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Édition du lundi 24 avril 2023
Finances locales

Subventions d'investissement : La Banque postale pointe des aides « de plus en plus orientées »

Afin de trouver « un équilibre » entre les aides relevant de thématiques spécifiques et « le financement indifférent des compétences locales », la banque publique estime nécessaire « une refonte des dispositifs de péréquation ».

Par A.W.

Dans sa dernière étude consacrée aux subventions d’investissement perçues par les collectivités locales, La Banque postale rappelle « l’importance significative des subventions dans le plan de financement des investissements publics locaux », notamment du bloc communal, tout en constatant « le développement manifeste d’une forme de pilotage des choix territoriaux par les financeurs externes ».

Plus de 16 milliards d’euros de subventions

« Éléments incontournables du financement des équipements locaux », les subventions d’investissement reçues par les collectivités locales et leurs groupements s'élevaient en 2021 à 16,6 milliards d’euros et provenaient de l’État, des collectivités territoriales et de l’Union européenne.

Dans le détail, 21 % de ces « financements externes »  proviennent du FCTVA, 19 % des subventions des collectivités elles-mêmes, 15 % de celles de l’Etat et 9 % de celles de l’UE. A cela s'ajoutent notamment les dotations d’équipements de l'Etat (DETR, Dsil…) qui représentent 6 % des financements externes.

Les auteurs de l’étude relèvent ainsi que, depuis 2010, les subventions en provenance de l’État ont progressé et sont restées les plus importantes (4,3 milliards d’euros en 2010 et 6,1 milliards d’euros en 2021).

Cette tendance se confirme également au regard des aides perçues par les communes depuis 1989. Si la structure de leur panier de ressources a, dans l’ensemble, été « peu modifiée », « le changement le plus prégnant est la hausse de la part étatique, qui il y a 30 ans était inférieure à celle des départements ». Ces derniers se sont donc « progressivement dégagés de leur rôle de premiers financeurs des communes au profit de l’État, marquant une tendance à une certaine recentralisation des aides », observent-ils

Dans le détail, l’État et les régions subventionnent davantage les projets des groupements à fiscalité propre, alors que les départements privilégient les communes. Mais l’État reste bien le plus gros financeur des communes en amenant 6,9 % du montant des subventions, sur la période 2015 à 2021, suivi par les départements à hauteur de 5,8 %, puis par les régions (3,2 %).

Si « la stabilité de ces ressources depuis 30 ans peut être rassurante », elle est aussi une « source d’inquiétude »  compte tenu d’une « interdépendance forte qui peut toujours être remise en cause », explique La Banque postale, la part décroissante du soutien régional et départemental illustrant ce phénomène d’interdépendance financière existant entre les différents niveaux de collectivités locales. « Ainsi, les départements ont diminué leurs aides financières, notamment au bloc communal, de façon continue de 2010 à 2017, en période de contrainte budgétaire accrue (gel puis baisse des dotations notamment), ces subventions faisant office de variable d’ajustement », rappellent les auteurs de l’étude.

Le transport en hausse, la voirie et le social en baisse

On peut noter que, pour l’année 2021, la plus grande partie des aides de l’État a été accordée à l’enseignement et la formation (28 % des aides étatiques), celle des régions et des départements à la culture, au sport et à la jeunesse (respectivement 22 % et 20 %), tandis que celle du bloc communal a été destinée à l’aménagement des territoires et à l’habitat (25 %).

Et si, globalement, les subventions ont légèrement progressé depuis 2015, les auteurs de l’étude constatent des évolutions par domaine assez disparates.

Dans le détail, ce sont les aides concernant les interventions sociales et la santé qui ont le plus baissé (- 0,8 % en moyenne annuelle), « malgré les trois dernières années en croissance par rapport aux trois précédentes ». De la même manière, les subventions pour la voirie ont atteint un niveau juste en dessous de celui de 2015 (- 0,2 % en moyenne annuelle) du fait d’une baisse depuis deux exercices.

À l’inverse, les aides destinées aux transports ont connu la plus forte augmentation avec une progression de 10,1 %, en moyenne annuelle, sur la même période. En parallèle, « les aides en lien avec l’action économique ont augmenté de 1,3 % en moyenne annuelle, celles relatives aux services généraux de 2,5 %, celles pour la culture, le sport et la jeunesse et pour l’aménagement des territoires et l’habitat, respectivement de 3 % et 3,2 %, enfin le soutien à destination de l’enseignement et de la formation affiche + 5,4 % de hausse moyenne annuelle ».

Un fléchage de plus en plus marqué

Reste que ces aides, bien que susceptibles de financer des investissements liés à toutes les politiques publiques, sont « de plus en plus orientées sur des projets sélectionnés en fonction de thématiques prioritaires, et dont les dispositifs d’attribution n’ont cessé de se complexifier ». 

Et la Banque postale d’expliquer que « les dotations d’investissement de l’État ont progressivement évolué en un système de subventions de projets sélectionnés par les préfets en fonction des priorités thématiques fixées par l’État : qu’il s’agisse de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ou de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), destinées aux projets communaux et intercommunaux, de la dotation politique de la ville (DPV) pour les communes ayant des quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou de la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) ».

« Pour l’État, les subventions et les dotations orientent les investissements des collectivités vers ses politiques publiques »  et lui permettent de « diffus[er] la stratégie des politiques nationales comme aujourd’hui la rénovation des bâtiments et la baisse de la consommation énergétique », observe, en préambule de l’étude, Christophe Jerretie, président du Comité d’orientation des finances locales de la Banque de financement et d’investissement.

Par exemple, si la Dsil et la DETR permettent d’inciter et de favoriser l’investissement local, en particulier dans les plus petites communes, « elles sont aussi et de plus en plus un outil d’orientation des investissements en faveur de projets ciblés, qui varient en fonction des priorités annuelles définies au niveau national, telle que la transition énergétique ». Ainsi, il est désormais possible de moduler les taux de subventionnement pour la DETR et la Dsil en fonction du caractère écologique des projets et au moins 25 % des subventions attribuées au titre de cette dernière devront désormais concourir à la transition écologique des territoires. Sans compter le « fonds vert »  qui vise à subventionner des investissements favorisant la performance environnementale, l’adaptation au changement climatique et l’amélioration du cadre de vie de toutes les collectivités.

« Autre tendance qui s’est accrue ces dernières années », le fléchage des subventions sur des actions contractualisées avec l’État, telles que les contrats de plan État-Région (CPER), les contrats de villes, les contrats de ruralité et les contrats de relance de transition écologique (CRTE) mis en place pour le mandat 2020-2026, censés regrouper l’ensemble des programmes lancés par l’État (« Action cœur de ville », « Petites Villes de demain », « Territoires d’industrie »...)

Christophe Jerretie rappelle, toutefois, que « cette évolution est également celle des départements et des régions, qu’ils agissent comme « chefs de file thématiques »  ou comme acteurs essentiels de la solidarité territoriale ». 

« Refonte des dispositifs de péréquation » 

Reste que « ce fléchage de plus en plus marqué des dotations peut nuire à la capacité d’action des collectivités dont les priorités peuvent en différer, notamment en raison des caractéristiques économiques et sociales de leur territoire », estime La Banque postale, qui souligne que « le concours des collectivités locales à la vie quotidienne (...) passe par une multiplicité d’interventions qui [sont du ressort de] leur libre administration »  et ainsi de la mise à disposition de « ressources libres d’emploi ».

Pointant « la diminution progressive, au fil du temps, de la fiscalité localisée et maîtrisable comme des dotations globalisées », la banque assure que, « en contraignant la détermination de l’épargne brute, elle rend malaisé l’usage de celle-ci pour le financement du patrimoine public, alors même qu’un euro de celle-là permet trois euros de celui-ci ». Et les auteurs de l’étude de rappeler que « l’effet de levier (...) est bien supérieur à celui de certaines subventions d’investissement qui peuvent atteindre jusqu’à 80 % du montant hors taxes d’un projet déterminé ».

Afin de trouver « un équilibre optimal entre les aides dédiées, relevant de thématiques spécifiques, et le financement indifférent des compétences locales, visant à l’équilibre territorial », ils concluent que cela devra passer « nécessairement par une refonte des dispositifs de péréquation... » 

Télécharger l’étude.


 

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