Proposition de loi narcotrafic : les maires ne pourront finalement pas prononcer de fermeture administrative
Par Lucile Bonnin
Après plusieurs mois de débats parfois houleux, la proposition de loi visant à lutter contre le narcotrafic – qui avait été déposée en juillet 2024 par les sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durain – arrive en fin de course.
Finalement, le Sénat et l’Assemblée nationale ont trouvé un accord, le 10 avril dernier en commission mixte paritaire, sur cette proposition de loi sénatoriale visant à « sortir la France du piège du narcotrafic » que le gouvernement – et notamment les ministres de l'Intérieur et de la Justice, Bruno Retailleau et Gérald Darmanin – a largement repris à son compte.
Cette rédaction commune sera soumise au vote du Sénat mardi prochain et de l’Assemblée nationale mercredi. Son adoption définitive fait peu de doute. Sur les 14 membres de la CMP, seul un parlementaire LFI a voté contre, estimant que certaines mesures sont trop strictes et même « liberticides ».
Pour Jérôme Durain, co-auteur de la proposition de loi, le texte issu de la CMP « est un bon point d’aboutissement, avec des améliorations ». Bruno Retailleau a salué de son côté « le grand travail mené par les sénateurs et des députés sur cette loi capitale » et a indiqué espérer que « le vote final des 28 et 29 avril prochains, permettra […] l’adoption rapide de cette loi, pour mettre en œuvre la réponse forte face aux narcotrafiquants, demandée par nos concitoyens ».
Le cœur du texte conservé
La création d’un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), mesure qui a toujours été consensuelle, a été entérinée. Ce parquet, similaire aux parquets financier (PNF) ou antiterroriste (Pnat), serait chargé du « haut du spectre » des crimes en la matière et constituerait une « incarnation » de la lutte contre le narcotrafic, avec un rôle de coordination des parquets locaux.
On retrouve aussi dans ce texte résultant de la CMP d’autres mesures phares du texte comme la création d’un régime carcéral plus strict pour les gros trafiquants (quartiers de haute sécurité avec réexamen périodique après un an) ou encore la refonte du régime des repentis (réduction jusqu'aux deux tiers de la peine initiale).
Le texte prévoit aussi une interdiction émise par le préfet de paraître pendant un mois maximum dans les lieux liés à des activités de trafic de stupéfiants pour une personne y participant. Dans le même article, une disposition prévoit que le préfet de département puisse également « enjoindre au bailleur de saisir le juge aux fins de résiliation du bail » d’une personne en lien avec des activités liées au trafic ou encore se substituer au bailleur et saisir le juge pour faire expulser de son logement cette personne.
La CMP a finalement aussi conservé une mesure controversée prévoyant un dispositif permettant l’activation à distance d’un appareil électronique fixe. Dans le cadre d’une enquête ou d’une information judiciaire relative à des infractions précisées dans le code de procédure pénale, au blanchiment des mêmes infractions ou à une association de malfaiteurs qui a pour objet la préparation de l’une desdites infractions, le procureur de la République ou le juge d’instruction, « peut autoriser l’activation à distance d’un appareil électronique mobile, à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, aux seules fins de procéder à la captation, à la fixation, à la transmission et à l’enregistrement des paroles prononcées par des personnes ou de l’image de ces dernières, pendant une durée strictement proportionnée à l’objectif recherché ». Cependant, la disposition qui permettait de contraindre les plateformes de messagerie chiffrée comme Signal ou WhatsApp à permettre l'accès aux services de renseignement aux correspondances des trafiquants pour les services de renseignement a été supprimée.
Fermeture administrative à la main des préfets
Un changement important pour les maires est cependant à noter. Lors de l’adoption du texte à l’Assemblée nationale au début du mois d’avril, un amendement avait été introduit par les députés du Rassemblement national, contre l'avis du gouvernement, permettant aux maires de prononcer pour une durée n'excédant pas un mois la fermeture administrative d'un établissement. Le maire aurait pu donc – en plus de proposer une fermeture administrative au préfet – prononcer lui-même une fermeture administrative.
En CMP, les parlementaires ont reculé. Finalement, la fermeture administrative de commerces soupçonnés de blanchiment sera bel et bien possible, mais à la main des préfets et non aussi des maires.
À plusieurs reprises lors des débats, les députés, tout comme les sénateurs, ont évoqué un risque pour les élus qui n’ont pas pour compétence de lutter contre le trafic de drogue. Même s’il est primordial que les maires puissent agir, la question de la sécurité des élus a été évoquée au fil des débats.
Cette dernière version de la proposition de loi contre le narcotrafic devrait être adoptée la semaine prochaine définitivement. Cependant, le sénateur Étienne Blanc, co-auteur de la proposition de loi, alerte sur les moyens financiers qui devront être alloués à la lutte contre le narcotrafic : « Il faut un renfort budgétaire, indique le sénateur du Rhône dans les colonnes de Lyon Mag. Douane, police, gendarmerie, justice nous le disent tous : on n’y arrive plus. À toute chose, malheur est bon. Ce qui vient de se passer dans les prisons françaises doit permettre, au moment du budget, de débloquer les moyens ». Étienne Blanc fait référence aux incidents violents qui se sont déroulés depuis plusieurs jours aux abords de nombreuses prisons, revendiqués par un mystérieux groupe prônant la « défense des droits des prisonniers français ».
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