Maire-info
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Édition du mardi 10 mai 2022
Transports

Les grandes collectivités étoffent peu à peu leur offre d'outils numériques d'aide à la mobilité

Le Cerema vient de publier les premiers résultats de son enquête sur les outils numériques d'aide à la mobilité, dont le développement est fortement encouragé par la loi d'orientation sur les mobilités. En identifiant à la fois les avantages de ces outils et les freins à leur développement. 

Par Franck Lemarc

L’enquête, menée par le Cerema en collaboration avec plusieurs associations d’élus (dont Régions de France et le Groupement des autorités responsables de transport), porte sur le concept encore relativement peu connu de « MaaS ». Derrière cet acronyme (« mobility as a service », traduit en français par « mobilité servicielle » ) se cache un concept plus simple qu’il n’y paraît : les applications numériques d’aide à la mobilité. 

Concrètement, il s’agit en premier lieu des applications sur smartphone dédiées à l’information dite multimodale, permettant « d’aider les usagers à préparer leurs déplacements en proposant et en combinant plusieurs modes de transport, et souvent en les informant en temps réel sur les perturbations ». Dans certaines grandes métropoles, de telles applications sont aujourd’hui très efficaces – l’usager n’ayant qu’à renseigner son lieu de départ et son lieu d’arrivée pour se voir proposer diverses solutions, en temps réel, allant des transports collectifs au vélo ou à la marche en passant par le VTC. Ces systèmes, très élaborés, permettent désormais de connaître son temps de trajet quasiment à la minute près. 

Si le Cerema note que ces systèmes sont encore relativement rares en France, il rappelle que l’objectif de « généraliser le Maas »  est « bien présent dans les collectivités territoriales »  et que cet objectif est présent dans la loi d’orientation des mobilités (LOM). 

C’est pour donner un instantané de ce développement que le Cerema a mené une enquête auprès de 22 acteurs (10 collectivités, 11 opérateurs de mobilité et une agence d’assistance à maîtrise d’ouvrage). L’enquête vise notamment à faire le point sur les services numériques que proposent ces acteurs et à tracer des perspectives. 

Services pas encore universels

Il ressort de l’enquête que plus de 80 % des acteurs répondant ont mis à disposition des usagers un site internet dédié à la mobilité, et presque 75 % une application mobile. Plus rarement, ils proposent un site ou une application « mutualisés »  entre plusieurs autorités organisatrices, pour diminuer les coûts de production. Dans la plupart des cas, une solution de titres de transport dématérialisés (présentés sur le téléphone mobile) est également proposée. 

L’éventail des services proposés varie beaucoup d’une collectivité à l’autre. Si 100 % des répondants intègrent a minima les transports collectifs dans leurs applications (bus, car, métro et tramway), et plus de 60 % le vélo en libre-service, moins de la moitié offre des informations sur la disponibilité dans les abris vélos, seulement 25 % sur l’autopartage, et à peine un peu plus de 10 % sur la marche. Rares sont donc encore les applications « universelles », prenant en compte toute la palette de la « multimodalité »  – c’est-à-dire le fait de faire un trajet en utilisant plusieurs modes, par exemple vélo de chez soi à la gare, train, trottinette en libre-service de la gare au lieu de travail. 

Vente en ligne

La planification des trajets n’est pas le seul objectif de ces applications, qui proposent dans la plupart des cas des solutions d’achat de titres de transport. Même constat que plus haut : si 100 % des répondants permettent l’achat de titres de transport pour les modes de transport collectif, ils sont encore bien plus rares à proposer, dans la même application, le paiement du parking ou du stationnement, de l’autopartage ou de la voiture en libre-service. 

La part des achats en ligne (site web ou application) reste marginale, mais elle a tout de même doublé depuis la crise du covid-19 (passant dans la plupart des métropoles de 4 à 8 %). Certaines agglomérations se distinguent avec 40 % des titres achetés en ligne. 60 % des acteurs interrogés estiment que le covid-19 a eu un impact sur la fréquentation des sites de vente en ligne de titres de transport – cette modification des usages étant probablement appelée à perdurer après la crise. C’est ainsi que plus de la moitié des répondants prévoient « une modification de l’organisation des espaces physiques de vente », dans le sens d’une réduction. 

Freins

Le Cerema alerte toutefois « qu’une part non négligeable de la population n’utilise pas ces outils »  et qu’il convient d’en tenir compte – qu’il s’agisse de personne ne possédant pas de smartphone ou ne sachant pas réellement s’en servir, de personnes refusant de saisir leurs données bancaires en ligne ; etc. 

Les répondants à l’enquête ont d’ailleurs identifié un certain nombre de « freins »  au développement de ces services, parmi lesquels on peut citer « les coûts exorbitants pratiqués par les acteurs du secteur de la billettique des transports en commun », « les frontières qui perdurent entre la SNCF et les collectivités et ne facilitent pas l’interopérabilité », la difficulté pour les collectivités de choisir un opérateur MaaS (opérateur de transports ou marché spécifique). 

Objectifs plus ou moins ambitieux

Un autre avantage considérable des services numériques est qu’ils ouvrent la possibilité de recueillir d’innombrables données sur les habitudes et les pratiques des usagers, et qu’une utilisation pertinente de ces données permet d’en faire « un réel outil de pilotage des mobilités en temps réel ». 

Le jeu en vaut la chandelle : le Cerema rappelle que dans certaines villes d’Europe du nord (Suède ou Finlande), des services numériques bien pensés et efficaces ont contribué à faire fortement décroître l’usage de la voiture individuelle. Mais pas à eux seuls : ces villes ont développé la MaaS en complément d’une « politique publique volontariste (incitation à la tarification, amélioration de l’offre) ». Il revient donc, conclut le Cerema, à chaque autorité organisatrice de choisir leur objectif en développant ces services : ou bien « simplement viser le service rendu aux usagers pour faciliter la réponse à leurs besoins », ou bien, de façon plus ambitieuse, « poursuivre un projet global aboutissant à des impacts positifs en termes de lutte contre le réchauffement climatique, d’utilisation de l’espace public, et à un coût abordable par tous ». 

Accéder à l’enquête.

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