Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 23 mai 2024
Transparence de la vie publique

Encadrement du recours aux cabinets de conseil : les sénateurs rejettent l'intégration des collectivités dans le dispositif

La commission des lois du Sénat a examiné hier la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil dans les politiques publiques, et a supprimé les dispositions concernant les collectivités territoriales. Explications.

Par Franck Lemarc

La proposition de loi des sénateurs Assassi et Bazin, adoptée en première lecture par le Sénat en octobre 2022 et par l’Assemblée nationale en février 2024, revient au Sénat en deuxième lecture. Elle vise à encadrer le « phénomène tentaculaire »  que représente, selon les auteurs du texte, l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. Dans l’exposé des motifs de la loi, les sénateurs pointent le coût exorbitant de certaines prestations (des consultants qui facturent leur intervention jusqu’à 3 000 euros par jour) – prestations dont l’utilité est bien souvent remise en question. Un rapport de McKinsey sur la Sécurité sociale, facturé près d’un million d’euros, traite des conséquences d’une réforme qui n’a jamais eu lieu ; un autre, du même cabinet, sur « l’avenir du métier d’enseignant »  (presque 500 000 euros), reçoit ce commentaire du ministère de l’Éducation nationale : « Il n’est pas possible d’en déterminer les conséquences directes. » 

Les auteurs du texte ont donc souhaité s’attaquer aux difficultés que pose le recours aux cabinets de conseil : une « opacité »  préoccupante, un « foisonnement incontrôlé » , une forme de « dépossession de l’État »  et des « risques déontologiques non maîtrisés » 

Améliorer la transparence

Le texte proposé par les deux sénateurs vise d’abord à définir les prestations de conseil, puis à renforcer les obligations de transparence de celles-ci. Il dispose que tout recours à un cabinet de conseil doit faire l’objet d’une évaluation, et pose des règles claires en matière de conflit d’intérêts – donnant notamment à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une nouvelle mission de contrôle des prestations de conseil, avec des possibilités de sanction à la clé. 

Une des questions essentielles qui s’est posée lors de l’examen de ce texte est son champ d’application : quelles sont les « politiques publiques »  visées ? « L’État et ses opérateurs » , avaient tranché les auteurs du texte, ainsi que « les autorités administratives et publiques indépendantes »  et « les établissements publics de santé » . Ils avaient, en revanche, formellement exclu les collectivités territoriales du dispositif. 

Intégrer ou non les collectivités

Lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale, en février dernier (lire Maire info du 5 février), le gouvernement a souhaité, contre l’avis des rapporteurs du texte à l’Assemblée, intégrer au contraire certaines collectivités locales au dispositif d’encadrement du recours aux cabinets de conseil. Le gouvernement a réussi à faire adopter un amendement étendant les dispositions de la proposition de loi aux régions, aux départements, aux communes de plus de 100 000 habitants et EPCI de même taille – soit 42 grandes villes et 145 EPCI. Cet amendement, il faut le noter, a été proposé par le gouvernement sans aucune concertation avec les associations d’élus. 

Comme on pouvait s’en douter, le Sénat n’a pas apprécié la manœuvre. Lors de l’examen du texte en commission des lois, en seconde lecture, hier, les sénateurs ont supprimé l’article issu de l’amendement gouvernemental englobant les collectivités locales dans le dispositif. 

En effet, expliquent les membres de la commission, « tout un ensemble de mécanismes, aussi bien juridiques et administratifs que politiques, permettent d’ores et déjà d’encadrer et de contrôler le recours aux cabinets de conseil par les collectivités territoriales » . La nécessité de légiférer sur ce sujet « ne se pose donc pas dans les mêmes termes que pour la sphère étatique ». 

La commission des lois du Sénat s’est « fermement opposée »  à l’intégration des collectivités au périmètre du texte, peut-on lire dans le rapport de celle-ci : « l’opacité »  qui caractérise le recours de l’État aux prestations de conseil n’existe pas dans les collectivités, du fait notamment des règles du Code de la commande publique, et surtout du fait que les assemblées délibérantes locales peuvent exercer un contrôle sur les prestations de conseil, « ce qui représente une différence essentielle avec les administrations centrales ».

Les sénateurs ont par ailleurs dénoncé la « méthode »  utilisée par le gouvernement. Ni la commission d’enquête du Sénat sur le recours aux cabinets de conseil, ni la mission « flash »  de l’Assemblée nationale n’ont souhaité que les collectivités soient intégrées au dispositif – et s’y sont même « opposé » . Et surtout, « le gouvernement n’a mené aucune consultation auprès des associations d’élus », alors que celles-ci ont « unanimement exprimé leur opposition à l’intégration des collectivités au périmètre de ce texte ». 

La proposition de loi amendée par la commission va être examinée par le Sénat en séance publique mardi prochain, avant de retourner à l’Assemblée nationale. Il reste à savoir si le gouvernement va revenir à la charge sur ce sujet. 

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