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Édition du mercredi 18 janvier 2023
Transports

Le Conseil d'orientation des infrastructures appelle l'État à fortement augmenter ses ambitions en matière de financement des transports

Le Conseil d'orientation des infrastructures a rendu hier son très attendu rapport sur les investissements à réaliser dans les transports. Il se montre beaucoup plus ambitieux que le gouvernement.

Par Franck Lemarc

Les années à venir vont-elles marquer le grand retour des investissements massifs dans le ferroviaire, après des années de vaches maigres ? C’est en tout cas ce que préconise le Conseil d’orientation des infrastructures (COI). 

Attendu initialement pour décembre, le rapport du COI a été remis hier au ministre des Transports, et a été publié par plusieurs médias. Ce texte est d’une grande importance, puisqu’il doit notamment servir de base aux arbitrages du gouvernement pour définir les enveloppes régionales qui seront attribuées par l’État dans le cadre du volet mobilités des Contrats de plan État-régions. 

C’est début octobre que le ministre des Transports, Clément Beaune, a saisi le COI pour lui demander d’établir « des scénarios d’actualisation de la programmation des investissements de l’État dans le secteur des transports ». Le ministre demandait aux experts de proposer « deux scénarios »  qui s’inscrivent dans un strict cadrage financier : « Un total maximal de dépenses de 17,5 milliards d’euros de dépenses sur la période 2023-2027 ». 

Rappelons que depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, en 2017, la doctrine du gouvernement a plutôt été de privilégier « les transports du quotidien »  par rapport aux grands projets prévus jusque-là, dont beaucoup ont été tout bonnement abandonnés. 

Investissements massifs et retour aux grands projets

Le COI souhaite, visiblement, rompre avec cette doctrine : comme l’écrit en préambule son président David Valence, « le Conseil s’accorde sur l’impérieuse nécessité de ne plus sacrifier (…) la modernisation de l’existant à l’engagement d’infrastructures nouvelles ». 

Plus important encore, le COI a clairement établi qu’il est impossible d’atteindre les objectifs fixés par le gouvernement en matière de développement de la mobilité durable : « Une programmation respectant le cadre budgétaire indiqué au COI ne permet pas de répondre aux objectifs affichés dans la lettre de mission. »  Les experts proposent donc un dépassement massif de ces prévisions, dès la période 2023-2027. Ils proposent deux scénarios, l’un baptisé « Planification écologique »  et l’autre, plus ambitieux encore, « Priorité aux infrastructures ». Le premier est estimé à 23,7 milliards d’euros pour les quatre prochaines années, et le second à 28,9 milliards, soit 11 milliards d’euros de plus que le cadrage demandé par le gouvernement. 

D’ailleurs, alors que la lettre de mission demande des scénarios pour dix prochaines années, le COI a choisi de « s’affranchir »  de cette demande et voit plus loin, en prévoyant une planification sur « quatre quinquennats », c’est-à-dire jusqu’en 2042. Ce qui n’a rien de surréaliste, quand on connaît le calendrier des projets ferroviaires. 

Sur cette période 2023-2042, le COI appelle à un effort extrêmement massif : 120 milliards d’euros pour le premier scénario, et 140 milliards d’euros pour le second. 

Le scénario « Planification écologique » 

Proposant donc d’emblée de « ne pas retenir »  un scénario basé sur le cadrage financier du gouvernement, le COI a produit une première hypothèse « répondant aux ambitions et priorités »  exprimées par le gouvernement. Ce premier scénario reste le plus proche des priorités du gouvernement depuis 2017 et « de l’esprit de la LOM » : il « privilégie des programmes généraux de remise à niveau et de modernisation, pour mieux tirer parti des réseaux existants ». Ce scénario « privilégie fortement les travaux de régénération et de modernisation du réseau existant », vise « à dénouer les nœuds de saturation du réseau ferroviaire pour permettre le développement des services express métropolitains », prévoit de « développer des solutions de mobilités pour les périphéries des métropoles et les zones moins denses et prioriser les opérations de modernisation du réseau routier national pour permettre le basculement des mobilités partagées et collectives ». 

Même relativement modeste, ce scénario dépasse « d’environ 50 % »  le cadrage demandé par le gouvernement. 

Le scénario « Priorité aux infrastructures » 

Le deuxième scénario est plus ambitieux, puisqu’il supposerait de doubler les investissements prévus par le gouvernement. Les membres du COI indiquent que le premier scénario conduirait à « ne pas réaliser des projets structurants très attendus », en matière routière comme sur les lignes à grande vitesse. 

Le second scénario est donc « moins discriminant ». « Il mobilise plus de crédits pour le volet routier des CPER et permet d’accompagner des volontés fortement exprimées et des besoins importants, sans renoncer pour autant aux programmes qui lui semblent en tout état de cause prioritaires. » 

Modèle économique

Le COI est conscient de l’effort financier que demanderont l’un ou l’autre des scénarios, mais estime cet effort absolument indispensable pour réussir la transition écologique. Le rapport juge que le système ferroviaire est « à bout de souffle », et qu’il est urgentissime « d’y réinjecter de l’argent public, pour sortir d’une dégradation et d’un retard technologique qui n’ont que trop longtemps duré ». 

Au-delà, le rapport détaillé également un certain nombre de pistes pour « conforter le modèle économique »  du secteur des transports, en essayant d’anticiper au maximum les évolutions à venir : la fin des concessions autoroutières, la diminution mécanique des recettes de TICPE qu’entraînera la montée en puissance des véhicules électriques. Le COI appelle à « réexaminer le modèle économique des transports en commun », et pose la question de la part payée par les usagers – qui n’est en moyenne que de 17 % du coût des transports urbains, le reste étant pris en charge par le versement mobilité et les subventions des collectivités. Sans apporter de réponse, le COI se demande si ce système est tenable à long terme. 

Par ailleurs, notamment pour financer les projets de « RER métropolitains »  dans les grandes agglomérations de province, le COI appelle à reproduire ce qui s’est fait en Île-de-France avec la Société du Grand Paris, destinée à financer le réseau Grand Paris express. La mobilisation de taxes affectées spécialement au financement de ces projets, comme c’est le cas pour le Grand Paris express, peut, selon le COI, être « pertinente ». 

Et maintenant ?

Il reste maintenant à savoir quelle sera la réponse du gouvernement à ce rapport : le COI n’est nullement une instance décisionnelle, et ne fait que proposer des scénarios, sur lesquels le gouvernement va maintenant rendre des arbitrages. Si l’on ne peut que relever le choix courageux du COI d’avoir dit clairement à l’exécutif que ses cadrages financiers ne sont pas à la hauteur, il faut maintenant attendre la façon dont va réagir celui qui tient les cordons de la bourse, c’est-à-dire Bercy. 

Le gouvernement va-t-il valider la position du COI ? À l’heure où le gouvernement ne parle que de « réduction des dépenses publiques »  et fin du « quoi qu’il en coûte », rien n’est moins sûr.  

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