Maire-info
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Édition du mercredi 28 avril 2021
Terrorisme

Ce que contient le nouveau projet de loi sur le terrorisme et le renseignement

Le gouvernement va présenter aujourd'hui, en Conseil des ministres, un nouveau projet de loi antiterrorisme. Il s'agit, pour l'essentiel, de faire passer dans le droit commun des mesures qui, jusqu'à présent, n'étaient possibles que pendant l'état d'urgence. 

Par Franck Lemarc

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Le gouvernement l’affirme : c’est un hasard du calendrier si ce texte est présenté quelques jours après l’assassinat d’une fonctionnaire de police, à Rambouillet (Yvelines). Le texte était en préparation depuis plusieurs mois et il doit, de toute façon, être adopté avant la fin juillet : en effet, c’est à cette date que les mesures anti-terroristes actuellement en vigueur arriveront à échéance. Explications. 

Pérennisation des mesures d’exception

Depuis les attentats de 2015, les lois visant à lutter contre le terrorisme se sont succédé. Pendant deux ans, le pays a vécu sous le régime d’exception de l’état d’urgence et parallèlement, les gouvernements successifs ont fait adopter des lois durcissant l’arsenal juridique sur ce sujet : texte relatif à la prévention des actes terroristes dans les transports en mars 2016, loi contre le financement du terrorisme en juin 2016, loi permettant la fermeture des lieux de culte où se produisent des incitations à la violence, après l’attentat de Nice en juillet 2016… Après l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, l’exécutif a souhaité intégrer un certain nombre de mesures permises par l’état d’urgence au droit commun, avec la loi Silt (sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme), votée le 30 octobre 2017. Cette loi a intégré dans l’arsenal législatif des mesures telles que l’instauration des périmètres de sécurité par les préfets, dans lesquelles la circulation est réglementée, la fermeture de certains lieux de culte, ainsi que les fameuses « Micas », les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance – équivalentes aux assignations à résidence utilisées pendant l’état d’urgence. Enfin, cette loi autorise les visites domiciliaires chez toute personne pour laquelle il existe « des raisons sérieuses »  de croire qu’elle est liée à une action terroriste. 
Les mesures contenues dans la loi Silt, si elles pouvaient s’exercer en dehors de l’état d’urgence, n’étaient pour autant pas pérennes : elles ne pouvaient s’appliquer que jusqu’au 31 décembre 2020. À l’été 2020, le gouvernement a proposé de prolonger le dispositif d’un an (jusqu’à la fin 2021, donc), mais le Parlement l’a refusé, et l’application de la loi Silt n’a été autorisée que jusqu’en juillet 2021. 
Le gouvernement souhaite donc que d’ici là, une nouvelle loi, cette fois pérenne, soit adoptée, et inscrive de façon définitive ces mesures dans la loi. 

Dépendances des lieux de culte

C’est l’objet du texte qui va être présenté ce matin, baptisé projet de loi Patr (relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement). La version que Maire info a pu consulter comporte une vingtaine d’articles qui, pour l’essentiel, modifient le Code de la sécurité intérieure. 
Le texte aborde dès le début la question des lieux de culte, en autorisant la fermeture des dépendances de ces lieux : « Peuvent également faire l’objet d’une mesure de fermeture (…) des locaux dépendant du lieu de culte dont la fermeture est prononcée (…) et dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient utilisés aux mêmes fins pour faire échec à l’exécution de cette mesure ». 
Une large partie du texte est consacrée à la pérennisation des mesures de la loi Silt, en en durcissant certaines. Par exemple, les personnes condamnées à au moins cinq ans ferme pour terrorisme pourraient faire l’objet de « contraintes administratives »  pendant deux ans après leur sortie de prison, contre un an actuellement. 
Le gouvernement souhaitait changer la loi pour alléger les contraintes permettant les visites domiciliaires, mais le Conseil d’État ne l’a pas accepté. 

Renseignement

La seconde partie du projet de loi a trait au renforcement des mesures de surveillance et de renseignement, notamment sur Internet. Il s’agit, comme l’a expliqué le ministre de l’Intérieur lui-même, dimanche, dans la presse, de pérenniser les « boîtes noires »  mises en place à titre expérimental en 2017. Installées chez les fournisseurs d’accès internet, ces « boîtes noires »  ont pour rôle de collecter ce que l’on appelle les « métadonnées »  des usagers : en termes simples, disons qu’elles n’ont pas accès au contenu des messages échangés, mais des renseignements connexes : qui envoie un message, depuis quel endroit, à quelle heure, et surtout vers où. L’idée est de pouvoir repérer, par exemple, un internaute qui serait en contact régulier avec telle zone géographique – la Syrie par exemple. Ces données seraient traitées par des algorithmes, c’est-à-dire des programmes automatiques chargés de réagir à certains signaux et d’alerter les services de renseignement en cas de problème.
Les adversaires de ce dispositif pointent, au nom de la défense des libertés individuelles, le fait que ces algorithmes seront classés secret défense, ce qui implique qu’il sera impossible de connaître la façon dont ils sont programmés ni le degré de surveillance qu’ils impliqueront. Gérald Darmanin, dans son interview, a balayé les critiques à ce sujet en fustigeant la « naïveté »  des adversaires du système et en déclarant que « toutes les grandes entreprises utilisent des algorithmes », et qu’il n’y a donc pas de raison que « seul l’État »  n’en utilise pas. Cela n’empêchera pas le débat sur ce sujet sensible, très certainement, d’être vif au Parlement. 

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