Maire-info
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Édition du mardi 25 avril 2023
Transition énergétique

Rénovation des écoles : un « grand plan » bienvenu, mais aux contours encore totalement flous

Les maires ont découvert dans la presse l'annonce d'un grand plan de rénovation énergétique des écoles, dévoilée par le président de la République dans son interview au Parisien. « Chiche ! », lui répond la co-présidente de la commission Éducation de l'AMF, mais à condition de mettre réellement, enfin, les moyens. 

Par Emmanuelle Stroesser et F.L.

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C’est une surprise pour les maires. Dans une interview accordée au quotidien Le Parisien-Aujourd'hui en France, publié sur son site dimanche, Emmanuel Macron explique ne plus vouloir d’écoles qui soient des passoires thermiques. Il annonce un « grand projet de restauration écologique »  des écoles… mais sans en préciser les financements ni le calendrier.

« On va les rénover ! » 

Interrogé en direct par les lecteurs du quotidien, selon un format qu’il affectionne, le chef de l’État se voit reprocher de ne pas en faire assez sur le sujet de l’écologie. Invité à citer « une grande mesure pour les quatre années à venir », il déclare : « On va lancer un grand projet de restauration écologique de nos écoles. On va mettre le financement là-dessus pour accompagner les communes qui ne le peuvent pas seules. Il y a trop d’écoles qui sont des passoires thermiques. Où les enfants se les gèlent puis ont trop chaud. On va les rénover ! C’est un formidable chantier public. Cela va donner du boulot au BTP. Cela va aider les communes car on va les accompagner. Cela va réduire nos émissions de gaz à effet de serre et nos enfants travailleront dans de bonnes conditions. » 

Pour éviter que les enfants « se les gèlent », donc, le gouvernement va « mettre le financement ». Ce qui paraît indispensable, car le chantier s’annonce pharaonique : 60 % des écoles ont besoin d’être rénovées, pour un coût estimé de 40 milliards d’euros pour la seule rénovation thermique, selon Laurent Jeannin, maitre de conférences en science de l’éducation à l’université de Cergy-Pontoise, auditionné en février dernier par la mission d’information sénatoriale sur « le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique ». 

Comme l’AMF l’a rappelé lors de son audition par cette même mission, le 30 mars, les maires ont besoin de visibilité et plaident depuis 2020 pour « que des financements de l’État soient dédiés au bâti scolaire », au-delà des dotations classiques. Les collectivités étant concernées au premier chef, puisque le bâti scolaire relève de leur compétence.  

Enveloppe « très conséquente » 

Ce dont les maires ont besoin, « c’est d’une enveloppe nouvelle et dédiée »  et qui « devra être très conséquente », a expliqué Delphine Labails, maire de Périgueux et co-présidente de la commission éducation de l’AMF, lors d’un point presse, hier. Une réaction « à chaud », après avoir découvert « ce matin et dans les colonnes de la presse »  les annonces du président de la République. Au-delà des écoles du primaire, ce sont également les collèges et les lycées qui sont concernés, ce qui nécessitera donc « de vrais choix budgétaires »  pour être à la hauteur de « l’ambition »  affichée, insiste l’élue. 

Pour donner une idée de l’échelle de cette enveloppe, l’élue cite le coût de la rénovation d’une « école classique, composée de 5 classes, et dotée des fonctions de base (un local périscolaire, une cantine avec deux services, une salle polyvalente, une cour désimperméabilisée) » : 3 millions d’euros – une construction nouvelle revenant, elle, « à 3,5 à 4 millions ». Un montant à multiplier par le nombre d’écoles, dans près d’une commune sur deux... Car « chaque commune, qu’elle ait une école avec deux classes ou plusieurs écoles, doit pouvoir avoir accès à ces crédits », défend Delphine Labails. 

Aucun outil d'évaluation

Reste qu’à l’heure actuelle « aucun outil, national, régional ou départemental d’évaluation de l’état des bâtiments scolaires »  n’existe, souligne l’élue. « Un grand nombre de communes ne sont pas en capacité d’évaluer l’état sanitaire de leurs écoles, sur la question de l’amiante, de l’isolation, la ventilation ou encore de l’humidité ». Ni sur « l’adaptation pédagogique ou l’accessibilité ». Il apparaît dès lors impossible de « chiffrer l’état des besoins », à défaut de disposer « d’un état de l’existant ». C’est ce que les maires réclament également : « Un outil pertinent de diagnostic sanitaire, de l’accessibilité et des besoins pédagogiques ! ».

Il existe bien une cellule « bâti scolaire »  au ministère de l’Éducation nationale et un poste de coordinateur pour accompagner les collectivités dans le cadre de la rénovation énergétique, mais elle n’a visiblement, jusque-là, pas donné satisfaction aux élus. « Cette cellule, installée en janvier 2022, fonctionne avec une équipe réduite, elle a rendu un guide sur le bâti au printemps 2022, maladroit dans la forme, prescriptif pour les collectivités, et accompagné d’aucune mesure financière »  résume, lapidaire, Delphine Labails. « Peut-être que le plan du président de la République permettra de financer ces indications », veut-elle croire.

La critique vaut aussi pour le fonds d'innovation pédagogique prévu dans le cadre du volet éducation du Conseil nationale de la refondation. Le ministre de l’Éducation nationale en vantait les mérites lors du dernier congrès des maires, les invitant à s’en saisir… Or « ce fonds ne délivre pas de crédits pour investir sur le bâti mais pour le seul mobilier », rappelle Delphine Labails. Autre limite : ce sont les directeurs d’école qui doivent s’en saisir, alors que les maires avaient plaidé – en vain – pour le co-pilotage de ces projets. Résultat, « dans un grand nombre de territoires, les enseignants ne s’en sont pas saisis ». Dans son département de la Dordogne, « aucune école ne répondra à cet appel à projets car aucune n’a mis en place ce débat autour de l’école », regrette l’élue, fustigeant là encore, un « rendez-vous manqué »  avec les collectivités. 

Comme elle le répétait devant le Sénat fin mars, Delphine Labails met enfin en avant le fait qu’il « n’est plus acceptable que les élus investissent dans le bâti tout en voyant leurs classes fermées à court ou moyen terme ». Une actualité brûlante dans les territoires ruraux comme urbains.

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