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Édition du jeudi 16 novembre 2023
Transition écologique

Transition écologique : les élus veulent davantage de marge de manÅ“uvre, selon un rapport du Sénat

Un rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a été remis hier au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. Une vingtaine de recommandations ont été formulées pour mieux accompagner les élus dans la réussite de la transition environnementale de leur collectivité.

Par Lucile Bonnin

« Comment engager et réussir une transition environnementale ? »  C’est le sujet d’un rapport réalisé par le Sénat et donc les conclusions ont été rendues hier au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. Pour répondre à cette question, les rapporteurs Laurent Burgoa, Pascal Martin et Guy Benarroche ont auditionné plus de 50 élus, sondé 150 acteurs de la transition et experts et reçu plus de 40 contributions écrites d’avril à octobre 2023.

« J’appelle les élus, les agents territoriaux et les services déconcentrés de l’État à se saisir de ce rapport, véritable boussole pratique pour répondre aux interrogations qu’ils rencontrent sur la transition environnementale », indique Françoise Gatel, présidente de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Sensibilisation et formation 

Comme le rappellent les sénateurs, « les élus locaux, comme toujours, sont en première ligne »  et doivent donc régler à la fois les difficultés liées aux changements climatiques et apporter des solutions à court et long terme.  Ainsi, les élus locaux « sont confrontés à deux grands champs d’action complémentaires : l’atténuation, qui demande de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et préserver les puits et réservoirs de GES (forêts, sols…) et l’adaptation, qui est la démarche d’ajustement au climat actuel et à venir, ainsi qu’à ses conséquences » . Une mission complexe qui nécessite donc une formation et une sensibilisation « de tous les acteurs : élus, collaborateurs d’élus, agents publics, préfets et sous-préfets, agents des services déconcentrés et partenaires de la collectivité ».

La mission recommande « d’ajouter, dans les conditions de délivrance de l’agrément préalable aux organismes formateurs d’élus locaux, l’obligation pour toute formation d’intégrer les enjeux de transition environnementale et de résilience territoriale. Les rapporteurs incitent aussi les départements à mettre en place un dispositif de formation des élus du bloc communal dans le prolongement du programme de sensibilisation lancé par l’État en préfecture ».

Agir progressivement 

Le rapport pointe la nécessité de « construire progressivement une capacité d’action locale en s’appuyant sur une connaissance précise » . Ainsi, les élus doivent « s’approprier les sujets à l’échelle de (leurs) territoire (…) pour ne pas prescrire directement des solutions qui risquent d’être insatisfaisantes ou inadaptées ».

Pour ce faire, les rapporteurs ont identifié un besoin d’accompagnement des collectivités pour renforcer ce travail de diagnostic qu’il faut mener en amont (climat, ressources, biodiversité, données socio-économiques, cartographie des acteurs, …) dans la prochaine génération de Contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Par ailleurs, le Sénat recommande de « mettre gratuitement à disposition des élus locaux un bouquet de données territorialisées relatives aux enjeux environnementaux (climat, vivant, etc.) » . Les rapporteurs expliquent également qu’il serait bénéfique pour les élus locaux d’intégrer aux plans communaux ou intercommunaux de sauvegarde certains nouveaux risques liés à l’environnement (sécurité alimentaire, eau, etc.), notamment pour améliorer la qualité des diagnostics.

Enfin, les élus interrogés ont indiqué qu’il fallait d’abord « commencer par des projets concrets »  pour, par la suite, engager « une dynamique vertueuse » . Les élus recommandent aussi « de viser une approche globale, dite systémique, c’est-à-dire d’intégrer dans toute action et politique publique les enjeux environnementaux. Cette approche systémique demande de transformer les organisations et les habitudes de travail (…) ». 

« L’État doit changer de méthode » 

Les élus locaux interrogés estiment que « l’État doit changer de méthode »  à partir de deux mots d’ordre : simplification et différenciation. En effet, les élus attendent de l’État qu’il « fixe la stratégie et les grands objectifs »  avec « une contractualisation locale au lieu d’imposer une solution uniforme et générale, par définition inadaptée aux contextes locaux » . Les élus « attendent de la cohérence dans l’action des services, agences et démembrements de l’État au niveau local » 

Dans le même esprit, la logique d’appels à projets décriée depuis plusieurs années par l’AMF doit être abandonnée selon les élus interrogés dans le cadre de cette mission. Cette méthode de financement conduit, selon eux, « à des visions fragmentées, opportunistes, construites dans l’urgence et peu documentées » . Un « cadre contractuel global pluriannuel, avec une mise en œuvre souple en pratique, centré sur des objectifs clairs, différenciés et réalistes, avec une évaluation simple mais solide »  serait davantage pertinent selon les élus. 

Le rapport recommande de « mettre en place une feuille de route transversale de la transition environnementale des services, opérateurs et structures de l’État déconcentré, coordonnée et suivie par le préfet »  et de « faire des CRTE le support d’une programmation pluriannuelle des financements ».

Côté budget, selon le rapport de l’économiste Jean Pisani-Ferry sur l’évaluation des impacts macroéconomiques de la transition écologique, « pour atteindre la neutralité carbone, la France devra investir 66 milliards d’euros supplémentaires par an d’ici à 2030 soit, pour les collectivités, au moins 12 milliards euros d’investissement annuel de 2021 à 2030 alors qu’elles n’en réalisent à ce jour qu’environ 5,5 milliards par an » . Face à cette insuffisance, le Sénat propose notamment de pérenniser le Fonds vert et d’augmenter son montant. 

Les règles budgétaires et comptables doivent aussi évoluer selon ce rapport qui dénonce des incohérences : « rigidité de la séparation budgétaire entre les sections de fonctionnement et d’investissement qui distille l’idée que les dépenses d’investissement sont forcément vertueuses tandis que les dépenses de fonctionnement sont par principe à réduire »  ; « encadrement des dépenses de fonctionnement par la contractualisation avec l’État (« contrats de Cahors » ) avec une rigueur particulière sur les dépenses de personnels »  ; « doxa sur l’endettement qui n’incite pas à investir et qu’il serait possible de faire évoluer en identifiant une dette « verte »  »  ; « fiscalité locale rarement incitative »  ; « fonds de compensation de la TVA aux effets contreproductifs comme, par exemple, la sortie de son assiette des dépenses de plantations d’arbres et de débitumisation, pour un montant très proche de 500 millions d’euros, qui correspond à la rallonge du Fonds vert annoncée le 11 octobre 2022 » ... 

Les sénateurs plaident pour engager une réflexion pour proposer des évolutions de ces règles et étudier l’ « extension des modalités de garantie des prêts contractés par les opérateurs et partenaires des collectivités (EPL) pour des projets de transition écologique ».

Un débat intitulé « Réussir la transition écologique dans le respect des libertés locales »  aura lieu mardi matin au Congrès des maires en présence du ministre de 10 heures à midi dans le grand auditorium. 

Télécharger l'Essentiel du rapport. 

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