Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 30 novembre 2018
Départements

Fonds de péréquation entre départements : une parité État-départements en trompe-l'oeil

L’Assemblée des départements de France a adopté avant-hier, lors d’un bureau « élargi à l’ensemble des présidents »  de départements, le principe d’un fonds de solidarité entre départements. Une position qui a provoqué un clivage entre les élus de l’association, mais qui a été saluée par le gouvernement – qui avait proposé cette solution. Il y a pourtant une différence sérieuse d’interprétation entre l’association, d’un côté, et le ministère de Jacqueline Gourault, de l’autre.
Seule certitude : l’AdF a adopté le principe d’une nouvelle « péréquation horizontale »  entre départements, à hauteur de 250 millions d’euros, qui seront pris « sur leurs fonds propres ». Au sortir de cette réunion, l’association a publié un communiqué dans lequel elle se félicite d’avoir « relevé le défi de créer un fonds de solidarité entre départements, démontrant ainsi leur rôle exemplaire afin que la France soit plus solidaire et moins inégalitaire ». Elle demande en revanche que « le gouvernement suive cet exemple » : puisque « les départements vont contribuer par leurs propres ressources à 250 millions d’euros en péréquation horizontale, il est indispensable que l’État contribue également pour 250 millions par la péréquation verticale, au lieu des 115 millions seulement annoncés ». Il serait en effet « paradoxal », ajoute l’association, que « le créancier local paye plus que le débiteur national ».
Sauf que lorsqu’on lit le communiqué publié hier par les ministres chargés des Collectivités territoriales, Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu, le son de cloche n’est pas du tout le même ! Là où l’AdF exige un effort financier équivalent du gouvernement, celui-ci se félicite précisément… d’apporter cet effort équivalent : les ministres saluent en effet un « fonds de solidarité entre les départements de 250 millions d’euros, complétant l’aide nouvelle apportée par l’État pour un montant équivalent en 2019 ». Plus loin, le gouvernement évoque une somme « paritaire avec le soutien financier direct de 250 millions d’euros proposé par le gouvernement ».

Recyclage
Il semble bien y avoir un petit tour de passe-passe du gouvernement lorsque celui-ci parle d’un effort « paritaire ». En effet, si celui-ci met bien sur la table 250 millions d’euros, il s’agit pour partie de sommes déjà budgétée depuis longtemps et non de ressources nouvelles : les 250 millions d’euros se composent en effet, d’une part, de 115 millions d’euros au titre d’un « fonds de stabilisation destiné à soutenir financièrement les départements en difficulté », ce qui est bien une nouveauté ; et, d’autre part, de 135 millions venant d’un « fonds de lutte contre la pauvreté »  déjà annoncé par la ministre de la Santé et des Solidarités, Agnès Buzyn, dans le cadre du plan pauvreté. Le total fait bien 250 millions, mais, on le voit, plus de la moitié de cette somme est un recyclage de fonds déjà promis et censés servir à autre chose. Les départements sont donc dans le vrai lorsqu’ils disent que le gouvernement ne met sur la table que 115 millions d’euros nouveaux. « L’argent du plan pauvreté, ça n’a rien à voir !, s’insurge ce matin André Viola, président du département de l’Aude, joint par Maire info. D’autant plus que c’est un fonds ouvert à d’autres collectivités : les métropoles et les communes peuvent y recourir. » 
L’AdF demande donc non seulement que cette somme soit portée à 250 millions d’euros, mais aussi que les départements puissent trouver des ressources nouvelles en augmentant de 0,2 point les DMTO (droits de mutation à titre onéreux). Ce que le gouvernement, pour l’instant, refuse.
C’est la raison pour laquelle les élus de gauche de l’AdF (33 présidents de départements sur 96) ont refusé de voter le dispositif adopté. Dans un communiqué intitulé « Halte à la mascarade ! », ceux-ci expliquent leur abstention par le fait que « les conditions sont loin d’être remplies »  pour une vraie négociation avec l’État : « La main tendue du gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux », estiment-ils, car sans soutien suffisant de l’État et sans possibilité de recettes supplémentaires, « le gouvernement se désengage encore un peu plus de ses responsabilités »  – à un moment où, depuis des mois, l’AdF dénonce l’absence de compensation par l’État des dépenses sociales des départements.
De leur côté, Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu se félicitent de « la reprise du dialogue en confiance entre l’État et les départements, dans le prolongement des échanges lors du Congrès de l’AdF ».
F.L.



L’interview de Dominique Bussereau, président de l’AdF, par Maire info au congrès de l’AMF.

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