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Édition du mardi 21 juillet 2020
Social

Protection de l'enfance : la Cour des comptes étrille le système actuel

La Cour des comptes a rendu public hier un référé envoyé fin avril à Édouard Philippe, alors Premier ministre, sur « la gouvernance de la protection de l’enfance ». Ce référé au vitriol a pour but « d’attirer l’attention »  du gouvernement sur une gouvernance que la Cour estime « défaillante ». 
La protection de l’enfance concerne quelque 300 000 mineurs et « un peu plus de 20 000 jeunes majeurs », rappelle la Cour des comptes. La charge financière en incombe « principalement aux départements », qui ont dépensé à ce titre 8,3 milliards d’euros en 2018 (soit 57 % de plus qu’en 2000). Mais si les départements sont compétents dans ce domaine, la protection de l’enfance dépend également d’autres politiques publiques « non décentralisées », comme la santé, l’éducation et la justice. « Le pilotage de la politique de protection de l’enfance soulève donc des questions complexes, en raison de son caractère à la fois interministériel et décentralisé », relève la Cour des comptes. 

Moyens insuffisants
Les magistrats fustigent le manque d’articulation entre les instances de pilotage national : Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), direction générale de la Cohésion sociale (DGCS), groupement d’intérêt public Enfance en danger (Giped). « Ces organismes ne remplissent pas de façon satisfaisante leur rôle de pilotage ». Le CNPE en particulier, créé en 2016 et « très attendu à l’époque par les acteurs concernés », « n’est pas parvenu à remédier aux défaillances de la gouvernance nationale, les aggravant même parfois », selon la Cour des comptes, qui souligne « les moyens insuffisants »  dont a été doté le Conseil.
Les magistrats critiquent également durement « l’insuffisance et la dispersion des données disponibles en matière de protection de l’enfance », relevant par exemple que la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) « ne consacre qu’1,5 ETP à ce sujet »  ! Quant à l’Office national de protection de l’enfance, « il ne parvient pas à remplir la mission de production de données sur les parcours des enfants protégés qui lui a été confié par la loi ». Les départements eux-mêmes, selon la Cour, ne font pas suffisamment remonter leurs données.

Un opérateur national
Face à ce constat assez accablant, la Cour délivre plusieurs préconisations, dont la plus radicale est la suppression du CNPE, en réaffectant ses missions aux autres acteurs. La fonction consultative du CNPE pourrait être confiée au Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, suggère la Cour des comptes. Les magistrats proposent aussi la suppression de l’AFA (Agence française de l’adoption), dont la fusion avec l’Observatoire national de la protection de l’enfance a été naguère, prévue et a échoué. « Le maintien de l’AFA, sous la forme d’un GIP autonome centré sur la seule adoption internationale, n’a plus beaucoup de sens dans le contexte du déclin, fort et irréversible, du nombre d’enfants proposés à l’adoption par les pays d’origine. » 
La Cour des comptes préconise de créer à la place « un opérateur national unique », qui « se verrait confier des responsabilités directes en matière d’adoption »  et « pourrait s’appuyer sur le Giped (…) afin de construire une nouvelle stratégie transversale de l’adoption au niveau national », en « apportant son concours aux départements pour l’exercice de leurs compétences ». 
Enfin, la Cour des comptes recommande de désigner au plan local « un interlocuteur unique de l’État pour les conseils départementaux, chargé de coordonner les différents services déconcentrés »  - idéalement le préfet lui-même.
Le Premier ministre avait deux mois pour répondre à ces réflexions. Aucune réponse n’est pour l’instant parvenue à la Cour, qui a donc choisi de rendre publiques ces recommandations et de les transmettre aux commissions concernées de l’Assemblée nationale et du Sénat. 

F.L.

Accéder au référé.

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