Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 2 novembre 2022
Sécurité

Sécurisation des Jeux olympiques 2024 : les communes redoutent les conséquences de la mobilisation annoncée par le ministre de l'Intérieur

Auditionné mardi dernier par les commissions de la culture et des lois du Sénat, Gérald Darmanin a dévoilé les grandes lignes du dispositif sécuritaire qui va être déployé pour les Jeux olympiques 2024. Ces annonces inquiètent les élus, qui demandent une concertation.

Par Lucile Bonnin

Le ministre de l'Intérieur a détaillé la semaine dernière le dispositif de sécurité des Jeux olympiques 2024. Le moins que l’on puisse dire est que le ministère a prévu de mettre les bouchées doubles sur la sécurisation de cet évènement, en concentrant les forces de l’ordre autour des sites olympiques.

Menace terroriste, troubles à l'ordre public, menace cyber et menace liée à la délinquance : Gérald Darmanin a rappelé les grands défis auxquels va être confronté le pays lors de cet évènement d’une grande ampleur. Le ministre a expliqué la semaine dernière devant les commissions de la culture et des lois du Sénat que « 10 500 athlètes de 206 nations »  vont être présents sur « 40 sites de compétition dont la moitié en Île-de-France et 7 en hyper-centre », « 6 000 journalistes »  et « quasiment 10 millions de spectateurs » . Il rappelle que 22 villes vont accueillir des épreuves. 

Ainsi, le ministère prévoit un dispositif inédit qui mobilisera « plus de 30 000 policiers et gendarmes par jour » . Mais cet effort ne se fera pas sans sacrifice et c’est ce qui inquiète fortement les élus et notamment l’AMF qui craint que cette sécurisation se fasse « au détriment des communes dynamiques qui accueillent des événements culturels, sportifs, festifs ou commerciaux. » 

Annulations et reports d’évènements 

Le ministre de l’Intérieur a annoncé « le report ou l’annulation de tous les événements en France qui demandent des unités de force mobile ou qui demandent la présence très forte de nombre de policiers » . Sans entrer dans les détails, il a notamment cité les « grands festivals culturels qui ont lieu pendant l’été » , « de grands évènements sportifs qui méritent d’être sans doute un peu décalés » , ou encore de « grands concerts. »  Devant les sénateurs, le ministre a précisé que ces annulations se feraient « en lien avec les élus ».

Ce n’est pas un secret : de nombreux festivals et évènements ont souffert de la crise sanitaire. Cette énième annulation serait un coup de massue pour certains. Des maires s’inquiètent déjà de ces décisions, comme Damien Meslot, maire de Belfort qui s'est dit inquiet pour la tenue des Eurockéennes en 2024 et qui estime que « cela signifie donc qu'un pays comme la France n'est plus en capacité d'organiser de grands événements sans mettre à l'arrêt le reste du pays. » 

L’AMF, dans un communiqué publié samedi, rappelle que « ces événements sont essentiels à la vie culturelle du pays, alimentent l’économie et l’emploi local, et participent au rayonnement de la France. » 

« La France va continuer à vivre » 

L’objectif du plan de sécurisation est clair : le gouvernement veut « concentrer les ressources policières et gendarmesques »  [sic] autour des évènements liés aux JO. Pourtant le ministre se veut rassurant. Il a indiqué être conscient que pendant cette période, « la France va continuer à vivre »  et qu’il « y aura toujours des appels 17, des feux, des actes de délinquance, des manifestations parfois même culturelles sportives ailleurs. » 

Ainsi, pour maintenir la sécurité dans les territoires, le ministre a décidé de mettre fin, le temps des JO, aux zones de compétences entre police et gendarmerie. Il explique qu’il sera possible d’envoyer des gendarmes en zone police par exemple « avec pour mission de tenir une gare. »  Il sera également possible « d’utiliser des policiers dans des territoires de province qui pourront être envoyés dans des zones de police pour être renforcées et que les gendarmes les remplacent le temps de la compétition. »  Une partie d’un commissariat pourra donc être affectée en Île-de-France. 

Cette possibilité de remplacement sera-t-elle suffisante ? Il a en tout cas été annoncé que les policiers et les gendarmes ne pourront pas prendre de congés pendant la période juin-juillet-début août et que 7 000 élèves des écoles de police et de gendarmerie pourront être mobilisés. 

Le ministre a également évoqué les « plans zéro délinquance »  menés sur les sites accueillant les JO. Un point a été fait sur les dispositifs de vidéo protection : 400 caméras minimum vont être déployées en 2024 à Paris et le maire de Marseille a accepté le déploiement de 330 caméras d’ici l’année prochaine. Le ministre a rappelé qu’il ne pouvait bien sûr pas imposer aux maires d’installer des caméras mais que les élus se montraient plutôt ouverts à la question.

Pas de CRS sur les plages 

Une autre annonce a particulièrement surpris les élus : « ll n’y aura plus de CRS des plages cette année-là » . L’AMF estime que « cette annonce menace le maintien de l’ordre public, le dispositif de surveillance et de sauvetage des baigneurs et la protection de l’environnement sur les plages, pourtant très fréquentées en période estivale. La sécurité est une compétence régalienne et les maires n’ont pas les moyens de pallier l’absence de CRS et autres forces mobiles. » 

Dans un contexte où la surveillance des plages est particulièrement menacée par la pénurie de maîtres-nageurs sauveteurs (lire Maire info du 24 mai), cette suppression des CRS plages fait craindre une recrudescence du nombre d’accidents. Elle revient aussi à mettre entre parenthèse la lutte contre le terrorisme dans ces endroits très touristiques.

L’AMF a donc saisi la Première ministre pour proposer une concertation associant « l’ensemble des parties prenantes pour trouver des solutions qui ne pénalisent pas les autres communes de France et une certaine idée de notre pays, dont le rayonnement évènementiel estival, notamment culturel, est une marque de fabrique reconnue dans le monde entier, source d’attractivité, d’identité et d’ouverture. » 

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