Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 24 octobre 2019
Sports

Agence nationale du sport : le rétropédalage des députés qui coûte cher aux territoires

Oui mais… non. Les députés ont, dans la même journée, voté en faveur d’un déplafonnement de la taxe sur les paris sportifs. Avant de rétropédaler dans la nuit, à la demande de Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. Un revirement intervenu lundi, dans une ambiance électrique, lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2020, qui coûte cher à l’Agence nationale du sport (ANS) : le déplafonnement de cette taxe aurait pu gonfler son budget de 15 millions d’euros et financer ainsi des projets de construction ou de modernisation d’équipements sportifs dans les territoires.

Le premier round pour les députés
La séquence se déroule dans la seule journée de lundi. Pour « conforter la modernisation du mouvement sportif et aider les collectivités locales à investir dans les équipements des clubs », Jean-Jacques Gaultier, député Les Républicains des Vosges, a présenté, au cours de l’examen du PLF pour 2020, un amendement visant à augmenter de 40 % le plafond de la taxe de 1,8 % sur les paris sportifs, sur les sommes misées sur les jeux (Française des jeux) ainsi que sur la cession des droits de diffusion (taxe Buffet). Objectif : porter le montant perçu par l’ANS à 49,6 millions d’euros au lieu de 34,6 millions d’euros aujourd’hui, soit une augmentation de 15 millions d’euros. Et ce en « affectant aucunement »  les recettes de l’État. « Les activités qui génèrent ces taxes [étant] en pleine expansion ces dernières années » : le montant des paris sportifs « dépasse les 6 milliards d’euros », les droits sur la retransmission télévisée du football « seront supérieurs à 1 milliard d’euros à partir de 2020 », conclut l’ancien maire de Vittel (Vosges).
François Cormier-Bouligeon, député La République en marche du Cher et co-auteur d’un rapport « visant à faire de la France une vraie nation sportive »  remis au Premier ministre en février 2019 (lire Maire info du 22 mars), appuie la démarche de son homologue des Vosges. Dans un amendement, qu’il a signé avec onze autres députés de la majorité, il écrit que « les taxes [citées plus haut] produiront 420 millions d’euros, dont 146 millions seulement iront au sport, le reste revenant au budget général ». L’amendement vise donc à « rééquilibrer ce partage, en relevant le plafond de façon mesurée : nous proposons que 200 millions soient affectés au sport et 220 millions au budget général », a terminé le député de la majorité, très sévère, par ailleurs, à l’égard du budget alloué au ministère des Sports (lire Maire info du 30 septembre). En hausse de 9,8 % sur le papier, « la totalité de sa progression est fléchée vers la Société de livraison des ouvrages olympiques, la Solideo, c’est-à-dire la construction d’équipements sportifs et non sportifs très majoritairement situés en Île-de-France. Pour nos territoires, il n’y a rien, ou si peu ! » 

Une seconde délibération nocturne qui change tout  
« J’appelle la majorité à être cohérente avec son vote qui a créé l’Agence nationale du sport », a alors répliqué Gérald Darmanin à François Cormier-Bouligeon. Le ministre affirmant que « les fonds collectés au-delà des plafonds des taxes affectées, qui vont au budget général, servent aussi à financer, par exemple, la revalorisation des bases de la taxe d’habitation votée par la majorité et une partie de l’opposition, soit 200 millions d’euros supplémentaires en faveur des collectivités locales (en plus des « 600 millions d’euros prévus par le gouvernement » ). Ces taxes paient ainsi 80 % de la revalorisation ».
Les arguments de Gérald Darmanin n’ont pas suffisamment eu d’échos dans l’Assemblée : les deux amendements demandant le déplafonnement des taxes affectées à l’ANS ont été adoptés. Mais c’était sans compter la détermination du ministre. Dans la nuit, il a décidé de « revenir sur les amendements »  votés par les députés quelques heures plus tôt et demandé que « les alinéas introduits par ces deux amendements »  soient supprimés dans le cadre d’une seconde délibération.
« Pouvons-nous accepter cela, et renoncer à ces 15 millions d’euros ? Je ne comprends pas l’attitude du gouvernement », a déploré Charles de Courson, député Union des démocrates, radicaux et libéraux (Libertés et territoires) de la Marne. « Au rugby, les Français n’ont pas rejoué contre les Gallois !, s'est exclamé Jean-Paul Dufrègne, député communiste de l'Allier, en référence au quart-de-finale de la Coupe du monde de rugby perdu 20-19 par l'équipe de France le 20 octobre. Et d'ajouter, très remonté : « Nous sommes des gueux ».
Cette fois, la balance a penché du côté de Gérald Darmanin. Le déplafonnement des taxes affectées à l’ANS a donc été rejeté par 29 voix pour et 21 contre. Un revirement jugé « scandaleux »  et « honteux »  sur les bancs du groupe Les Républicains. « Quand ça vous arrange, quand le vote n’est pas favorable, on le refait plus tard, lorsqu’il y a moins de monde et, surtout, en prévenant à la dernière minute », a déclaré, lors de la séance de questions au gouvernement du lendemain (mardi), Jean-Jacques Gaultier à l’attention de Gérald Darmanin. Qui n’a pas répondu. Olivier Dussopt a dû s’en charger. Le secrétaire d’État à Bercy a dénoncé « le choix de la polémique »  fait par certains députés. Avant de tacler : « Le respect pour le monde sportif, c’est éviter de faire des coups politiques à deux heures et demie du matin et d’aller se coucher avec la conscience d’avoir fait le travail, alors que le débat continue ».

Ludovic Galtier

Accéder au compte rendu des débats.

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