Maire-info
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Édition du lundi 22 novembre 2021
Finances locales

Taxe foncière : Christine Pires Beaune dénonce « un transfert de richesse fiscale de la ruralité vers les zones urbaines »

La députée du Puy-de-Dôme critique un « effet collatéral » de la réforme de la taxe d'habitation sur la taxe foncière, qui serait lié au mécanisme de compensation. « Les territoires les moins favorisés ne peuvent compenser l'annulation de TH aux habitants des beaux quartiers », s'indigne-t-elle.

Par A.W.

C’est un « scandale », un « hold-up à bas bruit »  à en croire la députée socialiste du Puy-de-Dôme, Christine Pires Beaune. Depuis plusieurs semaines, l’élue auvergnate ne cesse de dénoncer les « effets collatéraux »  du mécanisme de compensation de recettes aux communes institué dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation. 

Celui-ci créerait une « solidarité à l’envers »  et entraînerait « un transfert de fiscalité des départements les moins peuplés aux revenus les moins élevés vers les départements les plus peuplés aux revenus les plus élevés ».

Des transferts depuis le Puy-de-Dôme, la Creuse, le Gers...

« Nous sommes en train d’organiser à l’échelle nationale un transfert de richesse fiscale de la ruralité vers les zones urbaines », estime-t-elle en s’appuyant sur une étude de l’Institut des politiques publiques paru l’an passé et qui annonçait déjà ces transferts « vers des communes en moyenne plus urbaines où le pouvoir d’achat des résidents est plus important ».

Rien de nouveau en somme, si ce n'est que cette prévision devient réalité pour de nombreux élus qui observent les effets du fameux « co-co »  (coefficient correcteur) sur leur territoire. « Concrètement, cela veut dire, par exemple, que 35 millions d’euros de la taxe foncière payée par les entreprises et les ménages du Puy-de-Dôme vont partir ailleurs. Cela veut dire que 11 millions d’euros de taxe foncière en Lozère, 9,5 millions payés en Creuse, 24 millions payés en Corrèze, 28 millions payés dans le Tarn-et-Garonne [ou encore] 23 millions dans le Gers vont profiter à des communes d’autres départements plus riches », a réprouvé l’élue, la semaine dernière, lors des questions au gouvernement.

« Qui en profite ? Eh bien, par exemple, les communes de la métropole lyonnaise : le département du Rhône va percevoir à titre de compensation 180 millions d’euros et cerise sur le gâteau les communes des Hauts-de-Seine vont percevoir 351 millions d’euros ! », s’est étranglée la députée du Puy-de-Dôme. « Les territoires les moins favorisés ne peuvent compenser l’annulation de TH aux habitants des beaux quartiers. Neuilly-sur-Seine va être compensée à hauteur de 8 millions d’euros, quand Montauban va transférer 9 millions. C’est un véritable hold-up ! », a-t-elle estimé.

Un phénomène qui pourrait s’aggraver

D’autant que les conséquences de ce dispositif ne devraient « pas s'arranger » puisque la taxe d’habitation doit encore être supprimée aux 20 % des habitants aux revenus les plus élevés, ces derniers résidant « dans les métropoles », a-t-elle expliqué, lors de sa visite au Congrès des maires. 

Dans son étude, l’Institut des politiques publiques estimait ainsi que, « en agrégé, ces transferts et contributions représentent 9 % du produit total de TFPB et impliquent une baisse non négligeable de la territorialité de cet impôt ».

Un phénomène « pas très vertueux pour la territorialisation de nos finances », a également regretté le président de l’Association des maires de Tarn-et-Garonne et maire de La Salvetat-Belmontet (Tarn-et-Garonne), Bernard Pezous, à l’occasion du débat sur les finances locales du Congrès des maires. 

« Pas de faille majeure », selon Joël Giraud

Si le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, a assuré que ce système de compensation est « juste et dynamique », lors des questions au gouvernement, le secrétaire d'État à la Ruralité, Joël Giraud, a été plus disert, il y a un mois, à l’occasion de son interpellation - toujours par Christine Pires Beaune – lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2022.

A ses yeux, « il est un peu trop schématique de prétendre que ce système amène des communes rurales pauvres à transférer des recettes de TFPB à de grandes communes riches », rappelant que « des villes comme Toulouse, Le Mans, Nancy ou Courbevoie en reversent chaque année ». Il a également rappelé que « près de 6 800 communes, dont 96 % comptent moins de 1 000 habitants », bénéficient du dispositif visant à ne mettre en place aucun prélèvement lorsque le transfert de TFPB ne dépasse pas 10 000 euros. Enfin, dans les départements ruraux ayant historiquement adopté des taux élevés de TFPB pour compenser la faiblesse de leurs bases fiscales, « le conseil départemental reçoit un montant de TVA par habitant plus élevé que dans les départements où les taux étaient plus bas ».

« La solidarité nationale joue dès lors dans les deux sens et bénéficie également aux territoires ruraux », a assuré Joël Giraud, ne discernant donc « pas de faille majeure dans le dispositif élaboré en 2020 ». 
 

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