Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 2 juin 2016
Terrorisme

Prévention de la radicalisation : les maires demandent une meilleure collaboration avec l'État

Depuis les attentats de janvier et novembre 2015, la radicalisation violente n’est plus un phénomène abstrait, réservé à des pays plus ou moins lointains. La prévention de la radicalisation est devenue une urgence au niveau national comme au niveau local. Au niveau local justement, comme l’a rappelé Roger Vicot, co-animateur avec Jean-Louis Mivel de l’atelier consacré à ce sujet hier matin lors du congrès des maires, les maires ont pris l’engagement d’agir aux côtés de l’État, le 18 novembre, lors du rassemblement  qui a remplacé le congrès reporté en raison des attentats. La semaine dernière, l’AMF a signé une convention avec le gouvernement pour renforcer le partenariat entre l’État et les communes sur ce sujet. Mais lors de l’atelier d’hier, l’impatience autant que l’inquiétude des maires sur certains points étaient palpables.
Pour certains élus de banlieues, ces phénomènes de radicalisation n’ont « rien de nouveau ». « Dans nos banlieues, la radicalisation s’est installée depuis 10 ans », selon Jacqueline Eustache-Brinio, la maire de Saint-Gratien (Val-d’Oise), qui regrette que l’Etat ait trop longtemps regardé comme des « fous furieux »  les maires qui l’alertaient sur ces questions. Son collègue de Sarcelles, François Pupponi, s’est dit « fatigué et déçu » : « On revit aujourd’hui ce que l’on a vécu sur la prévention de la délinquance il y a vingt ans. L’Etat n’a toujours pas compris que ce problème, nous le réglerons ensemble, ou pas ». Or, si l’Etat renforce ses dispositifs, qu’il décline au niveau des départements ou des communes (comme en ajoutant la prévention de la radicalisation aux missions des conseils locaux de prévention de la délinquance), les écarts entre la théorie à la pratique sont parfois frappants. Comme lorsque François Pupponi explique qu’il n’a toujours pas été contacté par la préfecture de son département à propos d’une cellule sur la prévention de la radicalisation.
Le chargé de mission auprès du Comité interministériel de la prévention de la délinquance et la radicalisation (CIPDR) a reconnu d’une certaine façon le caractère parfois laborieux de ce partenariat, lorsqu’il a donné le nombre de départements dans lesquels les communes ont été effectivement impliquées (soit dans des cellules de suivi soit sur le repérage et la prise en charge de personnes radicalisées) : 37, sur les 101 départements français. À peine un tiers donc. Cet exemple illustre une fois « l’isolement des maires, confrontés à un problème qui les dépasse »  selon les mots de la sénatrice de l’Orne, Nathalie Goulet. L’élue n’a pas été tendre vis-à-vis de l’Etat, incapable selon elle d’apporter des réponses plus concrètes aux élus locaux. Les maires n’ont pas été moins directs, en demandant aussi des actes plus concrets. Certains ont ainsi suggéré que des rencontres soient formalisées et donc rendues obligatoires aux services de l’Etat, seul moyen pour faire vivre ce partenariat, éviter que les informations récupérées au quotidien ne se perdent et obtenir qu’elles circulent partout dans les deux sens. Les maires ont précisé qu’ils ne demandaient pas le partage absolu des informations (et notamment de connaitre les habitants fichés S), mais qu’ils attendaient « une circulation de l’information rigoureuse ». Autre inquiétude exprimée : celle des moyens. Ceux-là même dont les élus ont besoin pour mener les actions qu’ils ont déjà engagées ou qu’ils projettent. De la formation des élus et celles de leurs agents à la détection des facteurs de radicalisation ou la mise en place de structures expérimentales d’accompagnement de jeunes repérés. Là encore, le sentiment latent des élus est que les moyens sont en décalage avec la réalité des besoins.
E.S.
Voir l'Interview de Nathalie Goulet sur la WebTV du Congrès.

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