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Édition du jeudi 1er juillet 2021
Social

Après la crise sanitaire, le nombre de personnes à la rue a augmenté de 8 %

Par rapport aux années passées, les personnes sans abri sont plus souvent qu'auparavant des hommes seuls. Et leur nombre a augmenté sous l'effet de la crise sanitaire. Ce sont quelques-uns des points saillants d'une étude nationale des maraudes et Samu sociaux.

Par Emmanuelle Stroesser

Les publics rencontrés dans la rue par les maraudes et Samu sociaux (1) sont, traditionnellement, en majorité des hommes isolés. Mais leur proportion a augmenté cette année pour atteindre 80 %, soit 9 % de plus qu'en 2020. Cela s’expliquerait par le fait que les femmes ont davantage accédé à des hébergements en raison des ouvertures exceptionnelles liées à la crise sanitaire. C'est en tout cas l'hypothèse de la Fédération des Samu sociaux et de la Fédération des acteurs de solidarité (FAS), co-auteurs de l'étude.

L'effet covid-19 sur la perte d'emploi

La crise a également mis à la rue de nouvelles personnes – l’augmentation serait de 8 %. C'est la perte d'un emploi, provoquée par la crise qui a, pour près d'une personne sur deux, précipité la perte de logement. Ce résultat inquiète d'autant plus « que les effets économiques de la crise ne sont pas passés », explique Guillaume Chéruy, chargé de mission, qui a supervisé l'étude. Une nouvelle étude a d'ailleurs été menée les 22 et 23 juin pour mesurer si ce chiffre a augmenté en l'espace de six mois. Les résultats sont attendus pour septembre. En janvier, il s'agissait plus souvent d'un public plus jeune qu’à l’accoutumée, en meilleure santé, et équipé d'un téléphone.

Plus de trois ans à la rue 

L'autre évolution notable porte sur ce que l'on appelle le « temps d'errance »  (depuis combien de temps une personne est à la rue). Pour plus de la moitié (54 %) des personnes concernées, ce temps d’errance est de trois ans au moins. Ce chiffre fait lui aussi un bond (+ 16 %). À la Fédération nationale des Samu sociaux, on explique cela par le fait que les personnes les plus exclues sont restées à la rue et sans solution malgré toutes les solutions ouvertes pendant la crise sanitaire. Or, plus la personne vit depuis longtemps à la rue, moins elle accède à l'hébergement d'urgence.  « Seulement 17 % des ménages en errance depuis plus de 3 ans ont été hébergés la veille, contre 42 % des ménages en errance depuis moins d’une semaine. » 

Le non-recours aux droits 

Ce constat va de pair avec le non-recours persistant aux droits. 21 % des ménages n'avaient pas contacté le 115 depuis un mois. Les plus jeunes (18-24 ans) y ont deux fois plus recours que les plus âgés. À l'inverse, les plus de 60 ans n'y ont quasiment plus recours (à moins de 8 %). Le « découragement »  des ménages, « de mauvaises expériences passées »  dans l’hébergement et « une inadaptation des structures d’accueil »  sont les principales explications mises en avant. 

L'absence de téléphone, double peine

Un autre facteur, moins connu, est lié à la possession ou non d'un téléphone. Et donc la possibilité d'appeler plusieurs fois de suite et fréquemment le 115. Or un tiers des ménages concernés ne sont pas équipés d'un téléphone. Et sur les 65 % qui disent en posséder un, plus d'un tiers ont des difficultés à s'en servir : problèmes pour charger la batterie, manque de crédits, vol ou perte de l'appareil. Les jeunes possèdent généralement un téléphone (à 84 %), mais pas les plus de 60 ans, équipés pour moins d'un sur deux. Cela se répercute dans les appels au 115 : « Les ménages sans téléphone n’ont majoritairement jamais appelé le 115 avec un taux égal à 58 % contre 31 % pour les ménages possédant un téléphone ». En terme d'accès à un hébergement, les personnes possédant un téléphone ont « dans 76 % des cas eu un hébergement au moins une nuit durant la semaine précédant l’enquête, contre 24 % des personnes sans téléphone ». 

Manque de soins, d'eau potable

Dans la rue, les autres difficultés portent sur l'accès à l’alimentation (36 %), à l’hygiène (50 %) et à l’eau potable (32 %). Les problèmes de santé sont récurrents, dans près de six situations sur dix, avec des problèmes tout aussi récurrents d'addiction (56 %), somatiques (54 %) et psychiques (45 %). La santé est d'autant plus dégradée que la personne est âgée. 

Des efforts, mais encore insuffisants

Depuis la crise sanitaire, les efforts de l’État ont été réels, avec plus de 40 000 hébergements d'urgence ajoutés aux 160 000 places d'hébergements, le plus souvent en hôtel social. « Le problème c'est que le nombre reste insuffisant même si le nombre de places ouvertes est sans précédent », relève Guillaume Chéruy. La fédération des Samu sociaux et la FAS demandent, notamment, la pérennisation de ces places au-delà de mars 2022. Elles suggèrent aussi une sensibilisation des forces de l'ordre, pour « déconstruire certains préjugés »  qui ont sans doute conduit à ce que des personnes sans abri… soient verbalisées pendant le premier confinement.

Accéder au site des Samu sociaux.

(1) Étude nationale sur le sans-abrisme de la Fédération des acteurs de la solidarité et de la Fédération nationale des Samu sociaux. Étude réalisée les 12 et 13 janvier 2021, par 63 structures, représentant 74 équipes réparties sur 39 départements et 12 régions qui ont renseigné 755 questionnaires auprès des ménages rencontrés.

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