Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 5 avril 2016
Transports

Taxis : l'État propose de racheter directement les licences

Alors que le mouvement de protestation s’est déplacé, hier, de Paris à Toulouse – la Ville rose sera bloquée aujourd’hui pour la deuxième journée consécutive – le gouvernement a dévoilé hier sa « feuille de route »  sur le sujet, avec une nouvelle très attendue : l’État va bien racheter les licences des taxis qui le souhaitent.
C’est bien la problématique de la licence ou, pour utiliser le terme officiel, de l’ADS (Autorisation de stationnement) qui empoisonne le secteur depuis l’arrivée, il y a quelques années, des VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur). Un peu d’histoire : le système de la licence existe depuis les années 1930. C’est en fait une sorte de numerus clausus appliqué aux taxis et destiné à en limiter le nombre. L’ADS, qui autorise les chauffeurs de taxis à stationner en station et à maurauder, c’est-à-dire être hélé sur la voirie par un client, peut être obtenue de deux façons : ou bien gratuitement, auprès du maire, du président d’un EPCI si la compétence voirie lui a été transférée, ou du préfet de police à Paris ; ou bien en la rachetant à un taxi qui souhaite arrêter son activité. Les licences gratuites ne sont distribuées qu’au compte-goutte, après inscription sur une liste d’attente. Les délais peuvent dépasser dix ans, voire atteindre 15 à 18 ans dans les zones les plus tendues. De nombreux chauffeurs se tournent donc vers le rachat de licence, avec des prix qui ont incroyablement flambé : une ADS s’achète en moyenne 200 000 euros, et peut monter à 300 000, voire 350 000 euros dans les zones très tendues. Une licence achetée aussi cher – souvent au prix d’un endettement à vie – représente, pour les chauffeurs, l’équivalent d’un fonds de commerce.
L’arrivée des VTC, et plus encore depuis qu’existent les applications mobiles type Uber, a bouleversé la donne, en permettant à des chauffeurs sans licence de concurrencer les taxis « officiels ». Beaucoup de taxis constatent que cette concurrence, en plus de leur faire perdre des clients, amène un effondrement du prix des licences. C’est ce qui alimente la colère des chauffeurs de taxi, depuis des mois, qui craignent de devoir revendre leur licence, en fin de carrière, deux ou trois fois moins cher qu’ils ne l’ont achetée.
Le gouvernement, dans cette situation, est face à un casse-tête : il doit tenter de trouver une solution à la détresse des taxis tout en n’entravant pas le développement des VTC, eux aussi très revendicatifs.
La proposition faite hier par le gouvernement pourrait calmer en partie les esprits. Dans sa « feuille de route pour l’équilibre du secteur du transport public particulier de personnes », le secrétaire d’État chargé des Transports, Alain Vidalies, annonce que le gouvernement reprend la proposition du médiateur nommé en janvier, Laurent Grandguillaume, de créer « un fonds de garantie, financé par le secteur, (…) garantissant aux chauffeurs une valorisation minimale de leur ADS ». Autrement dit, les chauffeurs pourraient se faire racheter leur licence par ce fonds et, point particulièrement important, au prix d’acquisition : « Les titulaires actuels d’une ADS cessible et acquise à titre onéreux, auront la possibilité, et non l’obligation, de faire appel au fonds de garantie dans des conditions à déterminer. Le rachat des ADS par le fonds se fera à un prix basé sur le prix d’acquisition, et aboutira à leur retrait du marché », expliquait hier Alain Vidalies.
Restait à déterminer qui va payer – car la facture va être salée : la fondation Terra nova, dans une étude très documentée sur la question, a estimé qu’elle devrait se chiffrer entre 4 et 4,5 milliards d’euros. Hors de question de « faire peser ce dispositif sur le contribuable », souligne Alain Vidalies dans son communiqué. C’est donc « le secteur »  qui va financer le dispositif, apparemment via une cotisation versée par les professionnels. Plus précisément : l’État ferait un emprunt pour constituer le fonds, et cet emprunt serait remboursé par les cotisations des chauffeurs. Selon les calculs de Terra nova, il faudrait lever environ 195 millions d’euros par an de cotisation pour rembourser l’emprunt sur trente ans, ce qui correspondrait à une cotisation d’environ 135 euros par mois et par chauffeur.
On verra à présent si ces annonces vont calmer la grogne des chauffeurs de taxi. Cela n’est pas gagné : à Toulouse, elles n’ont pas empêché les taxis de reconduire leur mouvement aujourd’hui. Insensibles aux propositions du ministère, les taxis mobilisés demandent toujours, pour leur part, l’interdiction pure et simple des VTC.
F.L.

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