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Édition du vendredi 24 mai 2024
Société

Quartiers prioritaires de la politique de la ville : « des sas ou des nasses ? », se demande l'Insee

L'Insee consacre une étude aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Leur mobilité résidentielle entre 2011 et 2020 varie selon leurs niveaux de vie : sur cette période, trois habitants sur dix ont quitté ces quartiers et quatre sur dix n'ont jamais déménagé.

Par Lucile Bonnin

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) regroupent 5,4 millions d’habitants, soit 8 % de la population. Selon l’Insee, on compte au total 1 436 QPV répartis dans 801 communes. « Une grande part de ces habitants vit sous le seuil de pauvreté, 43 % contre 14 % des habitants de l’environnement urbain de ces quartiers ». Rappelons que les critères retenus pour définir un QPV concernent les revenus et le niveau de population. 

Une nouvelle étude de l’Insee portant sur la période 2011-2020 s’intéresse à la trajectoire des habitants des QPV. Les auteurs s’interrogent sur la mobilité résidentielle des habitants, qui traduit à la fois les bienfaits et les risques de ce dispositif. « Fonction de « sas »  pour des populations momentanément fragilisées »  ou bien « effet "nasse" pour les habitants des quartiers prioritaires qui y résideraient durablement, sans amélioration de leur situation ? »  Ces schémas existent et dépendent largement du niveau de vie des habitants.

Des habitants qui déménagent 

Premier constat mis en avant par les statisticiens de l'Insee : les personnes de 18 ans ou plus habitant un quartier prioritaire sont plus nombreuses à avoir déménagé entre 2011 et 2020 que celles habitant dans l'environnement urbain (53 % contre 47 %).

Il est important de souligner cependant que cet écart est lié « aux différences de répartition entre propriétaires, locataires du parc social et locataires du parc privé. »  En effet, « les propriétaires étant les moins mobiles et surreprésentés dans l’environnement urbain, cela explique en partie la plus forte mobilité des habitants résidant en quartier prioritaire en 2011. À l’inverse, les locataires du secteur privé – population la plus mobile – sont moins nombreux à déménager au moins une fois entre 2011 et 2020 lorsqu’ils habitent en quartier prioritaire que dans l’environnement urbain (65 % contre 73 %) » .

Les habitants des QPV déménagent souvent sur des distances courtes, contrairement aux autres urbains hors-QPV. Entre 2011 et 2020, 36 % des habitants issus d’un quartier prioritaire en 2011 ont déménagé à moins de 2 km, contre 24 % des habitants de l’environnement urbain. Cette courte distance peut s’expliquer par le fait que « le nombre de kilomètres parcourus lors du déménagement d’un logement social vers un autre est environ trois fois plus faible que pour l’ensemble des déménagements ». 

Des jeunes moins mobiles 

Si les habitants des QPV déménagent plus que leurs voisins hors-QPV, il apparaît que les plus jeunes ne suivent pas cette tendance. « Parmi les habitants âgés de 18 à 29 ans en 2011, en moyenne plus mobiles que les populations plus âgées, ceux issus des quartiers prioritaires sont toutefois moins mobiles : 80 % ont déménagé au moins une fois entre 2011 et 2020, contre 86 % parmi ceux de l'environnement urbain » . Les auteurs observent que ces jeunes partent plus tard de chez leur famille car « moins diplômés et plus fragiles sur le marché du travail ».

Ces résultats peuvent être mis en perspective avec une étude de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire sortie en mars 2021 qui indique que la population des QPV est « une population jeune, plus jeune que dans le reste de la France métropolitaine, où les moins de 25 ans représentent 29 % » . Les auteurs pointaient notamment que « les 15-29 ans subissent deux fois plus le chômage que ceux des quartiers environnants »  et que les jeunes sont « davantage touchés par les inégalités scolaires et par le chômage, [et] restent défiants par rapport aux politiques et aux institutions qui les considèrent plus comme un problème que comme une ressource possible ».

Rester ou partir  

Si déménager est une pratique récurrente des habitants de QPV, les quitter définitivement est une autre affaire. Entre 2011 et 2020, 10 % des personnes âgées de 18 ans ou plus en 2011 ont habité au moins un an en quartier prioritaire, dont plusieurs ont occupé le même logement en quartier prioritaire sur toute la période. 

L’Insee a réparti ces habitants en 5 groupes : les « stables », les « mobiles », les « sortants », les « entrants »  et les « passagers ». « Les stables rassemblent 37 % des habitants : ils résident dans le même logement d’un quartier prioritaire de 2011 à 2020. Les mobiles, ceux qui ont connu au moins une mobilité résidentielle sur la période, mais toujours au sein de quartiers prioritaires, sont 11 %. »  Ainsi les auteurs pointent que près de la moitié des personnes ayant habité au moins un an en quartier prioritaire entre 2011 et 2020 y restent tout au long de la période (stables et mobiles).

27 % des plus de 18 ans entre 2011 et 2020 sont sortis d’un quartier prioritaire (les sortants) et 12 % s’y sont installés. « Les passagers correspondent aux 13 % restants : les personnes ayant résidé dans un quartier prioritaire une ou quelques années sur la période », peut-on lire dans l’étude. 

Qui sont ceux qui partent et ceux qui restent durablement ? Le taux de pauvreté des « mobiles »  reste supérieur à 40 % de 2011 à 2020, alors que le taux de pauvreté des sortants est inférieur à 20 % en 2020. L’Insee indique que « ce phénomène pourrait illustrer l’effet "nasse" des quartiers prioritaires : ceux qui y restent durablement (les mobiles et les stables) ont le niveau de vie le moins élevé » . Aussi, à l’inverse, « le niveau de vie médian des sortants augmente de 17 % entre 2011 et 2020, plus forte hausse de tous les groupes »  ce qui pourrait illustrer cette fois la fonction de « sas »  des QPV. 

Consulter l'étude de l'Insee. 

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