Malgré des « efforts », l'ANCT reste « difficilement accessible » aux élus des petites communes
Par A.W.
Du mieux mais encore des marges de progression non négligeables. Un an et demi après la publication d’un premier bilan très critique sur l'action de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), l’établissement qui fête ses cinq ans a déjà tenté de redresser la barre, selon les conclusions d'un nouveau rapport.
C’est ce que constate la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales du Sénat, à l’origine du premier travail sur le sujet. Selon elle, la moitié de ses recommandations ont ainsi été « suivies d'effets », mais « l'autre moitié a connu un sort plus varié ».
Bilan négatif en 2023
Des conclusions – tout juste publiées – qui datent, toutefois, déjà un peu puisqu’elles ont été rendues en novembre dernier.
Pour rappel, dans son premier bilan, la délégation aux collectivités territoriales du Sénat demandait d’améliorer sérieusement une agence « mal connue » et « mal comprise » par les élus. Un comble pour un organisme censé « faciliter l'accès des collectivités locales aux ressources nécessaires pour concrétiser leurs projets », comme il l’explique sur son site internet.
L'agence était ainsi majoritairement perçue comme « inadaptée », « inefficace » et « bureaucratique ». Les résultats de l’enquête menée en 2023 par les sénateurs Charles Guené et Céline Brulin auprès des élus et de leurs associations n’étaient donc franchement pas rassurants pour l’agence.
Plus de la moitié des élus avouaient ne même pas connaître l’ANCT, les trois quarts n’y ayant jamais fait appel. Les élus auditionnés avaient ainsi été « majoritairement critiques sur l’action de l’ANCT », celle-ci « ignor[ant] les dynamiques locales », manquant de dialogue et restant éloignée de la promesse de simplification dans les démarches. Les élus assuraient avoir « le sentiment de complexité, de lourdeur et de bureaucratie » sur toutes les missions de l’agence.
Un nombre réduit de collectivités bénéficiaires
« Dix-huit mois plus tard [en novembre dernier donc, date du dépôt du rapport], si des progrès ont été constatés en matière de rapprochement de l’agence avec les élus locaux ainsi que de remobilisation des préfets, l’offre de l’agence bénéficie toujours à un nombre réduit de collectivités et peine à atteindre les élus des communes de petite taille », constatent les deux rapporteures, Sonia de La Provôté et Céline Brulin, de ce nouveau bilan.
Celles-ci déplorent, en effet, le fait que « les dispositifs de l’agence se concentrent sur un nombre réduit de collectivités ». « À titre d’exemple, le programme Action cœur de ville (ACV) concerne 244 villes-moyennes, le programme Petites villes de demain (PVD) concerne 1 644 territoires regroupant des communes de moins de 20 000 habitants, et 2 458 communes sont labélisées villages d’avenir (VA). Il en est de même avec les prestations d’ingénierie sur mesure », détaillent-elles avant de conclure que « le nombre de collectivités soutenues reste modeste, en rapport avec le budget de l’agence qui représente environ 200 millions d’euros » et le nombre de communes et d’EPCI français.
Reste que l’agence a pris plusieurs initiatives afin de se rapprocher des élus, telles qu’une « présence systématique aux congrès des associations nationales d’élus et à certains congrès départementaux », de multiples déplacements de sa direction dans toute la France, mais aussi l’organisation de « nombreux forums locaux d’ingénierie » ainsi que des deux premières éditions de « l’ANCTour ».
Cet événement conçu pour « faire découvrir les solutions concrètes que propose l’ANCT » aux collectivités, élus, associations ou encore aux porteurs de projets locaux fera d’ailleurs halte, cette année, le 3 juin, à Dijon, ville du ministre de l’Aménagement des territoires, François Rebsamen.
Ingénierie locale : des progrès à consolider
Pour ce qui est de la remobilisation des préfets en tant que délégués territoriaux de l’agence (autre point critiqué en 2023), les sénatrices constatent qu’une circulaire interministérielle leur a été adressée depuis et que le nombre de chargés de mission territoriaux a été doublé, conformément aux recommandations de la délégation.
Si les rapporteures s’en félicitent, elles estiment néanmoins qu’il « n’est pas normal » que l’inventaire de l’ingénierie – l’une des missions premières de l’agence – « ne soit pas encore achevé dans tous les départements ». Elles constatent, en outre, que, bien que minoritaires, « certains préfets ne se sont toujours pas appropriés leur rôle de délégué territorial, n’ont pas communiqué d’information particulière sur l’agence, voire n’ont pas réellement mis en place d’instance de dialogue avec l’ingénierie locale ».
Alors que la circulaire demande notamment aux préfets de mettre en place un guichet unique local d’ingénierie, Sonia de La Provôté et Céline Brulin « s’interrogent sur la pertinence de cette mesure dans les départements où les circuits fonctionnent ». « Centraliser les demandes et donner aux services de l’État le rôle d’"aiguilleurs" ne semble pas forcément une solution optimale et risque même de perturber des fonctionnements établis », pointent-elles.
Et si, de manière générale, l’agence a amélioré son offre d’ingénierie, les sénatrices considèrent qu’elle « contribue très peu à renforcer les acteurs de l’ingénierie locale ». Les montages permettant le soutien direct à des structures locales sont ainsi « encore trop rares », selon les rapporteures alors même que « l’accès au marché d’ingénierie nationale de l’ANCT reste difficile pour les petites structures, sauf à se constituer en groupements ». Plus de la moitié des prestataires retenus par l’agence avaient notamment leur siège social en Île-de-France.
La recherche d’une meilleure cohérence dans l’action des opérateurs publics reste, en outre, « partielle ». Déplorant le caractère parfois confus des interventions des différentes agences de l’État en matière d’ingénierie, le rapport fait remarquer que « jusqu’à cinq opérateurs sont compétents sur un même sujet ». De quoi y voir « un signe inquiétant de dispersion de compétences, voire de doublons et peut être même de concurrence ».
Bien que l’évolution des contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE) – qui permettent d’identifier les projets locaux nécessitant un accompagnement financier et en ingénierie – aille « dans le sens préconisé par la délégation, la mise en cohérence de l’action des opérateurs de l’État reste perfectible », selon les rapporteures qui mettent en avant un autre « point de vigilance très fort » : « la pérennisation des crédits de l’agence face au contexte budgétaire contraint ».
Á noter que Sonia de La Provôté et Céline Brulin plaident pour une pause dans le développement des missions de l’agence pour lui laisser le temps de s’adapter et de conforter ses missions actuelles.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2

Carte scolaire : l'État s'engage à associer les maires en amont de toute évolutionÂ
Au Sénat, un nouveau pas vers un élargissement des compétences des infirmiers
Santé : la Défenseure des droits dénonce des discriminations graves dans les parcours de soins
