi n’était pas mise en doute. L’introduction des nouveaux barèmes « exceptionnels »  et « de bord »  entre janvier et juin 2019 est donc apparue comme une double peine dans les régions qui l’appliquent, le prix du billet étant majoré, face à une réduction concomitante des services en gare proposés aux voyageurs. » 

Sans compter que certains contrôleurs effectuent des verbalisations « abusives », comme dans le cas de la personne qui s’est vu appliquer une amende de 100 euros alors même, aux termes des règles fixées par la SNCF, qu’elle n’était pas en situation de fraude. 

Recommandations

Claire Hédon demande donc à la SNCF d’arrêter de transformer des gares en PANG et, à tout le moins, « d’assurer la maintenance suffisante des distributeurs automatiques de titres de transport ; qui doivent être présents dans l’ensemble des PANG existants »  (ce qui est loin d’être le cas). 

Elle demande également que dans toutes les régions soit mis en place un barème égalitaire, permettant aux usagers de bonne foi qui sont montés depuis une gare sans guichet et sans distributeur de pouvoir régler leur billet dans le train sans majoration. 
Elle recommande enfin que ces règles soient clairement portées à la connaissance du public et que les agents de contrôle « fassent l’objet d’un rappel »  des règles, afin que cessent les verbalisations abusives. 

Accéder à l'avis de la Défenseure des droits. 

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