Maire-info
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Édition du mercredi 20 avril 2022
Social

Le gouvernement souhaite donner « un nouvel élan » à la loi de lutte contre la prostitution

Le ministère de l'Intérieur demande aux préfets d'achever le déploiement des commissions départementales prévues par la loi alors qu'une vingtaine de départements n'en ont toujours pas et que 48 seulement ont engagé des parcours de sortie de la prostitution.

Par A.W.

Devant la mise en œuvre « inégale »  de la loi du 13 avril 2016 visant à lutter contre la prostitution sur le territoire, le ministère de l’Intérieur vient de publier une instruction demandant aux préfets de « finaliser »  l’installation des commissions départementales de lutte contre la prostitution « dans tous les départements »  prévues par cette loi. 

20 départements toujours sans commission 

Car si 80 commissions départementales ont été installées depuis 2017, une vingtaine de départements n’en possèdent toujours pas, selon le recensement réalisé au 1er janvier 2021 et communiqué par les auteurs de la circulaire. 

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, les ministres déléguées à la Citoyenneté et à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schippa et Élisabeth Moreno, estiment ainsi qu’il « importe […] d’achever le déploiement de ce dispositif dans les 20 départements non couverts à ce jour », ces commissions ayant pour mission de mettre en œuvre la politique départementale de lutte contre la prostitution et d’examiner les demandes d’engagement dans un parcours de sortie de la prostitution (PSP).

Et les membres de l'exécutif de souligner que, « dans les départements où une commission a été installée, son utilité a fait ses preuves, notamment en dynamisant le partenariat, le partage de culture, la mise en œuvre optimale de demandes de PSP tout en contribuant à un maillage territorial plus efficient ». Présidée par le préfet de département, chaque commission est notamment composée de représentants des collectivités et des EPCI.

À ce titre, les trois ministres enjoignent les préfets à veiller à ce que les membres des nouvelles commissions (ainsi que les nouveaux membres des commissions existantes) « bénéficient d’une session de sensibilisation ou de formation à la problématique de la prostitution ».

Augmenter les « parcours de sortie » 

Souhaitant donner « un nouvel élan »  à la loi en visant « aussi bien une généralisation qu’une harmonisation des dispositifs », les membres du gouvernement sollicitent également les préfets pour « augmenter le nombre de parcours de sortie de la prostitution ».

Car, là aussi, tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne. Sur les 80 départements qui ont installé une commission départementale, « 48 seulement »  ont engagé des parcours de sortie de la prostitution en faveur des victimes. Depuis 2017, « 564 personnes ont bénéficié d'un PSP dont 403 parcours en cours au 1er janvier 2021 », selon l’instruction. 

Des parcours de sortie qui visent à proposer « un accompagnement global »  de la personne en fonction de « la diversité de ses besoins »  (logement, hébergement, accès aux soins, accès aux droits, action d’insertion sociale et professionnelle) et s’appuie sur des actions de droit commun.

« Il s’agit donc de favoriser le développement des PSP en portant une attention soutenue aux demandes présentées par les [119] associations agréées », explique le ministère. D’autant que le PSP est un dispositif qui a « fait ses preuves », estiment les ministres, qui précisent que « sur les 161 PSP terminés, 95 % des personnes sortent du parcours avec une formation, un emploi et un logement ».

Très critique à l’égard d’une loi qui « n’atteint pas ses objectifs », l'association Strass (Syndicat du travail sexuel) retient, pour sa part, que ce « parcours de sortie »  s'apparente surtout à « un parcours du combattant »  et dénonce, entre autres problématiques, la complexité du dispositif.

Alors qu’un manque d’harmonisation a été observé, l’instruction rappelle par ailleurs aux préfets à veiller à « une bonne application »  des dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) qui prévoit la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour de six mois pour les étrangers victimes de traite ayant cessé de se prostituer. Une autorisation de séjour qui devra également être délivrée « dans les meilleurs délais possibles », afin de permettre notamment la signature du contrat d’intégration républicaine des publics éligibles. 

« Un manque de pilotage national » 

Pour rappel, la loi avait pour objectif de faire cesser les filières, dissuader les clients et aider les personnes prostituées en pénalisant les clients, en supprimant le délit de racolage et en permettant leur réinsertion à travers les « parcours de sortie ». 

Mais deux évaluations ont récemment mis en lumière une mise en œuvre « inégale », « très disparate »  et « hétérogène »  de cette loi selon les territoires.

Selon les auteurs du rapport de la Fondation Scelles, publié en 2019, celle-ci reposait « encore trop souvent sur les volontés individuelles », la loi étant « très diversement appliquée selon les villes étudiées, de la faible appropriation […] à la forte appropriation et application »  et le « processus de mise en œuvre se révèlent parfois relativement instables ».

Dans un rapport conjoint publié en 2020, les Inspections générales de l’administration (Iga), des affaires sociales (Igas) et de la justice (IGJ) estimaient que la mise en œuvre de la loi « souffre d’un manque de pilotage national », entraînant « une faible application de certaines mesures et une hétérogénéité des pratiques sur le territoire (en matière d’admission dans les parcours, par exemple) ». 

Télécharger l’instruction.
 

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