Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 7 décembre 2020
Lois

Simplification de l'action publique : publication imminente de la loi Asap 

Très attendue, la décision du Conseil constitutionnel sur la loi portant accélération et simplification de l'action publique (Asap) a été rendue publique le 3 décembre. Saisis un mois plus tôt par soixante députés, les Sages ont validé la plupart des dispositions contestées, tout en censurant 26 cavaliers législatifs.

Passé de 50 à 149 articles, le projet de loi dit « Asap »  a pris de l’ampleur avec la crise sanitaire, l’impératif de relance ayant conduit le gouvernement à muscler le volet « simplification des procédures applicables aux entreprises »  (titre III) (lire Maire info du 25 septembre). Avec de très vives discussions sur les dispositions assouplissant le droit de l’environnement et celui de la commande publique, cœur de la saisine du Conseil constitutionnel. Surprise : en dépit de la levée de boucliers d’experts et d’associations dès la présentation du projet de loi, visant notamment à faciliter l’installation de projets industriels, ces volets dérégulateurs ont passé sans encombre le cap du juge constitutionnel.

« Pas de régression de la protection de l’environnement » 

Plus précisément, sur les dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (art. 21 de la loi), les requérants critiquaient, au nom de la Charte de l’environnement, la possibilité d’étendre aux projets en cours d'instruction « les facilités aujourd'hui accordées aux installations existantes pour se mettre en conformité avec de nouvelles prescriptions », mais aussi leur inapplicabilité au gros œuvre. Autre motif de saisine : « Le fait que la demande soit présumée complète dès lors qu'elle répond aux seules conditions de forme prévues par le Code de l'environnement ». Sur ce dernier point, les Sages soulignent que le préfet doit, en tout état de cause, « prendre en compte l'ensemble des règles de fond prévues par le Code de l'environnement », et qu’il peut édicter des « prescriptions particulières complétant ou renforçant les règles et prescriptions générales fixées par arrêté ministériel ».
Quant aux dispositions visant à considérer les projets en cours d’instruction comme des installations existantes, elles « se bornent à reporter la mise en œuvre des règles et prescriptions protectrices de l'environnement, et à aligner leurs modalités d'application sur celles retenues pour les installations existantes », sans qu’elles ne les dispensent de cette mise en œuvre. Concernant le gros œuvre, le Conseil relève que le dispositif de la loi Asap a « pour seul effet d'éviter que certaines nouvelles prescriptions, uniquement relatives aux constructions, par leur application rétroactive, aient des conséquences disproportionnées (…) sur des projets en cours d'instruction ayant déjà fait l'objet d'une demande d'autorisation complète ». 

Exécution anticipée de travaux : le porter à connaissance suffit 

Toujours en matière environnementale, ont également été jugées conformes à la Constitution l’article 25 de la loi, permettant au préfet d’opter pour une consultation par voie électronique en lieu et place d’une enquête publique pour certains projets, de même que l’article 26, lui permettant également d'autoriser, aux frais et risques du pétitionnaire, l'exécution de travaux avant la délivrance de l'autorisation environnementale. Sur l’article 25, le Conseil a estimé que le législateur avait « suffisamment défini les conditions d'exercice »  du droit d’option du préfet, restant tenu « d'apprécier l'importance des incidences du projet sur l'environnement ». Sur l’article 26 – de loin le plus contesté –, les Sages retiennent que « l'autorisation préfectorale ne peut concerner que les travaux dont la réalisation ne nécessite pas l'une des décisions exigées au titre des législations spéciales couvertes par l'autorisation environnementale »  (autorisations gaz à effet de serre, défrichement, Natura 2000, etc.). Autres garanties : l’autorisation de commencer les travaux ne peut être accordée « qu'après que le préfet a eu connaissance de l'autorisation d'urbanisme », et qu’après que cette possibilité « a été portée à la connaissance du public ». Une « décision spéciale »  qui ne peut être prise qu’à l’issue du délai courant pour ce type de procédure de consultation, et qui devra respecter les « mêmes modalités de publicité que l'autorisation environnementale ».

Marchés publics : la reprise justifie les moyens

En matière de commande publique, les Sages ont également validé l’ensemble des dispositions destinées à faciliter la reprise de l’activité. Parmi les plus marquantes : la possibilité de passer un marché de gré à gré, « dans les cas où un motif d'intérêt général le justifie »  ; la possibilité, en cas de circonstances exceptionnelles, « de mettre en œuvre des mesures dérogeant aux règles de passation et d'exécution des marchés publics et des contrats de concession afin de permettre la poursuite de ces procédures »  ; et enfin, le rehaussement à 100 000 euros HT du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de travaux.
Enfin, 26 dispositions ont été censurées en tant que cavaliers législatifs (c’est-à-dire des dispositions sans lien direct avec l’objet de la loi). Sont notamment passés à la trappe : l'article 30 du texte définitif, qui autorisait certains établissements publics de l'État à mutualiser leurs fonctions support ; l'article 63, qui organisait le couplage des travaux d'installation de la fibre optique, avec ceux de raccordement d’une installation de production d'électricité au réseau ; l'article 86, qui donnait aux cours administratives d’appel la compétence, en premier et dernier ressort, des recours dirigés contre les décisions relatives aux projets de barrages et à leurs infrastructures. À signaler également, la censure, au sein de l’article 80 (art. 33 du texte, relatif à la réforme de l’Office national des forêts), de la seule disposition permettant « la communication directe, notamment aux experts forestiers, par l'administration fiscale, des données cadastrales en matière forestière ».

Renumérotée en conséquence, la loi devrait être publiée au Journal officiel dans les prochains jours. 

Caroline Saint-André

Consulter la décision du Conseil constitutionnel.

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