Services publics : la dématérialisation exclut toujours une partie des citoyens, selon la Défenseure des droits
Par Lucile Bonnin
Que peut faire le législateur pour que les droits des usagers des services publics soient mieux respectés ? C’est pour répondre à cette question que le Sénat a créé en avril une mission d’information sur le thème « Faciliter l'accès aux services publics : restaurer le lien de confiance entre les administrations et les administrés ».
Dans le cadre de ses travaux, la mission d’information a auditionné hier soir la Défenseure des droits Claire Hédon, en première ligne sur ces sujets d’accès des usagers aux services publics.
« Absence de réponse, absence d’écoute et de prise en considération des arguments des usagers, délais de traitement, défaut d’information » : « les droits des usagers concernent 90 % des réclamations envoyées au Défenseur des droits » , a rappelé Claire Hédon aux sénateurs.
En 2024, 141 000 réclamations envoyées au Défenseur des droits portaient sur l’accès aux services publics. Elles avaient toutes, selon Claire Hédon, « pour origine commune, l’éloignement des services publics. »
Moins de dématérialisation, plus d’aller-vers
Si la dématérialisation se veut être un « outil de simplification » il comprend « des risques d’exclure une partie de la population ». Selon Claire Hédon, lorsque la dématérialisation « est mal pensée et devient la voie exclusive, c’est un risque. Je pense notamment à Ma PrimeRénov’ et aux demandes de titre de séjour pour les étrangers. »
Dans le rapport d’activité 2024 du Défenseur des droits, il est indiqué que MaPrimeRénov' a d’abord été mise en place pour les foyers les plus démunis mais que « ce sont ces mêmes foyers qui aujourd’hui encore pâtissent des dysfonctionnements du service, du manque d’interlocuteurs et d’un défaut d’informations. » Plus de 3 000 réclamations ont été envoyées au Défenseur des droits sur ce seul dispositif. De plus en plus de parlementaires, saisis par les citoyens, alertent également la Défenseure des droits sur ce sujet spécifique. Cette dernière rappelle qu’il est primordial pour ce genre de dispositif de toujours prévoir la possibilité de déposer un dossier papier. Or de plus en plus de guichets ferment dans les services publics, ce qui inquiète la Défenseure des droits.
Au contraire, il apparaît que le site impôts.gouv.fr est « un site qui fonctionne bien et où on peut joindre quelqu’un facilement ». « Limiter l’accès au droit est une manière de gérer des ressources limitées si on est un peu cyniques », commente la sénatrice Marianne Margaté. « Mais pourquoi ce site en particulier fonctionne bien ? », a interrogé Ronan Dantec. Sans faire davantage de commentaires, la Défenseure des droits indique que s’il y a eu dématérialisation il n’y a pas eu de réduction des effectifs pour autant.
La discussion a aussi été l’occasion de saluer les démarches d’aller vers comme l’expérimentation Territoires zéro non-recours ou encore des initiatives territoriales comme en Guyane avec la pirogue France services. Pour la Défenseure des droits, si les espaces France services – qui sont désormais au nombre de 2 840 – constituent sans aucun doute « une avancée », elle observe tout de même une répartition inégale des structures. Elle rappelle au passage que les agents France services ne peuvent apporter qu’une « aide de première intention mais ne peuvent pas traiter le dossier et intervenir sur un problème de fond ».
La dématérialisation a aussi des conséquences très concrètes sur le quotidien. Claire Hédon a soulevé un problème rarement mis en avant : alors que de plus en plus de gares en zones rurales sont transformées en « points d'arrêt non gérés », dénommés « PANG », certains citoyens ont saisi le Défenseur des droits car ils ont été verbalisés pour avoir voulu prendre leur ticket directement à bord du train. Or les personnes âgées, par exemple, n'ont pas toujours la possibilité d'accéder à une application mobile ou à un ordinateur pour réserver une place en ligne. La Défenseure des droits appelle à limiter la suppression des guichets dans les réseaux TER et à mettre en place des distributeurs et assurer leurs maintenances.
Beaucoup de citoyens abandonnent face à des parcours de plus en plus difficiles : il y a un taux de 50 % de non-recours au minimum vieillesse et un tiers de non-recours au RSA. De plus, ces situations ubuesques, injustes et incompréhensibles pour les citoyens ont bien évidemment un impact sur les agents publics en première ligne tout comme les maires qui font face à une montée de la violence. Enfin les conséquences politiques de ces dysfonctionnements existent. Comme l’a évoqué le sénateur Éric Gold, certaines études montrent une « corrélation entre le vote pour les extrêmes et l’absence de services publics dans les territoires. »
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