Maire-info
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Édition du jeudi 19 janvier 2023
Transition écologique

Fonds vert : les enveloppes seront à la main des préfets

La circulaire relative au Fonds vert, très attendue pour comprendre la manière dont va fonctionner ce fonds, a été rendue publique hier par le gouvernement. Le système sera nettement moins décentralisé que prévu : les préfets auront, finalement, une très grande liberté pour décider d'attribuer des subventions ou pas. 

Par Franck Lemarc

La circulaire a été signée le 14 décembre par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, mais il aura fallu plus d’un mois pour qu’elle soit publiée sur le site circulaires.gouv.fr. C’est à présent chose faite, et l’on en sait un peu sur la façon dont les crédits vont être répartis sur le territoire. 

Deux milliards d’euros pour les collectivités

Le Fonds vert, rappelons-le, est une enveloppe de 2 milliards d’euros dédiée aux collectivités locales et à leurs groupements, pour financer les études ou les investissements allant dans le sens de la transition écologique : de la rénovation thermique des bâtiments publics à celle de l’éclairage public, du traitement des friches à la gestion des biodéchets, du covoiturage aux zones à faibles émissions, de très nombreuses actions seront finançables, dont on a pu récemment voir le détail à travers les « Cahiers d’accompagnement »  mis en ligne par le gouvernement (lire Maire info du 17 janvier). 

On sait depuis le début que cette enveloppe sera à la main des préfets, qui seront chargés d’attribuer les fonds de façon simple et directe, sans appel à projets ni appel à manifestation d’intérêt. 

Mais l’une des questions qui restait jusqu’à présent sans réponse était la clé de répartition de ces fonds. La circulaire apporte un certain nombre de réponses à cette question. 

À la main des élus… ou des préfets ?

Dans cette circulaire, Christophe Béchu insiste fortement sur cette nécessité de « simplicité » : « Je vous demande, écrit-il aux préfets, de vous assurer que cette exigence de simplicité soit respectée, ce qui implique une diffusion large de l’information (…) et la disponibilité des services de l’État pour répondre aux questions des élus ». 
Quant à la déconcentration de la gestion du fonds, elle est pour le ministre « un principe cardinal », les préfets devant avoir « la plus grande liberté possible dans la gestion de ces crédits ». 

Mais attention, une fois de plus, déconcentration ne veut pas dire décentralisation, et la présentation faite par le ministre laisse entrevoir un dispositif qui sera nettement plus centralisé qu’il n’y paraissait au départ. Christophe Béchu, en présentant le dispositif à Maire info, pendant le congrès des maires, avait laissé entendre que ce seraient les élus eux-mêmes qui auraient la main : « Dès que vous faites un truc qui est bon pour le climat ou la biodiversité, c’est éligible ! », expliquait-il alors. Il apparaît que ce ne sera pas tout à fait aussi simple, puisque les préfets détermineront, localement et en toute liberté, les projets qui seront finançables ou pas : « Vous avez toute latitude pour identifier les priorités qui vous semblent devoir être retenues dans votre région ou votre département », écrit le ministre aux préfets. 

La circulaire précise que chaque préfet se verra attribué une « enveloppe », dont le montant n’est actuellement pas connu. Le Fonds vert sera réparti « entre territoires en fonction de critères démographiques et des besoins propres à chaque territoire », selon un système à trois étages : l’administration centrale déléguera les crédits aux préfets de région, qui « répartiront les enveloppes entre départements », puis les préfets de départements « ventileront les crédits entre les différentes mesures ». 

Un élément précis est donné sur la répartition de ces crédits : « Chacun des trois axes d’intervention (1) devra représenter au moins 10 % des crédits ». Le ministre demande également instamment que « le fonds bénéficie équitablement à tous les territoires, ruraux, urbains, péri-urbains, littoraux et de montagne, et à toutes les catégories de collectivités ». 

Critères de répartition régionale

Sans donner pour l’instant les sommes, les critères de répartition entre régions sont indiqués en annexe de la circulaire. Nul doute que le calcul du montant qui sera finalement alloué à chaque région va donner quelques migraines aux experts de la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), administration chargée de la ventilation des crédits, tant les critères sont complexes.

En effet, pour chaque région, le montant attribué sera calculé en fonction des besoins de celles-ci pour chacune des mesures éligibles au Fonds vert, ce qui paraît parfaitement logique – il serait absurde d’attribuer des fonds pour la lutte contre le risque cyclonique en Bourgogne-Franche-Comté, ou pour l’adaptation au recul du trait de côte en Auvergne-Rhône-Alpes. Pour chaque mesure éligible (rénovation énergétique des bâtiments, valorisation des déchets, renaturation des villes, etc.), des critères de répartition ont été définis. Exemples : pour l’action « rénovation des parcs de luminaires d’éclairage public », la répartition se fera en fonction du « nombre de communes de moins de 10 000 habitants »  que comprend la région – ce qui est encore assez simple. Pour la prévention du risque incendie de forêt, la clé de répartition est « le nombre de départements concernés pondéré par le nombre de feux constatés sur 2006-2020 »  – les choses se compliquent. Pour l’accompagnement de la stratégie nationale biodiversité, la répartition se fera « selon des critères physico-financiers propres à chaque type d’action identifié selon une sous-répartition »  (34 % pour les aires protégées, 17 % pour la protection des espèces, etc.). On est ici bien loin de la « simplicité », mais les élus se consoleront en se disant que ce travail de répartition se fera en amont, au niveau de l’État central. 

Il reste à attendre le résultat de ces calculs pour connaître les enveloppes régionales qui seront donc, par la suite, réparties entre départements puis distribuées aux collectivités, « à la main »  des préfets. On retrouve donc ici le même système, souvent critiqué par les associations d’élus, que les enveloppes du type DETR et DSIL, que les préfets peuvent librement décider d’attribuer, ou pas, aux collectivités, selon des critères qu'ils décident eux-mêmes. 

CVAE et gouvernance

Point important : il est clairement indiqué dans la circulaire qu’une somme de 500 millions d’euros, sur les deux milliards du total, sera réservée « aux départements et EPCI qui percevaient la CVAE jusqu’à maintenant ». En effet, la suppression de la CVAE décidée dans le cadre de la loi de finances pour 2023 « est compensée par une fraction de TVA et une enveloppe nationale de 500 millions d’euros intégrée au Fonds vert ». Christophe Béchu demande donc aux préfets de s’assurer que « ces collectivités bénéficient du Fonds vert a minima à hauteur de la compensation prévue ». 

Le ministre demande également aux représentants de l’État de veiller « à la bonne association des élus dans la gouvernance du Fonds vert », sous un format qu’ils sont libres de choisir. Le ministre estime toutefois que « les comités locaux de cohésion des territoires (CLCT) (…) constitueraient des instances pertinentes ». 

Enfin, Christophe Béchu souhaite donner de la « visibilité »  à l’action du gouvernement, et demande donc que les collectivités qui auront bénéficié du Fonds vert « communiquent sur les subventions qu’elles ont perçues ». Il faudra donc, pour chaque projet subventionné, « afficher de façon visible la contribution de l’État au titre de ‘’France nation verte’’ ». 

À quand les formulaires ?

Deux étapes sont encore à franchir pour que le dispositif soit effectif. D’abord, l’attribution chiffrée des enveloppes aux régions, puis aux départements. Et surtout, la possibilité pour les collectivités de candidater ! Les projets devront être déposés via un formulaire dédié, en ligne. À l’heure où nous écrivons, ce formulaire n’est toujours pas disponible et le site dédié du gouvernement affiche toujours la mention : « Formulaire de candidature à venir ». 


(1)   Renforcer la performance environnementale, Adapter les territoires au changement climatique et Améliorer le cadre de vie

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