Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 5 décembre 2025
Société

En zone rurale comme en zone urbaine, l'accès à l'examen du permis de conduire reste difficile

Des délais pour pouvoir passer l'examen au permis de conduire qui s'allongent, des auto-écoles menacées de fermeture, une pénurie des inspecteurs qui peine à se résorber : les tensions restent fortes dans certains départements pour obtenir un permis de conduire.

Par Lucile Bonnin

Le 29 septembre 2025, un mouvement de grève avait été initié par plusieurs fédérations d’auto-écoles afin d’alerter sur la problématique de l’allongement des délais d’inscription pour l’examen du permis de conduire (lire Maire info du 29 septembre). 

Encore récemment, plusieurs parlementaires ont interpellé le gouvernement à ce sujet. C’est le cas notamment du député Sébastien Saint-Pasteur (Gironde) qui pointe – à l’occasion d’une question écrite – « des délais de représentation de plusieurs mois, très au-delà de l’objectif de 45 jours fixé lors de la loi d’orientation des mobilités, alors même que la demande d’examens a augmenté d’environ 16 % en six ans, sous l’effet notamment de l’abaissement de l’âge du permis B à 17 ans et de la montée en puissance des dispositifs de financement (CPF, etc.) ». 

En cause principalement : un manque d’IPCSR (inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière, qui sont des fonctionnaires de l’État) face à une augmentation du nombre de candidats au permis. 

En ville comme à la campagne, le phénomène s’installe 

Dans des territoires ruraux ou périurbains où les transports en communs sont loin d’être suffisants, le permis de conduire est une condition d’accès à l’autonomie et à l’insertion professionnelle pour les jeunes. Selon une étude de l’institut Terram, 69 % des jeunes ruraux disent dépendre de la voiture quotidiennement (lire Maire info du 23 mai). 

Dans ces territoires ruraux, le député de l’Aveyron Stéphane Mazars observe un « sentiment d’abandon et de relégation territoriale ». Si les délais pour passer le permis de conduire son trop longs, « les délais pour obtenir une nouvelle date d’examen – notamment après un échec – atteignent désormais quatre à six mois, voire davantage ». Rappelons que le délai médian national entre deux passages de l’épreuve pratique du permis de conduire s’établit à 77 jours avec des écarts territoriaux très marqués. « Dans certaines zones rurales du Nord, ce délai peut atteindre jusqu’à neuf mois » , ajoute le député. 

Mais on constate aussi ces dérives dans des territoires plus urbains. « Dans les Hauts-de-Seine voisins, des candidats rapportent attendre huit mois pour passer l’examen. En Seine-et-Marne, un collectif de gérants d’auto-écoles dénonce la perte de 900 places d’examen entre mars 2024 et mars 2025. Une auto-école de Seine-et-Marne a signalé avoir 69 candidats en attente pour un premier passage depuis juin 2024 », rapporte la députée de Seine-Saint-Denis Aurélie Trouvé. « Cette crise, loin d’être isolée, est symptomatique d’une problématique qui s’étend à la France entière », ajoute-t-elle. 

Des situations d’annulations sont aussi à déplorer. Selon la députée des Alpes-Maritimes Christelle D'Intorni, « depuis plusieurs mois, de nombreux candidats font état d’annulations répétées, voire de dernière minute, de leur examen pratique »  parfois même « quelques minutes avant l’épreuve » « faute d’examinateurs disponibles ou de remplaçants désignés ». La députée déplore « une grande détresse et un sentiment d’injustice chez les jeunes candidats ». 

Des réponses du gouvernement mais des moyens limités

Le gouvernement a apporté plusieurs réponses aux questions écrites des députés. 

Il a d’abord été annoncé en septembre la création de 80 000 places d’examens supplémentaires pour le permis B d’ici la fin 2025. « Cette mesure ambitieuse a pour objectif principal de répondre à la forte demande et de réduire les délais d’attente, particulièrement dans les départements en tension ». 

Concernant les recrutements d’inspecteurs, « 88 ont été recrutés en 2024 par concours dont 38 postes supplémentaires, 108 en deux concours en 2025 et 10 postes supplémentaires seront créés dès 2026, afin de renforcer la capacité de réalisation d’examens pratiques ». 

Aussi, « dans chaque département où le délai médian dépasse 80 jours »  un comité de suivi a été ou va être créé afin de réunir les services de l’État et représentants des auto-écoles. « Ce comité placé sous l’autorité du préfet permettra de dresser un état des lieux et de piloter finement la production de places. » 

Dans de nombreux cas de figure, le gouvernement a sollicité des inspecteurs retraités « pour réaliser des examens sous conventions et appuyer ainsi les départements en tension ». Les réponses du gouvernement se font au cas par cas avec les bureaux éducation routière des départements. Par exemple, des solutions sur-mesure ont été trouvées dans le Loir-et-Cher pour pallier les arrêts maladie prolongés de deux inspecteurs.

Cependant ces réponses ne visent pas à réduire durablement la pénurie d’inspecteurs. « La profession d’inspecteur souffre en outre d’un déficit d’attractivité manifeste : modalités d’accès exigeantes, première affectation souvent éloignée du département d’origine, niveau de rémunération peu incitatif en début de carrière. Autant d’éléments qui freinent les vocations et aggravent la pénurie », a rappelé le son côté le député du Morbihan Paul Molac. Ce manque d’inspecteur « impacte également les professionnels et les autoécoles qui font face à un véritable manque à gagner », ajoute le député de Saône-et-Loire Éric Michoux. « La fermeture de ses structures serait désastreuse »  notamment pour les zones rurales « où le permis de conduire est une nécessité pour faire ses courses, se soigner, travailler, étudier ou encore accéder à la culture. » 

Il semble qu’aucune rupture de ce phénomène inquiétant ne se profile véritablement à l’horizon puisque, comme le souligne le député Sébastien Saint-Pasteur, les crédits alloués à l’éducation routière et au fonctionnement concret des examens sont en baisse, « alors même que les indicateurs de délais d’accès à l’épreuve pratique se dégradent et que les difficultés de recrutement demeurent. »  Le député propose de « redéployer une partie des crédits aujourd’hui consacrés aux grandes campagnes nationales vers ces recrutements et vers le renforcement de l’éducation routière de terrain, de manière à réduire les délais d’examen et à sécuriser réellement l’accès des jeunes au permis de conduire. » 

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