Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 24 mai 2017
Télécommunications

L'objectif européen du Gigabit pour tous en 2025 est-il tenable ?

La Commission européenne a adopté en septembre 2016 un nouvel agenda en matière de numérique : « la société du gigabit »  pour tous d'ici 2025. C'est autour de cette ambition qu'était organisé hier à Paris le colloque de l'Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel), occasion pour l'association de présenter les attentes des collectivités investies dans les réseaux d'initiative publique (RIP) à l'égard du nouvel exécutif.
La stratégie européenne prévoit de relier tous les pôles d’activité sociaux-économiques à une infrastructure permettant un débit d'un gigabit par seconde. Pour les particuliers, il ambitionne un minimum de 100 Mbit/s pour tous - contre 30 Mbit/s dans le plan français - en zone rurale comme urbaine, via une technologie permettant d’évoluer vers le gigabit. Enfin, la Commission souhaite accélérer dans le domaine de la téléphonie 5G et propose au moins une grande agglomération 5G dans chaque pays d’ici 2020.
Atteindre ces objectifs est un vrai défi pour la France qui part de loin : en 2016, elle se situe en 27è position (avant-dernière) pour la part de la population raccordée en connexions très haut débit (plus de 30 Mbit/s) et en 24è position pour la couverture en téléphonie 4G. Avec, comme l'a souligné l'Avicca, un fossé croissant entre les zones urbaines et les campagnes : 66% des territoires urbains ont accès à 30 Mbit/s (54% à 100 Mbit/s) contre 31,2% pour les territoires ruraux (5,5% à 100 Mbit/s).
Face à ce constat, Antoine Darodes, directeur de l'agence du numérique a souhaité « regarder le verre à moitié plein ». Il a souligné les avancées du plan France très haut débit qui se traduit par l'accélération de la livraison de prises optiques « raccordables »  (8 millions de prises, 10 000 livraisons / jour), la montée en puissance des RIP (plus d'un million de prises livrées) et l'ajout d'un volet téléphonie mobile au plan gouvernemental. « On peut désormais affirmer que le très haut débit va arriver et ce n'est qu'une question de délai. Toute la difficulté est de gérer la transition en proposant des solutions d’attente qui ne retardent pas l'arrivée de la fibre », a estimé le haut fonctionnaire.
Pour Patrick Chaize, sénateur-maire de Vonnas (Ain), président de l'Avicca, « le gigabit pour tous n'est pas hors de portée mais suppose des moyens supplémentaires et de tenir les objectifs intermédiaires ». Il s'est ainsi étonné de constater que les zones préemptées par les opérateurs (zones AMII - appel à manifestation d’intérêt à investir, 2011), supposées rentables, soient aussi mal couvertes aujourd'hui, avec plus de 5 millions de locaux « gelés », c’est-à-dire programmés par les opérateurs mais non raccordables. « L'extension des zones AMII serait une véritable déclaration de guerre : il faut que les opérateurs commencent par achever ce sur quoi ils se sont engagés », a-t-il mis en garde. Côté RIP, si les travaux et livraisons de prises s’accélèrent, l’absence des grands opérateurs intégrés sur les réseaux qu'ils n'ont pas construits est toujours préjudiciable, l'association notant même une diminution du taux de mutualisation (nombre d’opérateurs par RIP) sur un an. Enfin, en matière de téléphonie mobile, l'Avicca a appelé à ce que les territoires ne revivent pas avec la 5G ce qui s'est passé avec les technologies précédentes : « il n'est pas question que les collectivités suppléent aux opérateurs et il ne doit pas y avoir plus de 5 ans entre les premiers déploiements de la 5G et sa généralisation ».
Autant de sujets sur lequel le nouveau gouvernement est attendu. Patrick Chaize a appelé à engager rapidement un chiffrage du « gigabit pour tous », objectif pour lequel de nouveaux financements seront indispensables. Selon l’agence du numérique il manquerait d’ores et déjà entre 10 et 12 milliards d’euros pour achever la couverture FTTH en se fondant sur les projets actuels. Pour garantir une pérennité des financements, le président de l’Avicca a réitéré l’idée de taxer le réseau cuivre (ADSL) pour financer les réseaux optiques et d'utiliser le levier du renouvellement des licences mobiles pour renforcer les obligations de couverture des opérateurs en zone rurale. Il a également demandé le maintien des aides européennes FEDER pour venir en soutien aux territoires ruraux qui supportent les plus lourds investissements.
O.D.
Accéder au site de « la société du Gigabit ».

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2