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Édition du jeudi 10 janvier 2019
Social

Travail social : « Nous sommes dans une crise de sens de l'accompagnement social », estime l'Igas

Dans un rapport publié en fin d’année dernière, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) fournit des « clefs de compréhension concernant l’évolution, l’organisation et la mise en œuvre des politiques d’accompagnement social dans notre pays ». Et constate que le travail social est en difficulté structurelle « du fait (notamment) de la saturation permanente des dispositifs ».
Dans un contexte d’accroissement des populations fragiles, de maîtrise des dépenses publiques et une société minée par « le sous-emploi durable », le manque de moyens humains et budgétaires est édifiant dans ce secteur : l’accompagnement social mobilise seulement 1,6 % des travailleurs sociaux (hors établissements et services spécialisés). « Au plan budgétaire, le poids de l’ensemble des dispositifs d’accompagnement social est estimé grossièrement à une dépense publique annuelle de l’ordre de 2,5 milliards d’euros (hors insertion socioprofessionnelle et 4 milliards d’euros en l’incluant) », fait remarquer l’Igas. Un budget bien mince comparé à celui des dépenses de protection sociale (690 milliards d'euros) et celui des politiques d’aide et d’action sociale (70 milliards d'euros). Résultat : l’accompagnement social « pèse beaucoup moins lourd »  que la redistribution monétaire (qui comprend par exemple le revenu de solidarité active). L’approche préventive apparaît ainsi négligée.
S’ajoute à cela le caractère « protéiforme »  de l’accompagnement social, qui fait intervenir des acteurs multiples. L’Igas en tient pour preuve le partage de la question sociale entre l’État, les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale. Un système de fonctionnement critiqué pour sa « grande complexité pour les personnes accompagnées ». Ces personnes sont, au travers de contrats et de parcours individuels, davantage destinataires d’une « aide contrainte »  que bénéficiaires d’un accompagnement vers l’émancipation. Illustration avec « l’attrition des budgets d’accompagnement des bénéficiaires du RSA », causée par « l’augmentation du poids des dépenses d’allocations individuelles de solidarité (+27 % entre 2011 et 2016) »  dans les budgets des départements.

Faire émerger un modèle d’intervention sociale renouvelé
Cet « état des lieux »  fait ainsi dire à l’auteure du rapport que nous sommes dans « une crise de sens de l’accompagnement social ». Et l’Igas de s’interroger : « S’agit-il toujours d’accompagner vers l’autonomie ou bien le mandat s’est-il implicitement rétréci à la « gestion sociale »  du non-travail et de la précarité ? » 
L’Igas apporte aussi ses contributions. Elle explique, par exemple, que « le primat de l’accompagnement individuel au détriment des approches collectives apparaît comme un marqueur fort des pratiques françaises, et un sujet central de réflexion pour les pouvoirs publics ». Elle plaide également pour « des modes opératoires contractuels plutôt que descendants, négociés plutôt que prescriptifs ».
Et de conclure : « L’émergence d’un modèle d’intervention sociale renouvelé, fondé sur un objectif d’émancipation individuelle et collective (…) pourrait fonder un projet de transformation sociale porteur de sens à la fois pour les personnes accompagnées, les professionnels, et les décideurs politiques. »  Le rapport suggère notamment de consolider le fonds d’appui aux politiques d’insertion et de se doter au niveau national d’un outil de type fonds d’innovation et d’investissement social.
Ludovic Galtier
Télécharger le rapport de l’Igas.

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